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fluxionnaires, douloureafes, & invétérées. Ce moyen
de guérir eft encore aujourd’hui celui-dont, dans
des circonftances femblables , toutes ces nations
font le plus de cas , fi l ’on en excepte
les peuples d’occident, auxquels on feroit peut-
être en droit d’appliquer à cet égard le reproche
que faifoit Pline aux médecins de fon temps , lorfqu’i
l fe plaignoit que la pratique des anciens
etoit plus heureufe , & offroit plus de reffour-
ces que celle de fes contemporains , qui'avoient
abandonné l ’obfervation, pour fe livrer aux fyftê-
mes : Tanto prifcorum cura fertilior aut in-
dujtria felicior fu it .
Au refie , quoique depuis plufîeurs fiècles la
pratique de Yadujiion ait été très-négligée par
quelques - unes des nations les plus éclairées de
1 Europe, on a toujours vu , parmi les gens de
1 art , un petit nombre d’hommes habiles accorder
à ce mcyenune confiance entière pour la gué-
rifon des différens maux contre lefquels les
anciens l ’ont recommandé , & empêcher qu’il
iie tombât tout à fait dans l ’oubli. Mais per-
fonne , entre les modernes , n’a mieux apprécié
les bons effets du cautère aclueLy„ & n’a fait de
plus grands efforts pour répandre parmi nous Pillage
de ce procédé, que feu M. Pouteau, chirurgien
très-diftmgué de L y o n , à qui on eft redevable
de plufîeurs obfêrvations très - importantes ,
dont quelques-unes feront rapportées ici.
« Marc - Aurèle - Séverin , célèbre médecin
de Naples, qui a donné, fous le nom de Py~
rothecnie y chirurgicale , un ample traité du
feu , n’héfite pas, dit M. Pouteau , d’accufer les
guériffeurs de fon temps d’avoir été feuls la caufe
de l ’abandon d’un remède que la plus haute antiquité
a regardé comme prefque divin, & fur l ’efficacité
duquel il penfoit comme elle. Il les accu-
foit d’ignorance ou de mauvaifè foi ; d’ignorance
, s’ils n’étoient pas en état de reconnoître
la vertu aélive & toute puiffante du feu ( ce
font les expreffions de' Séverin ) ; de mau-.
vaife foi , fi la crainte de compromettre leur réputation
empêchoit qu’ils ne confeillaffent un remède
dont ils connoinoient toute l ’utilité».
Moyens propofés pour pratiquer Vaduflion,
i° . Procédé des anciens.
Si l ’on confulte les écrits des anciens médecins
grecs , latins , ou arabes , on voit qu’ils em-
ployoient, pour pratiquer Yadujiion y des fubftances
différentes félon la nature des parties fur lefquelles
ils fe propofoient d’appliquer le feu. Lesjjiétauxj
& particulièrement le fer rouge , font le moyen
dont ils fe fervoient dans le plus grand nombre
des cas; & il paroît qu’il étoit’allez rare'qu’ils
euffent recours à d’autres matières : dans certaines
circonftances, ils employoient des fufeaux de buis
plongés dans l’huile bouillante , diverfes fubf->
tances poreufes ( fungos ) , le lin crud ( //-
num crudurn ) , les racines d’afphodèle ( fa dise
Jlmctii ) , les noyaux d’olives , les crotins de
chèvre , & autres matières combuftibles , dont on
trouvera une énumération , foit dans, les ouvragés
détaillés de Galien, fôit dans ceux de Séverin
& dé' Mercatus. Ils attribuoient à chacune de
ces fubftances embrafées, des propriétés différentes,
& ce n’étoit point fans quelque fondement ; car nous
ne faurions croire, avec M. Pouteau , que « toutes
ces variations - étoient chez eux l ’ouvrage de
la prévention » ; on ne peut trop s’étonner
de l ’erreur commife à cet égard par ce chirurgien
célèbre, q u i, ne pouvant s’empêcher enfuite de
reconnoître que , parmi ces fubftances, les unes peuvent
être embrafeés avec plus d’intenfité que les
autres; que le feu appliqué par le moyen des métaux
peut pénétrer jufqu'à une profondeur qui entraîne
quelquefois des fuites funeftes , ne ' balance
pas à donner la préférence aüx corps qui ne font
pas fufceptibles d’acquérir un degré ae chaleur auffi
violent, & finit par établir en précepte que, dans
le cas où il faut appliquer le feu fur la peau,
le coton eft fans contredit . la fubftance la plus
commode. Gette méthode eft celle des égyptiens,
& elle équivaut au moxa dont fe fervent les ja-
ponois. Les inconvéniens auxquels on s’expofe en
cautérifant avec le fer rouge les parties contenantes
de l’abdomen, dans les affeétions des vifeè-
res de cette cavité , n’avoient probablement pas
échappé à Hippocrate ; & c’eft fans doute pour
cette raifon , qu’après avoir ordonné de cautérifer
par ce moyen la tête , la poitrine , & les extrémités,
il a preferit de fe fervir de diverfes fubftances poreufes
ou de fimples fufeaux trempés dans l ’huile bouillante,
pour appliquer le feu fur le bas ventre dans les en-
gorgemens fluxionnaires & opiniât res du foie & de la
rate. Les dangers qui peuvent réfulter de l ’aétion
du feu métallique dans les cas de cette nature ,
font très-grands, & exigent beaucoup de circonf-
peélion de la part du praticien.
On ne peut révoquer en doute que le feu du
cautère aéluel, & fur - tout celui des métaux embraies
, ne pénètre fouvent au delà du fiège du
mal, & ne donne lieu à des inflammations plus
ou moins vives dans les parties environnantes, à
une fièvre aiguë, quelquefois même à la mort ( i ) ,
comme les obfêrvations fuivantes, que nous empruntons
de M. Pouteau le démontrent.
(1) Les Egyptiens , inftruits par une longue expérience,
préviennent les accidens dont nous parlons, en ne pratiquant
jamais Yadujiion qu’avec de petits cônes de coton & de
linge , & en tenant d’ailleurs conftamment, pendant l’a&ion
du feu, fur les . parties environnantes de la brûlure , une
pièce de fer dont la fraîcheur tempère l’effet de la cha^
leur du cautère fur ces parties.
{ z ) OEuvres pofthumes, t, 2, p. 3 7 & fuiv.
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Suites funeftes de Vapplication du fe r rouge
appliqué fu r les os du crâne immédiatement.
■ « Il .eft à préfumer ( 1 ) , dit M. de Ha'en ,
qu’Hippocrate faifoit pénétrer la force du feu juf-
qu’à l’os même; car lorfqu’il en confeille l ’application
vers le grand angle de l ’oeil près du nez , il
veut qu’elle foit allez forte pour former une
efparre ; ce qui paroît ne pouvoir fe faire fans
intéreffer l ’os même. Cet inconvénient n’eft pas
fans doute plus facile à éviter , lorfqu’il préferit
de brûler les artères qui font vers lés oreilles,
de façon qu’on en arrête les pulfations. Aretee
de Capadoce , en parlant de la vertu de ce remède
contre l ’épilepfie , dit qu’il eft quelquefois
d’une grande utilité. $
Coelius - Aurelianus rapporte que Thémifon
vouloit que le feu pénétrât affez profondément
pour donner lieu à une exfoliation.
Celfe , dans lé paragraphe qui traite du larmoiement
pituiteux , liv. 7 > chap. 7 , s’exprime
aihfi : Quelques -1 uns tracent avec de l ’encre une
ligne du milieu d’une oreille à l ’autre , en paf-
fant par-deffus la tête , & une autre du nez a la
partie poftérieure de la tête. Au point d’interfec-
tion de ces deux lignes, ils incifént avec le fcal-
p e l , & après avoir iaiffé tarir le fang, ils met-
ient le feu au même endroit. Indépendamment
de cela , ils brûlent encore , avec le fer rouge ,
les veines éminentes entre le front & le fommet
de la t ê t e c e l l e s des tempes; en ce dernier
endroit, le feu eft très-fouvent employé. Mais il
y a beaucoup de reffource en ouvrant d’abord les
.veines , pour laiffer couler le fang en petite,
quantité , & l ’arrêter enfuite avec de petits fers
ardens. Aux tempes, il faut légèrement appuyer
ces fers , de peur d’intéreffer les mufcles maxillaires
qui font au-deffous ; mais l’intervalle entre
le front & le vertex difpenfe de ces ménage-
mens ; il faut pénétrer jufqu’à l ’os , afin d’en exfolier
une lame. C’eft .encore une pratique très-
efficace que celle _ des africains , qui brûlent le
fommet de la tête jufqu’à en obtenir une exfolia-
tion de l ’os.
Marc-Aurèle Séverin a recueilli la tradition
des auteurs de tous les temps fur les avantages de
cette brûlure.
Parmi' ces auteurs , on en trouvera qui , en
confeillant le • fer rouge , recommandent de ne
l ’appliquer qu’à côté des futures ; mais le plus
grand nombre a choifi le milieu de ces futures,
(1) M. de Haën fe trompe dans cette conjeâurej la peau
eft allez difficile à brûler dans toute fon épaiffeur, & Y application
d’un feul-fer , quelque rouge qu’il foit, portera
bien au delà une vive chaleur , mais elle ne fera jamais
deftruaive pour toute l’épaiffeur de la peau, {Note de
M. Pouteau. )
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& fur - tout la réunion des futures fagittales. &
coronales. Plufieurs ont fpécialenient infifte fur
la néceffité de faire pénétrer le feu jufques dans
le milieu de l ’épaiffeur de l ’os , jufqu’au diploé,
& ils attellent avoir obtenu , par cette pratique,
des guérifons étonnantes. Séverin , entre autres,
cite un particulier nommé François Defauges, guéri
d’une migraine opiniâtre par le feu appliqué jufqu’a
l ’os , à la réunion des futures qu’on vient de dé-
figner.
I l eft étonnant , dit Epiphanius , combien ce
cautère eft propre à fouîagçr le cerveau, & â en
chaffer les- nvauvaifes humeurs. Si les premiers
jours i l excite une certaine chaleur, l ’avantage
qu’on en retire d’ailleurs eft fi grand, qu on our-
blie bientôt cet inconvénient. Nous avons , continue
t-il , appliqué fouvent jufqu’à fept fois le
feu de cette façon à des fous qui font très-bien
venus à réüpifcence.
Je prends à témoin la divinité , dit Fernandês ,
qu’ayant fait trois, quatre , & même jufqu’à cinq
cautères fur les futures , j’ai guéri plufieurs per-
fonnes , & entre autres le beau-père de maî,tre
Gentilis , qui avoit perdu la mémoire, & deux
autres jeunes perfonnes devenues folles.
Jean Hôrn Ÿ premier profeffeur de Médecine
pratique à Leyde , en 1575» avoi.r gu^-
un chirurgien d’Utrecht par le feu appliqué fur
le fommet de la tête , après une incifîon. Sa maladie
étoit une migraine qui avoit réfifté à toutes
fortes de rèmèdes. Un homme , d i t - i l ailleurs
( aphor. 2 , fe£l. 7 ) , avoit la tête toute couverte
de tubercules ; ils ont tous été ouverts par le cautère,
qu’on a fait pénétrer jufqu’à l’os , dont la
carie approchoit du diploé. Cet os a été enfuite
ruginé peu à peu : on a fuivi la même pratique
pour chaque tubercule ; & toute la calotte offeufe
ayant elé fucceffivemënt foumife à cette épreuve,
le malade a été bien guéri.
Platerus déclare que , fachant qu’à Flqrence
on préverioit l ’épilepfie dans les enfans , en leur
brûlant le fommet de la tête d’abord après leur
naiffance , il ne défapprouve pas qu’on en ufe de
même dans les maladies rebelles dont la tête eft
le fiége.
Fabrice d’Aquâpendente a imaginé , pour faire
cette, opération , un cautère particulier, qu’on peut
voir dans fes oùvrages , ainfi que dans l ’arfenal de
Scultet , auteur qui loue auffi beaucoup cette
pratique.
Nuk fuit la méthode de Celfe pour le choix
de la place où il convient de faire, avec le cautère
aétuel, un trou affez profond. Frédéric Dec-
ken raconte la guérifon d’une jeune aveugle , à laquelle
un chirurgien enleva , par le moyen du
feu, la première table des os du crâne à la réunion des
futures fagittales & coronales : mais comme cette
guérifon ne paroiffoit pas affez folide , un autre
chirurgien brûla jufqu’au diploé ; ce qui procura
une large & épaiffe ex-foliation. Malgré cela, il