
I C 2 À C* T
d’après la couleur & l ’odeur de leurs excrémens.
En rapportant cette obfervation à l ’ufage des boif-
fons acides employées pour corriger & taire couler
la bile , on reconnoît une aé&on'analogue de ces
fels fur cette humeur. En effet , les malades qui
ont. pris ces boitions quelques heures de fuite ,
obfervent des changerais très-marqués dans leurs,
-évacuations ; leur couleur , de brune qu’elle d o it
d abord, devient d’un jaune c la ir , fou vent verdâtre.
Une fimple. limonade , prife dans des cir-
conftances fiemblables, excite quelquefois une purgation
allez prompte , & tous les fymptômes qui
oépendoient de la préfence & du féjour d’une bile
vifqueufe dans les premières voies, font calmés.y
en proportion de l ’évacuation qui a lieu. On. ne
peut -s’empêcher d’attribuer ces effets à la décom-
pofition de la bile , opérée par les acides ; fa réfine,
précipitée & teinte par l ’action de ces fels,
ffimule les membranes des intéftins ; le tel neutre
, que l ’acide forme avec l ’alkali de la b ile ,
produit une irritation légère ; & de ces impreffions
réunies doit fuivre l ’effet purgatif que l ’on obtient
dans ces cas. C ’eû à la meme caufe que font
autfi dues les douleurs & les coliques que fait
naître très-fouvent l ’ufage des acides.
Un des effets les plus frappans & les plus utiles,
produit par Vaction chimique dés médicamens dans
les premières voies , c’ eft la décompofitiqn dés
poifons minéraux & des fels métalliques, tels que
l ’arfenic , le fublimé corrofif, le vitriol de zinc,
le vert-de-gris, les préparations de plomb par les
réadifs appropriés. Lorfque le médecin eft con-
fulté immédiatement après que ces tubftances délétères
ont été avalées , i l adminiftre avec fuccès
les letïives alkalines, la diffolution de favon très-
étendue, ou les hépars commun & martial fous
forme folide. Les travaux de MM. Navier & Buc-
quet, tous deux médecins & chimiftes célèbres,
ont éclairé cette partie importante de i ’art de
guérir ; & leur recherches font d’autant plus importantes
â connoître, que les occafions d’y avoir
recours font affez fréquentes dans les grandes
v ille s , où les fubftances minérales nécefiaires aux
arts, font employées par un très - grand nombre
d’ouvriers fans ceffe expofés â leurs dangereux
effets. On doit preffentir quels avantages & quelles
reflburces préfentent les connôiffances chimiques,
pofitives dans un grand nombre d’empoifonnemens
que l ’art ne fauroit prévoir , & que des erreurs
fâcheufes peuvent faire naître ; -c’eit dans ce cas
que la Médecine , éclairée du flambeau de la Chimie
, peut rendre les fervices les plus grands aux
hommes; & c’eft d’après leur poflibilité que les
médecins ne fauroient trop ajouter de connoif
fances chimiques à toutes celles que la pratique
exige.
L ’adminiftration des abforbans , dans les affections
dépendantes ou Amplement accompagnées de
la préfence des aigres dans l ’eftomae & les intef-
tins, eft encore entièrement fondée fur une action
À C T chimique. Ces remèdes, qui étoient beaucoup plus
employés autrefois qu’ils ne le font aujourd’hui ,
ont ceffé d’être des panacées , des alexipharma-
ques précieux, dès que les connoiffances chimiques
ont appris qu’ils n’étoient propres qu’à neu-
tralifer les acides des premières voies, & ce n’eft
plus que pour remplir cette feule indication qu’on
les adminiftre. La Chimie a encore appris qu’ils
forment, avec les fucs aigris de l ’eftomac, une
efpèce de fel neutre amer qui jouit de la vertu
purgative , & que c’eft par la purgation qui a
lieu qu’on juge de la réalité de cette combinai-
fon, & de l ’exiftence des acides dans les premières
voies.
Ces détails fuffifent fans doute pour démontrer
que les médicamens agiffent en partie par leurs
propriétés chimiques dans les premières voies ; une
dernière remarque prouvera également que les fubftances
introduites dans ces vifcères agiffent quelquefois
par les'marnes propriétés fur le tiffu des
folides. Tout le monde connoît les dangers qui
réfultent'de l ’abus des liqueurs fpiritu eûtes. ; les
médecins favent que l ’épaifiiffement 8f le racor-
niffement des membranes en eft la fuite la plus
commune, & que c’eft à ce premier effet que font
dues les obftrudions, les hydropyfies, & tous les
maux qui terminent ordinairement la vie des
hommes adonnés à ces efpèces de boiffons. Il
eft impoffible de méconnoître l ’action chimique
des fpiritueux dans cet endurciffenient des membranes
; elle a lieu abfolument de la mêmfe manière
lorfqu’on laiffe macérer pendant quelque temps
les tubftances animales dans refprit-de-.vin. Il n’y
a d’autre différence entre ces deux phénomènes ,
que la lenteur , plus grande dans l’effet des liqueurs
fpiritueufes fur les parois de l ’eftomac » en
raifon de la puiflance- confervatrice de la v ie ,
qui défend ce vifcère de l ’action de ces fluides,
jufou’à ce que leur contad , long - temps continué
, ait engourdi & même détruit la. îènfibilité
nérveufe.
§. III. De /fodion chimique des médicamens^ dans
les v'aijjeaux*
Il eft plus difficile d’apprécier exactement quelle
peut être Y action chimique des médicamens dans
les fecond.es voies, ou dans les vaiffeaux qui. charient
les différent fluides du corps humain. Piufieurs grands
médecins ont penfé que les fubftances vraiment
médicamenteufes ne pénétroient point dans les
fécondés’ voies, & que leurs effets fe bornoient à
l ’eftomac & aux intaftins : mais un grand nombre
de faits de pratique prouvent que prefque tous les
médicamens font portes par les vaiffeaux chileux juf-
ques dans le torrent de la circulation , & que leurs
molécules s’infinuent dans les mailles du corps
muqueux & dans le tiffu des vifoères. Parmi la
foule d’obtervations que j,e pourrois rapporter ici
pour prouver cette affection , je ne choifirai que
A C T
celles qui ne peuvent laiffer aucunv doute dans
l ’efprit, & qui fe préfentent journellement aux
obfervateurs. L ’odeur très-caradérifée que la térébenthine
les baumes, & les réfines donnent à
l ’urine ,^celle qui eft communiquée^ ce fluide par
les afperges , l ’angélique , &c. ; la couleur que
prend fouvent cette leffive animale, après l ’ufage
des bettes-rayes , de la rhubarbe, &c. ; celle dont
la garance teint les couches des.os les plus durs ;
le ter qui a été trouvé dans les urines <iprès un
long ufage des, eaux de Paffy ; le. mercure coulant
qu’on a rencontré dans les cavités de^ os , à la fuite
de l’abus des fridions ; & un grand nombre d’autres
faits auffi-connus & auffi frappans que ceux-
là , détruifent toutes les hypothèfes qu’on a pro-
pofées contre l ’adrniffion des médicamens dans l’intérieur
des . vaiffeaux. Si donc quelques principes
médicamenteux paffent avec le chile dans le torrent
de là circulation , & font mêlés avec le fang,
la lymphe, & les. autres humeurs animales dans
l ’intérieur même des vaiffeaux où coulent ces fluides,
ils y agiffent néceffairement par leurs propriétés
chimiques, & les médecins même les plus éloignés
d’admettre l ’influence de la Chimie fur la
matière médicale , la' reconnoiffent ouvertement/,
en fai font un ufoge très-étendu & très-utile des remèdes
que l ’on connoît fous le nom d’altéràns.
En effet, cés médicamens , fons procurer d’évacuations
fenfîbles , changent la nature des humeurs ,
corrigent les diverfes efpèces décrétés dont elles
font imprégnées dans les maladies chroniques, &
guériflent, ou au moins affoibiiffent ainfi ces affections.
Or ce changement, cette amélioration des
fluides âcres ne peuvent: avoir, lieu fans une véritable
combinqifon chimique : à la vérité, il n’eft'
pas facile de déterminer exactement en quoi con-
fifte certe altération portée dans les humeurs par
les médicamens qui s’y mêlent peu à peu. Quelques
efforts qu’ait faits Boerrhaave pour di fling
u e les acrimonies que les fluides animaux font
îufcèptibles~-~de prendre , pour en réconnoître les
vrais caractères , & po'ur éclairer l ’adminiftration
ffes remèdes propres à les combattre ; fes diftinc-
tion's font jufqu’aduellèment de. véritables hypo-
thefes , & aucune n’eft encore établie fur des fon-
demens folides , fur des expériences pofitives. Ce
n eft que d’après l ’efficacité de différentes efpèces-
de remèdes, confédérés par leur nature chimique ,
dans les maladies accompagnées de diverfes ùé-
générefcences des fluides, qu’il a cru que ces dernières
étoient dues à un caraCtère chimique oppofe
à celui .des médicamens qui les détruifent. Ainfi,
par exemple, de ce que les acides réuffiffent dans
telle affeCtion morbifique, il en a conclu que les
humeurs animales étoient d’une nature alkaline ;
mais il eft certain que , quoiqùe cette idée ingé-
nieufe foit applicable à quelques cas pathologiques,
il s’en fout de beaucoup qu’elle puiffe convenir
de même à toutes les altérations des'humeurs.
I l feroit cependant dangereux, pour le progrès
A C P 1 6*3
de l ’art , de conclure des efforts impuiffans de
l’homme de génie que je viens de citer, que
ceux qu’on pourra foire par la fuite le feront également;
& le défaut de fuccès dans les premières
tentatives faites eu ce genre , ne doit point dé- .
courager les obfervateurs que d’heureufes circonf-
tances mettront à portée de fuivre ce travail.
Déjà quelques faits de pratique ont démontré
que les médicamens agiffent par une propriété
chimique fur les humeurs contenues dans les vaiffeaux
ou dans les cavités organiques : la diffolu-
tion & le caractère putride 'que prennent le fang
& la lymphe après l ’abus des remèdes alkalins ,
tiennent néceffairement a cette caufe ; la fonte
des concrétions biliaires & la diffolution du calcul,
qu’on a quelquefois obtenues par l ’ufage des médicamens
chimiques ; le ramoliiflement des exof-
tofos-, & leur difparition totale , que les mercu-
riaux prôduifent ; l ’épaiffiflement fenfible & fou-
vent trop cônfidérable que fait' naître le long
ufage des alimens médicamenteux pris dans la.
claffe des farineux , des incraffans , appartiennent
en partie aux propriétés chimiques , quoiqu’une
autre partie de ces effets foit due à Y action des
folides , augmentée ou ralentie par l ’impreffion
phyfique de ces médicamens. Oferoit-on nier que
la réuffîte des fondans alkalins , amers ^ âcres",
falés, favonneux , dans les différentes efpèces d’obff-
trudions, à la diverfité defquelles les médecins n’ont
point encore foit toute l ’attention convenable, provînt
de Y action chimique de cesi remèdes ? Le
fer, qui paffe fi promptement dans le fang, & qui
donne à ce fluide vital la couleur , la confiftance , la
plajîicité, le ftimulus néceffaire pour l’exercice de
| toutes les fondions, qualités dont il eft privé dans,
piufieurs maladies des jeunes perfonnes du fexe ,
& en particulier dans la chlorole ou les pâles couleurs
, n’occafionne-t-il pas ces heureux change-
mens en fe combinant réellement avec cette humeur
? Enfin les adouciffans , les mucilagineux, qui
corrigent avec tant d’avantage l ’âcre-té de la lymphe,
& qui guériflent beaucoup de maladies qu’on
avoit en vain attaquées par les médicamens les
plus ad ifs , n’agiffent-ils point en délayant, en
diffolvant les molécules falines trop abondantes
dans cette humeur, & en détruifant l’irritation &
l ’agacement que ces-molécules font capables d’exciter
fur les folides.
On neN doit donc pas défefpçrer de parvenir ,
par l ’obfervation , à la connoiffance des acrimonies
manifeftement dues aux altérations chimiques
que les fluides animauxxfont fufceptibles de con-
trader dans l ’intérieur de leurs canaux, ainfi qu’à
celle des fubftances propres à les détruire par
de nouvelles combinaifons que l ’art n’a pas encore
pu apprécier avec toute l’exaditude re-
quife.
Une remarque très-importante à faire , c’eft que
fouvent les médicamens changent de nature, &
éprouvent des altérations chimiques dans les pre