
Rien n’eft comparable aux coliques <Jue cette acidité
fermentée occafionne 3 elle donne à l ’eftomac
des convulfions exceflîvement douloureufesj je l*ai
éprouvé, pour avoir mangé des grofeilles dans cet
état, quoique fort fucrées 3 je les vomis complètement.
Mais je conçois très-fort que ce fuc, pénétrant
dans les inteftins, peut y exciter des coliques
femblables aux coliques de plomb. Je conçois
aufli qu’une acidité de cette nature, produite dans
les tonneaux de cidre, peut être la caufe de coliques
pareilles, fans que le plomb y ait contribué,
ainfi que je l ’ai dçmontré note 71 pag, 743 3 aufli
je penfe que l’acide acefcent eft un acide très-particulier
que les chimiftes feront bien d’examiner
avec attention dans tous fes degrés & dans tous les
corps qui peuvent lui donner naiflance. L’acide lactique
ou celui du lait aigri, eft bien du genre des acides
acéfcens , mais il n’a pas les inconvéniens des autres.
Je ne m’étendrai pas d’après cela fur les mélanges
qu’on fait'dans les cuifines pour préparer &
•adoucir ces fruits ou en augmenter l ’agrément. —
Les gelées, les marmelades, les fyrops, les compotes
ont des utilités qu’on peut fentir d’après ce
qui vient d’ être dit 3 mais ces préparations n’ont
pas l’avantage d’être aufli rafraîchiflantes que les
fruits mêmes & leur fuc. Elles deviennent même
fort échauffantes, quand le fucre y efttrop prodigué.
Je ne dirai rien ici non plus de la préparation
la plus univerfelle & la plus ancienne qu’ on fait
éprouver à ces fubftançes, qui eft de . les faire
fermenter, afin d’en obtenir le vin, le cidre, le
poiré, les vinaigres, & les différentes eaux-de-vie
& liqueurs fpiritueufes. Ces objets feront fans doute
traités au long dans différens articles 3 je me contenterai
de ce que j’en ai dit ici d’après Hippocrate
& M. Lorry, & dans les notes que j’ai
ajoutées au texte de ce dernier.
C L A S S E V,
tfilimetis qui contiennent une partie e£ TR a c t
i v e de leurs parties c o l o r a n t e & ODORA
N TE, çonfide'rées comme alimens.
J’ai dit, art. I , I I I , queft. I , pag. 6pé3 ce que
j’entends par partie extraétive, en forte qu’on ne
peut confondre cette partie avec lés mucilages, les '
gelées, ni les matières fibréufes & glutïneufes,
ni les huiles : elle confifte en une fubftance vraiment
favonneufe, mais fur laquelle il refte encore
beaucoup de recherches à faire aux chimiftes. '
J’ai dit que cette fubftance exiftoit dans les végétaux
& dans les animaux, de nature femblable chez
tous, mais diverfifiée par des modifications particulières
aux deux règnes. J’ai donné quelques
idées fur fa nature dans les animaux, dans la note
84. Je ne répéterai rien de cela.
Il ne faut pas confondre la partie extractive avee
la,partie colorante : en effet, dans lés (tics exp ri
mes des plantes , nous voyons la partie colora 0 t
Ÿerte fe dépofer, & la partie extraétive refte difc
foute dans la liqueur ,* néanmoins la partie extractive
eft toujours plus ou moins colorée, & quoi-
qu’effentiellementdiftinéle de la fubftance colorante,
elles n’exiftent peut-être jamais l’une fans l ’autre.
La partie extraétive feule eft toujours plus ou
moins amère dans les végétaux, & (burent âcre ;
elle eft toujours âcre & un peu amère dans les animaux
j mais les mélanges rendent ces propriétés
moins remarquables 3 le mucilage & les geléei
l ’adpuciflent 3 l ’acide les mafque & les fait difpa-
roitre. Cependant il en réfulte toujours une (aveur
qui caraéférife l ’aliment dans lequel cette partie
fe trouve , car fon goût varie dans les divers ali-,
mens ; differente en cela des mucilages, des gommes
, & des gelées qui, à leur degré près de con-
fiftance 8c de légèreté, ont prefque le même goût
quand ils font purs, de quelque fubftance qu’ils
(oient tirés3 au lieu que, quelque femblables d’ailleurs
que foient des alimens entre eux, (oit comme
mucilagineux, foit comme gélatineux, acides, & ç .,
on les diftingue toujours au goût que leur donne
leur partie extraétive , malgré l ’analogie des propriétés
qui retultent de leur bafe principale 3 je
n’ai befoin d’en invoquer pour preuve que l ’expérience
journalière & univerfelle.
Je ne crois pas qu’on puifle regarder dans aucuns
alimens la partie extra&ive commue étant leur bafe
conftituante 5 mais plufîeurs la contiennent en grande
proportion 3 aufli dans l ’expofition que je vais don*
ner des alimens qui contiennent plus bu moins de
cette fubftançé, on n’en trouvera aucun qui n’ait
trouvé fa place dans d’autres clafies.
Mais avant d entrer en matière, je dois répondre
à cette queftion j la partie extraétive eft-ellé- véritablement
nutritive ? A cela je n’ai qu’une répond
» o’eft celle que j’ai déjà donnée dans la question
première du §. I I I , article I : elle exifte dans
les animaux & dans les végétaux ,• & dans les uns
& dans les autres,/elle eft a peu près la même,
c’eft-à-dire, à quelques modifications près, toujours
amère, un peu âcre, •& favonneufe. — Mais, me
dira-t-on, exifte^t-elle dans le fait ? J’avoue que je
n’en vois point de traces dans ce liquide ; en faut-
il conclure qu’elle ne paffe pas dé nos alimens
dans nos fluides, mais qu’elle fe forme au dedans
de nous par l ’aétion animale ? Je crois que cette
proposition feroit un peu précipitée 3 car le lait eft
une fecréticn propre aux mamelles, & le chyle
n’eft pas le lait. Or la décifion'de cette queftion
ne pourroit fc réfoudre pleinement que par la
connoiffance du chy le, c’eft-i-dire de la liqueur
qui eft le véhicule néceflaire de tout ce que nous
prenons d’alimenteux.
Parmi les végétaux , un, grand nombre de ceuj
qui nous fervent à’alimens 3 (ont privés de partie extraétive
, les farineux n’en contiennent point, les
fruits, n’en contiennent point 3 ce n’eft que dans
les tiges & les feuilles qu’il la faut chercher,
encore ne peut-on guère l ’admettre dans toutes
Celles qui font blanchies par l’art, & qui ne contiennent
qu’un mucilage fort doux , étendu de beaucoup
d’eau. Les plantes qu’on cueille vertes & colorées
, font les feules qui contiennent bien évidemment
cette partie. Dans l ’épinard elle eft mêlée
à un mucilage doux qui en mafque la faveur.
L ’ofeille la contient avec plus d’abondance, mais
l ’acide en fürmonte & en cache la faveur. Le creflon,
le cerfeuil ont également un fuc dont cette fubftance
fait partie ,• mais l ’aromate & le principe volatil
dominent fur elle. Les piffenlits \ les mâches, &
la chicorée fauvage, font peut-être les feules plantes
ufitées o 11 elle fe manifefte évidemment, & une amertume
plus ou moins forte décèle fa préfence. Parmi
les animaux, il ne faut pas-chercher cette partie,
ni dans les quadrupèdes très-jeunes, ni dans les
volailles blanches, encore moins dans les poiflons
& dans les coquillages. Mais à mefure que les
quadrupèdes deviennent adultes,‘ cette partie fe
développe, s’accumule , colore les chairs , & leur
donne un goût qui, mêlé avec la gélatine, en
altère la douceur, mais eft bien adouci par elle.
Mais quand cette fubftance, difloute par la décoction
, colore fortement le bouillon, alors , à me-
lure qu’ou fait évaporer le liquide, le goût devient
de plus en plus âcre ; quand la proportion de la
partie extraétive à la partie gélatineufe eft très-
forte, cellb-ci ne prend pas corps , & le jus , car
c’eft ainfi qu’on nomme alors le fuc des viandes,
eft fort.échauffant. Le veau, le cochon, le lapin,
le perdreau, le canard, le mouton, le boeuf, la
perdrix, le lièvre, le chevreuil, lu bécafle, la
mauviette & tous les petits oifeaux de cette claffe ,
le fanglier,, la macrcufe forment dans les viandes
dont j’ai parlé une gradation fuivant laquelle les
proportions de la partie extraétive croiflent fuc-
çeflivement, & dominent enfin fur la fubftance gélatineufe
au point de la faire totalement difparoître.
Mais fi entre les parties des animaux on cherche
dans chacun celle qui contient cette fubftance en
plus grande quantité, en proportion des autres ,
parmi les cjiairs c’eft le coeur, parmi les vifeères
c’eft le foie. Le foie eft véritablement la partie
dans laquelle cette fubftance fe trouve en plus
grande abondance, & on en conçoit la raifon , puif-
qu’il fért à féparer la bile, dans-la compofition de
laquelle cette partie entre pour beaucoup , & oi\
elle prend un état beaucoup plus favonneux , parce
qu’elle y eft chargée de beaucoup plus de fel aika-
lin 3 voyez à ce fui jet la note 84. La fubftance extraétive
, outre la propriété nutritive dont il eft
croyable qu’elle jouit, eft dans nos alimens un
affaifo une ment naturel. Son âcreté ftimulante ou
fon amertume relevent le ton de l ’eftomac j on
peut croire que , comme favonneufe & ayant une
véritable analogie avec la bile , elle follicite efficacement
les organes qui donnent paflage à cette
humeur , & par ce moyen contribue doublement à
la digeftion 3 les médecins emploient les parties
extraétives des végétaux, & emploient de préfércnce
les plus délique(centes 8c les plus amères,
pour opérer infenfibiement cet effet, quand cettç
utile fécrétion fe trouve arrêtée par quelque indif-
pofition, dont le fiége ou la caufe font luppofés dans
le foie ou dans la bile. Mais ies parties extraétives des
animaux,comme plus âcres qu’amères, font rarement
employées dans ces cas, excepté dans l ’inertie de
l ’eltomac 3 car quand c’eft. la bile qui eft caufe du mal,
on regarde les alimens qui contiennent cette fubfi»
tance , comme très-propres à augmenter l ’abondance
de cette humeur & fon vice, d’autant plus
que leur animalifation les en rapproche d’avantage 3
aufli dans les convaiefcences des maladies aiguës,
fur la fin defquelies la bile, fe développe toujours
plus ou moins, avec des propriétés qui en exigent
l ’évacuation, & principalement dans lesconvaief-
cences des maladies bilieufes, On évite de donner
des alimens animaux , chargés de beaucoup de par- -
lies extraétives, dans l a crainte, bien fondée , ou
d’échauffer ou de donner des rechûtes, & de prolonger
le befoin des purgations. C’eft pour cette -
raifon que, malgré le degré d’animalifation affea
fort des poiflons, on préfère alors leur chair à beaucoup
d’autres, parce qu’on en connoît peu de plus •
dépourvue de parties extraétives. 11 eft donc clair
qué la partie extraétive, fur-iout chez les animaux,
échauffe 5 & l ’on, voit combien l ’étude des maladies,
de leurs phénomènes, & de leur traitement,
peut fouvent jeter de jour fur celle qui a pour objet
la confervation de l ’homme fain.
D e la partie colorante & dû fer.
Les parties colorantes & les parties odorantes
de nos alimens , tenant de près à leur partie extraétive
, .trouveroient ici leur place , fi l ’expé-1
rience & l ’obfervation nous avoient appris beaucoup
de chofes à leur fujet. On fait qu’il eft certaines
parties colorantes.qui pénétrent dans les vaifleaux
chylifères des animaux, improprement appelés lactés
, & l’indigo eft de ce nombre : il me femBle an
moins en avoir vu l ’expérience confignée dans le
grand Traité de Phyfiologie de Haller. C ’éft une
raifon de plus d’aflurer que le lait eft différent du.
chyle, & que la nature de fes parties ne nous donne
point une idée exaéte de toutes celles qui peuvent
paffer dans le fang par le moyen de la digeftion.;
Je ne dirai point en quoi les parties colorantes d;çs;
alimens peuvent contribuer à former la partie colorante
du fang, que leur partie extraétive me
paroîtroit pouvoir fournir fuffifamment. Je remarquerai
feulement qu’il eft des parties colorantes
végétales très-folubles en apparence, ou très-aifées
à mfpendre dans les liquides, qui paffent, au moins
en grande partie , dans les felies , telle que la partie
verte des épinars, & en général affez conftamment
toutes les parties colorantes vertes, qui au refte
paroiffent de nature réfineufe. Mais il en eft aufli
qui paffent dans les vaifleaux, & qui laiflent des
traces évidentes qui ne permettent aucun doute fur