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..voit dans les obfervations de MM. Blagden & For-
dy.ce ,' dont nous avons parlé. Ces meilleurs ont remarqué
qu'en foutant de leurs étuves , & paffant
très-promptement dans un froid, ils n'en étoient
point incommodés. Mais leur obfervation nous
donne elle- même l ’explication de ce fait ; car ils
nous difent que l ’accélération de leur pouls & le
.mouvement qui s'étoit excité dans leurs organes,
fe foutenoit malgré ce changement de température
, & que ce n’étoit qu'au bout de deux heures
que tout étoit rétabli dans l'état naturel. D'oïl il
réfulte que l ’aéfion organique, exaltée par l ’im-
preflîon d’un chaud exceflîf, & portée au delà de
fes bornes ordinaires, acquiert par cet excès même
& la vivacité de fou aftion,. une guiffance & une
iéfîftance capables de furmonter un grand effort de
la part des caufes extérieures. C ’eft ainfi qu'au
fortir des bains ruffes, il y a des perfonnes qui fe
plongent dans l'eau froide ou fe roulent dans la
neige, & dans le bain même , il en eft qui fe font
verler de l'eau froide en grande quantité fur la tête
& fur tout le corps.
( i6° Effet des autres vîciflitudès dans la
température de l’air.) Le paffage du froid au chaud
a toujours des inconvénieas moins grands que celui
du chaud au froid. Néanmoins' , fi l'intervalle des
degrés de l'un &_de l ’autre eft grand, l ’effet en eft
dangereux , & dans ce cas il faut distinguer deux
eirconftances differentes. Dans l ’une je fuppofè que
la température qui ceffe efl celle d’un froid exceflîf,
duquel on paffe fubitement d une chaleur quelconque,
plus ou moins fenfible ; dans-l’autre, je fup-
pofe que d'un froid plus ou moins vif, on palTe
rapidement à une exceffive chaleur. L e cas dans
lequel d'un froid exceflîf'on pafferoit à une très-
grande chaleur , ne feroit que réunir les effets de
l ’une & l ’autre de ces deux eirconftances.
D u froid glacial au chaud. Quand un homme
a été frappé d’un froid violent", de manière à ce
que fes membres en aient été vivement faifîs, roidis ,
& comme gelés, alors le paffage fubit à-un certain
degré de chaleur, ne peut fe faire promptement
dans toute la malle, comme nous l ’avons déjà dit
plus haut. La Surface fe réchauffant donc avant que
le centre foit rétabli dans fes fonétions , les liqueurs
dégelées dilatent ou rompent leurs canaux, s’extra.-
vafent, ftagnent, & s’altèrent; les folides même ,
amollis avant d’être pénétrés par l'action vitale,
fe.trouvent comme féparés de la v ie , & l’altération-
qu’ils éprouvent dans cet état, entame leur organifa-
tion. Alors fi la vie eft ranimée, il s’engendre dans
ces parties altérées & mortifiées, des ulcères qui tournent
promptement à la gangrène , jufqu’à ce que la
nature, formant dans les confins de la partie mortifiée
une inflammation falutaire , fépare le mort du vif,
comme un corps étranger ; fans quoi l’altération
fe communique par le repompe ment des vaiffeaux,
&infeéfe tout le corps, comme cela fe voit par plu-
fieurs exemples.. ( l’hift. rapportée par
M. Pilhes, journ. de méd. août 1767*) J’ai déjà
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donné la théorie du rétabliffement fuCceflîf de la
chaleur vitale dans les parties du corps gelées de
froid j & cette théorie, dont la démonftration exaéle
eft confirmée par les faits , nous apprend clairement
quels dangers on court en» réchauffant-trop
promptement les parties faifies de froid. Ces effets
dangereux font rares, parce que les accidens qui
leur donnent naiffance\ ne font pas communs,, au
moins parmi nous; mais nous- voyons tous les jours
des effets analogues, quoiqu’infiniment moins graves
dans les engelures qui naiffent conftamment dans
les extrémités q u i, après avoir été prifes de froid ,
font chauffées à un feu trop ardent, & l’on fait généralement
qu’on les prévient par l ’application de
la neige. L ’état même de l ’engelure annonce une
dilatation locale des vaiffeaux de la partie affeéléë :
la partie eft violette ; il-s’y excite un purit infup-
portabie ; & fi l ’affeétion eft forte., s’il y a une
vraie extravafâtion & une rupture des vaiffeaux , il
fe forme des ulcères dont l ’opiniâtreté réfifte fou-
vent à de longs trait e.me ns, & finit quelquefois par
altérer les humeurs , 8c fi on les feigne trop négligemment
, par produire des.affeétions qui tiennent
du icorbut. J’ai vu de femjffables maladies qui ont
attaqué des fujets qui avant paro-iffoient fains , &
chez lefquels l’altération de la fanté & la riaiiïance
de beaucoup d’afteétions humorales avoit pour première
époque une engelure négligée & mal traitée.
J'ai voyagé avec une dame qui, au paffage des
Alpes, avoit été vivementfaifie de froid; il eh ré-
fulta une affeétion de nature feorbutique ,, qui fut
très-longue à détruire. En général, il paroît que
les liquides animaux & végétaux, gelés & dégelés,
hors du corps , ne confervent pas après le dégel
toutes les propriétés qu’ils avoient avant. Les humeurs
lymphatiques ^*ainfi que le fang , .arrêtés'*
la furface du corps, & ;dégelés par la chaleur extérieure
, c’efi>à-dire , avant d’être atteints par l ’action
de la vie , peuvent être eonfidérés comme
placés hors'du corps vivant. Donc on peut conclure
que ces fluides ont été véritablement altérés pac
le dégel avant que l ’aétion vitale: fe foit rétablie.
Pour lors., quand l’aétiqn de la circulation parvient
enfin jufqu’a eux , ils rentrent dans le torrent avec
les qualités qu’ils ont contractées,, & infeCfent la
maffe totale. Je ne fais fi on regardera cette théorie
comme démontrée , mais elle paroît au moins très-
probable..
D u froid à une chaleur exceffive. Le paffage
fubit d'un froid ordinaire à une chaleur exceffive
eft accompagné d’une forte révolution dans toute
l’habitude du corps; l’expanfioti eft marquée dans
les fluides ,. & principalement dans le faiag qui distend
les vaiffeaux; & bien fouvent la fuflocaliofi ,
l ’évanouiffement", l'apoplexie , font les effets très-
prompts qui accompagnent cette révolution. Si
l'efto-mac eft chargé d'alimens, la digeftion en eft
troublée , on éprouve une oppreflîon confidérable,
& cette circonftance détermine fouvent d’autant plus
promptement l ’affeCtion apoplectique.
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D u f r o i d a u ch a u d médiocre. Ce que je viens
de dire n’eft applicable qu’à des variations dont
les termes font très'-diftans, & qui ne fe rencontrent
point dans les viciflitudes atmofphériques communes.
Quand la différence du froid au chaud eft
médiocre,. fes effets fout moins remarquables ; &
pour lors il paroît que la principale influence vient
des variations Simultanées de l’humidité & de la
féchereffe. En général, le paffage du froid au chaud
fec eft moins pénible & affeéte moins nos .corps
que celui du; froid au chaud humide. Celui-ci eft
très-ordinaire dans les dégels. Alors on voit un phénomène
qui mérite ici d’ëtre remarqué; c’eft la quantité
d’eau dont fe couvrent tous les corps inanimés,
comme le fer, là pierre, le bois, &c. La raifon
en eft fimple ; tous ces corps s’échauffent plus lentement
que i'a i r t & ne parviennent pas auflï promptement
à la même température que lui. Alors l’eau
dont ce fluide fe charge en prenant une température
plus chaude, fe dépofe fur tous les corps qui
font reftés froids. On aurait donc tort de juger de
rjnunidité de l ’a i r , par rapport à nos corps, d’après
ce phénomène, & de calculer fon effet fur nos
organes, d’après l’humidité qui ruiffelle fur tous
les corps froids qui nous environnent. Ce calcul
excéderait la vérité, parce qu’il ne dépend que d’un
rapport particulier entre la température de ces
■ corps, & celle de l ’a ir qui les touche. 11 eft des
temps où l ’a ir eft beaucoup plus humide réellement.,
& où cet effet n’a pas lieu. Néanmoins Y a ir
eft toujours plus ou moins humide dans le dégel,
& fon principal effet fur nous dépend du paffage
plus ou moins prompt qu’il éprouve de la féche-
reffe à l ’humidité.
Du fec à l ’humide. Ce paffage d’une température
sèche à une température humide, quand la
différence en eft remarquable , produit un effet fenfible
fur nos corps. Cet effet eft le fentiment d’un
poids qui nous preffe de tous côtés. L’a ir eft lourd,
difons-nou-s , & cependant le baromètre annonce
qu’il eft aü contraire plus léger. Mais nos membres
relâchés & amollis par l ’humidité , font devenus
plus foibles , plus inhabiles au mouvement ;
ils ont perdu leur ton ; les vaiffeaux cèdent davantage
à l ’expanfion des liqueurs & à l’impulfion qui
les engage dans leurs dernières ramifications ; 8c
quoique la colonne atmofphérlque foit devenue
moins pefante, & nous preffe réellement moins,
elle nous preffe néanmoins davantage en proportion
de la vigueur avec laquelle nous en foutenons le
poids; en un mot, fans que les poids augmentent,leur
effet comprimant eft plus grand, parce que la proportion
de nos forces & de nos réfiftances eft diminuée.
C’eft le progrès fucceflîf du froid au chaud & au
chaud humide , qui caraCtérife l’effet du printemps
fur nous. En amolliffant & relâchant la fibre, il
la fait paffer du fp a finie que lui imprime le froid,
à.l’atonie que caufe la- chaleur humide , & par-là
if favorife la fonte des humeurs, en diminuant la
réfiftance des extrémités vafculaires, & caufe toutes
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les maladies qui réfultent de ce double.effet, au
nombre defquelles Confies apoplexies humorales
& fanguines. Mais il ne faut pas comparer celles-ci,
comme on le fait très-fouvent, à celles qui furvieiv?
nent, comme je l ’ai dit plus haut, dans les grandes
& fubites variations du froid à un chaud exceflîf;
ces variations n’exiftent, comme je l ’ai dit, que dans
les températures artificielles , & les apoplexies qui
en réfultent font dues feulement à la disproportion
qui exifte alors entre l ’expanfion des fluides & des
folides. Dans le printemps, c’eft à l ’amolliffement
& au relâchement de ces mêmes folides, au moins
autant qu’à l'expanfion des fluides, que cet effet
doit être attribué. Mais il eft unè circonftance qui
cara.Ctérife les vraies maladies printannières , c’eft
la facilité de la gûérifon ; cet effet vient évidemment
de la liberté qui s’établit dans toutes les évacuations
q u i, pour les mêmes caufes’, font alors plus
ailées & plus abondantes qu’en tout autre temps.
Mais nous aurons occafion de traiter ailleurs cet
objet.
De l ’humide au fec. Le paffage de l ’humidité
à la féchereffe n’a en général que de bons effets
par lui-même ; il raffermit les extrémités vafeu-
îair.es, relève le ton de la fibre ; & quoiqu’accoin-
pagné prelque toujours d’une augmentation de poids
dans la colonne atmofphérique, il nous fait pa-
roître l’air plus léger, la chaleur moins accablante,
& le froid moins rigoureux. Il eft inutile d’en détailler
les raifons d’après ce qui vient d’être dit.
A r t . I I I . Application utile des obfervatioris contenues
dans ce chapitre.
Dans, les deux premiers articles de ce chapitre,
dont Eun contient ce qui a /apport aux propriétés
effentielles., & l ’autre ce qui regarde les qualités
accidentelles de l’air, j’ai commencé par confidérer
phyfiquement ces propriétés & ces qualités dans
l’air même. Je les ai fuivies enfuite dans les effets
qu’elles produifent fur le corps humain.
Ces effets forment un paragraphe beaucoup moins
étendu dans l'article des propriétés effentielies , que
dans celui des qualités accidentelles; parce que les
premières , toujours confiantes, éprouvent peu de
variations ; au lieu que les qualités accidentelles
font fujettes à une viciflîtude prefque perpétuelle;
& c’eft fur-tout dans les viciflitudes & les variations
qu’on diflinguc la véritable influence que nqs corps
reçoivent des corps extérieurs. — Je me fuis occupé j
dans l ’expofé de tous ces phénomènes , de ne donner
que des idées précifcs & démontrées par les faits,
perfuadé que c’eft à la précifion & à l ’exaétitude
des obfervations que la Médecine devra toujours
fon avancement & fa perfection.
. . ( 1 °. Utilité de la connoiffance exacte des propriétés
phyjiques de l’air. ) La confédération physique
des propriétés & des qualités de l ’air $ occupé
un grand efoace dans cet article, & j’en ai déjà dit
B-U b b z