
digeftion, car elle eft évidemment peu diffoluble.
E l l’un & l’autre font moins faits pour être pris
comme alimens que comme affaifonnemens.
I I.
D e s alimens dont la principale partie eft la
matière molle animale fibreufe.
1°. De s àhairs des animaux en general. & de
leurs parties confiituantes.
Dans les alimens tirés des chairs des animaux,
la fubftance animaiifée n’eft plus fous forme de matière
glutineufe * elle eft fous celle de matière fibreufe.
Toutes les parties mufculeufes auxquelles - on a
donné proprement le nom de chairs, ont pour
bafe cette-fubftance. Elle y eft unie à une fubftance
gélatineufe qu’on y rencontre dans différens états,
à une fubftance extra&ive, & fouvent à des fubf-
tances graiffeufes. Outre cela’, elles font plus ou
moins pénétrées d’une humidité particulière. C’eft
fuivant la proportion de ces fubftançes que ces
divers aliniens varient.
D e la partie molle fibreufe: , bafe des chairs
animales.
La partie fibreufe eft par elle-même prefque
infoluble. Devenue loluble par le mélange des
autres parties qui lui font unies, Sc par laélion
de nos fucs digefeifs, i l eft probable qu’elle prend
promptement au dedans de nous le cara&ère qui
nous convient, ç*eft-â-dire que fon affimilation fe
fait aifément, & qu’elle nourrit vîte. Ces confidé-
rations, qui font des fuites néceffairès de fa nature
démontrée, nous doivent faire auffi conclure qu’elle
doit produire pendant le travail de fon affimilation,
plus de chaleur que les autres fubftançes moins
animalifées ( v. p. 714 & 71$ ). C ’eft ce que plu-
lieurs obforvations nous autorifent à croire. Dans
les chairs des jeunes animaux & dans des animaux
tendres, cette partie a moins de eonfiftance, &
le mélange de. la partie gélatineufe dans une
grande proportion contribue à en rendre la divifion'
plus facile, & la digeftion moins pénible ; alors
la décottion peut aifément pénétrer la fibre, la
rendre molle, divifible, & foluble. Mais lorfque.
les fibres ont, par l ’âge ou la fatigue , acquis
beaucoup de force 5 alors devenues plus tenaces
accompagnées de moins de parties gélatineufes
elles fe divifent moins, réfiftent même à l ’a&ion
des dents, & paffent prefque entièrement dans les
excrémens. Il ne faut pas cependant confondre cette
ténacité coriace qui exifte dans la fibre, même
ifolée, des vieux animaux ou des animaux endurcis
par le travail, avec la fermeté que donne aux
chairs un tifTu ferré dans lequel un grand nombre
de fibres réunies enfemble par des Uens étroits , fe
foutiennent mutuellement, comme dans le porc &
dans beaucoup d’autres animaux. Cet état des fibres
ne nuit pas a leur folubilité, & il faut bien dif-
tinguer les chairs tendres des chairs lâches, les
chairs fermes & compares des chairs coriaces. La
chair de la raie, par exemple, avant d’avoir été
mortifiée, eft coriace, & celle des maquereaux eft
ferme. La chair des femelles adultes , comme la
vache, eft lâche fans être tendre. La chair de
certaines parties du boeuf eft tendre fans être lâche.
Cependant nous favons auffi que des fibres naturellement
tendres le font encore davantage lorfque
leurs liens cellulaires font relâchés par un fuc
gélatineux & par des parties graiffeufes ; alors elles
fe divifent facilement, & fondent, pour ainfï dire, dans
la bouche, tandis que celles qui font oompa&es
& qui ont dans leurs interftices peu de fubftançes
folubles , fans être coriaces, réfiftent davantage â
la maftication. Nous voyons toutes ces différences
fur nos tables j. nous favons auffi que les chairs
épuifées, par le bouillon, de leurs parties gélatineufes
, n’en font que plus difficiles à divifer , au
lieu que celles qu’on n’a pas ainû épuifées, ont
beaucoup plus de molleffe, & cèdent plus aifément
aux inftrumens qui les féparent ou les brifént*
Néanmoins tous ces alimens ont plus queles autres
befoin d’être broyés avec une plus ou moins grande
quantité de pain ou d’aliment végétal, dont l’effet eft
de concourir avec les parties gélatineufes à augmenter
leur divifion & leur folubilité, & de corriger
auffi peut-être leur tendance â l’animalifation.
De la gélatine, ou de la fubfiance gélatineufe
des chairs.
Je crois qu’on peut affurer que la partie gélatineufe
des chairs eft à leur partie fibreufe ce que
l’amidon eft â la partie glutîneufe du froment»
Par elle-même, cette fubftance gélatineufé eft blanche
, douce , paffe à l ’acefcence aX^ant de devenir
alcaline. Sa digeftion dans l ’eftomac eft facile,
prompte, & a tous les cara&ères qu’Hippocrate
donne au x alimens légers (v. ci-deffus l ’explication
du mot xov<pts ). Son affimilation eft accompagnée de
peu de chaleur, en forte que les alimens qui la
contiennent en grande proportion , même dans les
animaux , ont été regardés comme rafraîchiffans,
quelque impropre quefoit cette expreffion r tels font
le veau , le poulet, &c.; mais elle fe préfente dans
ces alimens dans différens états. Dans l’animal
qui vient de naître , la chair eft pénétrée d’un
fuc gluant, vifqueux, qui a véritablement la
eonfiftance & la cohérence de la morve. Ce fuc’
prend par l ’âge plus de eonfiftance , & parvient'
enfin â l ’état d’une gelée confiftante & ferme ,
comme celle qu’on extrait des os mêmes desauimaux
adultes. Au défaut de l ’â g e , la décoâion feule
peut en partie opérer ce changement, & l ’eau
chargée du fuc de ces viandes vîfqueufes & évaporée,
donne nne gelée plus confiftante & plus parfaite
que les chairs mêmes ne fembloient la contenir.
Ce changement n’e-tifte pas feulement dans les
apparences, il s’annonce auffi par les propriétés.
L ’effet bien connu des viandes qui ne font pas
faites, eft d’être d’une digeftion iouvent pénible^
iJc’ donner la diarrhée, ou au moins d’augmenter
fenfiblement la quantité des évacuations naturelles,
& de diminuer leur eonfiftance. En général, elles
font laxatives, o u , fuivant rexpreffion d’Hippocrates
, humides, & le font d’autant plus qu’elles
approchent plus de cet état de vifeouté glaireufe
& morveufe qu’elles ont dans l’origine. Beaucoup
de perfonnes ne peuvent manger même du veau,
fans en être incommodées on purgées j cependant
ees mêmes perfonnes ne font nullement incommodées
delà décoiftionde ce même veau, évaporée & réduite
en gelée , quoique l ’eau de veau même conferve encore
pour elles une propriété laxative. A la vérité,
dans ces alimens la fibre même eff plus m olle ,
plus aifée à divifer, moins à charge â l ’eftomac :
mais fi l’on veut chercher le point où elles ont
toutes les propriétés les plus favorables à la nutrition
, il faut les prendre dans le moment où la
partie gélatineufe a perdu cette vifeofité , & où
la fubftance fibreufe n’a point acquis encore une
grande folidité ni une proportion forte en raifon
de la partie gélatineufe.
I l eft encore une différence bien remarquable
entre ces deux états de la gelée extraite des chairs
des animaux 5 c’eft que les extraits gélatineux , tirés
des chairs molles & glaireufes des animaux très-
jeunes, ne peuvent le deffécher complètement,
& relient toujours humides. C ’eft ce que M.
Geoffroy a remarqué fur l ’extrait des chairs d’a-
% gneau & de jeune poulet, tandis que l ’extrait tiré
des chairs de veau, de coq , de pigeon de volière,
& de toutes les fubftançes dans lefquelles la gelée
a pris toute là eonfiftance, pouvoit être réduit â
ficcité , & être aifément ainfi confiervé»
D e Vextractif) ou de la partie extractive des
cjiairs.
L ’autre fubftance combinée avec la fubftance
fibreufe, eft la partie _extra£tive. Cette fubftance
eft brune, donne de la couleur aux bouillons, les
empêche de fe prendre en gelée quand elle eft en
grande proportion, & ne permet pas de les réduire
en extrait feç, parce qu’elle attire l ’humidité de l ’air.
M. Geoffroy a remarqué qye le bouillon de la
chair de boeuf ne pouvoit fe mettre en tablettes
seches , & que pour y parvenir il falloit lui joindre
des cartilages & des extrémités dans lefquelles la
gelée fe trouve prefque pure & fans aucun mélange
de partie extraétive. Elle a, quand elle eft concentrée,
utte laveur âcre ; mais elle a un goût agréable
quand elle eft fort étendue 5 elle eft tonique & fti-
rhulante, & quand elle eft rapprochée elle devient
échauffante. C’eft elle qui conftitue la partie principale
de ce qu’on appelle, jus en terme de cuifîne;
car le jus eft l’extrait rapproché de la décoûion
dés viandes dont le fuc ;ne forme pas de gelée.
Cette partie extra&ive facilite la digeftion des
alimens animaux j elle manque dans les chairs
des animaux fort jeunes, fe forme & les pénètre
peu â peu lorfqu’ils avancent en âge, & les colore
plus fortement quand ils font parvenus â l ’état adulte.
Elle fe trouve plus abondante dans certains animaux
que dans certains autres, & c’eft de Ion exiftence
que dépend la diftinétion d’Hippocrate entre les
chairs peu pénétrées de fang ou fort imprégnées
de ce fluide cttaipti itj ■ xoA.vcupoi trapKtf. On peut croire'
que cette fubftance extra&ive favonneufe contribue
à augmenter la folubilité de la fibre. Mais i l faut
convenir auffi que cette fubftance fe forme plus
abondamment, dans le même temps que la fibre
acquiert plus de folidité & de réfiftance. V.no ie 84.
D e la matière graijfeufe des chairs.
La matière grailïeufe eft fouvent inlerpofée dans
les chairs des animaux, & c’eft fur-tout dans les
animaux oififs qu’elle s’amaffe ainfi dans les interftices
des fibres mufeulaires. On ne peut nier qu’elles
n’amoliiffent ces fibres, ne les rendent plus fou-
pies, plus aifées à divifer, par conféquent â dil-
• foudre & à digérer. Dans ces chairs, la partie
graiffeufe paroït amalgamée avec la partie gélatineufe
j elle fait que leur bouillon ne fe peut
jamais réduire en extrait feç , comme Geoffroy
i ’obferve au fujet des chairs de chapon, de deux
perdrix dont l ’extrait fe trouva gras, huileux, &
humide, & d’un poulet d’inde dont l ’extrait refta
auffi huileux fans lécher, quoique réduit en tablettes.
Cette union de la gelée avec la graiffe, qui rend
celle-ci plus foluble, donne encore aux chairs
que ces matières pénètrent, une légèreté & une
molleffe qui produit l ’effet que nous défignons
dans certaines parties du boeuf bouilli , par l ’ex-
preffion de pièce tremblante. Toutes les parties
qui font dans ce cas, font tendres, fe divifent ai-
lement, non feulement dans la bouche , mais fous
l ’iiiftiument, & l ’on compare leur divifibilité 4
celle de la fubftance dii foie des animaux. Les
mufcles feffiers du boeuf, qui font pénétrés de
graiffe, les pfoas qui en font environnés, & qui
forment le tendre de l ’aloyau, & diverfes autres
parties connues fur les tables, donnent la preuve
de ce que je dis ici. Mais fi la graiffe eft trop
abondante & moins intimement unie à la gélatine,
alors elle eft lourde pour un grand nombre d’ef-
tomacs , & oecafîonné des rapports brûlans , qu’on
confond fouvent avec les aigreurs. C ’eft ce que
Hippocrate indique , quand il dit ™ m'ma. rat xp««»
xavtraJ'ta ( v. l ’explication du mot xavo-aj'ts ).
Les animaux fort exercés & entiers n’ont point
cet excès de graiffe , mais on le trouve fur-tout
dans les animaux oififs qui reftent long-temps â
l ’établé, ou qu’on a mutilés & engraiffés.
D è la lymphe aqueufe ou humidité des chairs.
Enfin il eft une dernière confédération , c’eft:
celle de la quantité de la lymphe aqueufe. & en
partie albumineufe qui pénétre les chairs dont nous
nous nourriffonsj d’où réfulte une différence très-remarquable
entre ces chairs. Les unes font humides,
c’eft-à-dire, pleines d’un fuc liquide j les autres font