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que leur chair eft plus ferme , & celle dés femelles:
plus lâche & moins fournie. Il faut auiîi- féparer
les vieux animaux des animaux adultes , parce que
leur chair n’eft pas feulement ferme , elle eft dure ,
& cède peu aux' efforts de la digeftion. Parmi, les
poiffons, on • peut leur aflocier tous ceux dont
la chair eft ferme, c’eft-à-dire , très-fournie & très-
Nfer rée, comme le maquereau, la morue, la raie
même ; car ce n’eft que par l’effet d’une longue
mortification que fa chair devient tendre , & c’eft
par un degré de plus d’altération qu’elle devient
lâche & molle. I l eft peu d’eftomacs en pleine
fanté , qui ne digèrent ces chairs , quand elles ne
font pas fermes jufqu’à être coriaces.
Dans le fécond ordre, il faut mettre la chair de
porc fort denfe, fort r-éfiftante , mais qui nourrit
beaucoup ceux qui la digèrent bien. Je mets ici la
chair de porc au rang des chairs blanches , c’eft-
à-dire, peu colorées , quoique leurs cuiffes , que
nous mangeons falées & fumées fous le nom de
jambons, ne foient pas affurément fans couleur 5
mais il faut longer que dans prefque toutes les
chairs pénétrées de fel, la couleur naturelle s’exalte,
quelque foible qu’elle fo it, & fur-tout lorfque ces
chairs font fumées. Quelque abondante que foit la
graiffe du cochon , elle pénètre peu fa chair, dont
le tiffu eft ferré , & laiffe peu d’intervalle entre les
fibres qui la compofent : elle eft prefque entièrement
reléguée dans le tiffu fouscutané , dans lequel
elle forme le lard. A la chair de porc il faut joindre
, parmi les poiffons, la chair des grands poiffons
j tels que l ’efturgeon & le thon, qui eft du
genre des fcombres, comme le maquereau.
I l eft une remarque à faire â l ’égard des poiffons
5 c’eft que parmi eux la différence d’âge eft à
peine fenfibie dans l'état de leur chair. Ils augmentent
de volume en avançant en âge, mais leur
chair n’acquiert pas pour cela une différence remarquable
dans fa folidité. La différence entre les
grands & les petits poiffons n’a lieu qu’entre poiffons
d’efpèces différentes , & point entre poiffons
de même efpèce , & qui ne font différens que
d’âge. Il en eft bien différemment des quadrupèdes,
car le veau même pourroit être, mis dans l ’ordre
dont je viens de parler , quand il eft parvenu â un
certain âge ou fa fibre eft encore peu colorée ,*mais
a acquis plus de fermeté & de folidité.
Je ne parle point ici des coquillages dont les
hommes fe nourriffent, parce que je crois qu’ils
peuvent être placés au rang des alimens de nature
albumineufe. Car certainement ils font compofés
d’une matière coagulable par la fhaleur.
Chairs colorées dans lefquelles la. fubftance fl-
• breufe eft pénétrée de matière extraâive colorante.
J’ai déjà dit quelle étoit la nature de la fubftance
extra&ive des chairs, & il paroît que cette
.partie & la partie colorante qu’op y remarque en
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même temps , ne font qu’une feule & même fubf-
tance. 11 eft encore à obfërver que , même dans les
animaux à chair blanche, le mufcle du coeur eft
toujours coloré; & dans les expériences de M.
Geoffroi , on voit que l ’extrait de coeur de veau
qui eft en petite quantité , fe defsèche difficilement,
& ne fe met point en gelée, femblable , à
ces deux égards , à.l’extrait, de chair de boeuf & â
tous l*eÉ extraits chargés de matière extractive fa-
vonneufe. Ceci confirme ce que j’ai déjà, avancé
article Ier. , §. 3 , queft. ire. , ainfi que dans la note
84 , & ce que penfoit Hippocrate, que la partie exr
traétive colorante des chairs étoit produite par la
partie colorante rouge du fan g ; car on fait que de
tous les mufcles , le coeur eft celui qui reçoit le
plus de fang dans l ’épaiffeur de fa fubftance.
I l eft une autre obfèrvation qui mérite ici quelque
attention ; c’eft que l’extrait des chairs colorées.,
qui, comme nous l ’avons dit, n’acquiert jamais
la folidité & la féchereffe de l ’extrait des
chairs blanches , a encore cela de particulier, que
dans la di (filiation, après les produits ordinaires,
i l ne laiffe qu’une proportion infiniment petite de
charbon , en comparailon de celui des chairs blanches.
L’extrait féché de la chair de boeuf, fur un
gros cinquante-fix grains , a laiffé un charbon pelant
6 grains, comme l ’obferve M. Geoffroi, &
le charbon de l’ extrait de chair de veau fe trouvoit
à celui-là dans la proportion de 72. à 6. Plufieurs
autres exemples confirment encore cette différence
remarquable entre les parties charbonneufes des
extraits gélatineux des chairs blanches , & celles
des extraits favonneux des chairs brunes ; & ces faits
paroiffent auffi confirmer ce que j’ai déjà dit de la
diminution de la fubftance charbonneufe dans les
parties les plus animalifées, & des effets de l ’afll-
milation.
J’ai dit encore quelles font les propriétés que
cette partie extraétive communique aux chairs, &
tous les médecins s’accordent à obferver qu’en général
les chairs fort colorées font -plus cordiales
& plus échauffantes, leur bouillon a plus de goût,
& leur jus eft âcre.
Nous n’avons que deux divifions à faire parmi
les chairs colorées, à diftinguer celles qui le fon.£
médiocrement, de celles qui le font très-fort, &
qui même font prefque noires. On fait que ces
divifions fe touchent par des nuances j, enfuite dans
chacune de ces divifions, i l faudra diftinguer les
grands animaux des petits j & les quadrupèdes des
oifeaux. Car pour les poiffons , on n’en connoît
guère qui puiffent entrer dans cette claffe.
i°. Dans la première diviffon, les quadrupèdes
qui font les plus- ufités parmi nous , font le boeuf
& le moujon. L ’un & l ’autre font, avec le pain,
la principale nourriture des gens en fanté. Dans
les oifeaux , le pigeon , la perdrix, & le fai fan;
& parmi les aquatiques , le canard & l’oie , .font les
plus communément employés. De toutes ces viandes,
celle de pigeon eft la feule, dont l ’extrait
a l i .
puiffe fe fécher complètement. Peut-êlre l ’oie &
le canard auroiènt-iis la même propriété; mais je
11g comtois aucune expérience fur ces deux animaux.
Le mouton donne un extrait femblable à celui “du
boeuf , mais plus .abondant, & qui, dans la diftil-
lation , laiffe un charbon plus volumineux. La proportion
de cet extrait & des parties fibreufes non
folubies dans l ’eau, ainfi que de l’humidité contenue
dans la chair de boeuf & de mouton , eft
la fuivante , félon les expériences de M. Geoffroy,
confignées dans les mémoires de l ’académie des
ftiences.
Sur une livre de chair.
Boeuf.
Extrait folide autant qu’il peut
^ Têtrë. ' . -. ' . . . • . . 3 vij. g*, viij.
Humidité ou phlegme. . . f xj. % vj. gr. lxiv.
Fibres épuifées & sèches, . | iij. % ij
Total. . . . f XVj pu tfe j.
Mouton.
Extrait. . . . .
Humidité. . . .
Fibres épuifées. ..
. . . ? j. 5 iij. gr. : xvj.
• . • ^ V- gr. xxxij.
• ; . • ! «J- vij- g r- *W k '.
Total. . . . § xvj. ou îfe j.
L e veau donnoit les proportions fuivantes.
Veau.
Extrait. . . . .
Humidité. . . .
F ibres épuifées. .
* - * 1 j* 3 j; gr- riyij-
• • * 3 XJ* 3 v) ‘ g • lxjv.
. . . 1 ij. 5 vij. gr xxxij.
Total. . . . 1 xvj. où îfe j.
On voit ici-que dé ces trois chairs, la chair de boeuf
eft celle qui donne lé moins de fubftance folubie ;
cependant on ne peut pas douter que le boeuf ne
iiourriffe autant & plus, que le mouton & le veau,
quand lés puiffances digeftives font dans toute leur
force. Il eft donc sur que la partie fibreufe , info-^
lubie dans l ’eau , devient foluble dans les meuftrues
gaftriques , & fêrt à la nutrition. C ’eft ce que j’ai
déjà démontré en parlant du froment, a l ’égard de
la partie glutineufe de ce grâim
Pour ce qui regarde les proportions & l ’ordre
dans lefquels ces alimens peuvent convenir aux
eftomacs foibles des convalefcens, après les viandes
douces & légères des poiffons-faxatiles, du poulet ,
du lapereau , & du perdreau , la chair plus tonique ,
mais auffi légère, du pigeon , eft la première qu’on
puiffe donner ; Sc quand l ’eftomac a repris de la
force, & qu’i l s’eft exercé en digérant les volailles
adultes , le mouton tendre doit précéder l ’ufage du
boeuf Ce que je dis eft pour les convalefcences qui
fuivent J es maladies aigues qui n’ont pas énervé le
ton de l’eftomac, & après lefquelles il faut des
focs doux, & dont la digeftion facile ne foit pas
accompagnée de beaucoup de chaleur. Car il eft au
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contraire des états de foibleffe de ce vifeère dans lefquels
les viandes toniques doivent avoir la préférence
fur les viandes blanches ; i l eft même des cas où les
- viandes noires doivent avoir la préférence fur les
autres , & l ’on peut dire alors que leuis qualités ont
quelque chofe de médicamenteux.
Je ne fais fi vraiment l ’on doit faire aux oifeaux
aquatiques le reproche que leur fait H ppocrate,
& les accufer d’avoir la chair humide & difficile à
digérer. Je ne vois pas qu’ün canard tendre ait une
chair malfaifante ; & pour l’ôie , quoique peu e£-
tinié fur les tables recherchées, i l me femble que
quand i l eft tendre, fa chair a , pour le goût, une
grande analogie avec celle du mouton , quoiqu’elle
toit- d’un tiffu plus ferré.« L a perdrix eft auffi un
aliment tonique , & le bouillon de perdrix échauffé
réellement. A l ’égard du faifan , x ’cft p rin c ipalement
le faifandeàu qui peut être regardé
comme une viande falubre ; car le faifan adulte
a befoin d’être attendu & mortifié, pour devenir
agréable , & pour que fa chair foit tendre. Alors
certainement on ne fauroit regarder cet aliment
comme convenable aux perfonnes délicates.
i° . Dans la fecon.de divifion ( celle des animaux,
dont la chair eft 'd’une couleur plus foncée), i l
faut placer entre les grands quadrupèdes les animaux
fauvages , comme le daim, le chevreuil, le
fanglier , & parmi les petits, le lièvre. I l faut remarquer
que la plupart de ces animaux ont la
chair fort colorée, même dans leur jeuneffe. L e
lièvre eft véritablement une viande noire. I l a r
comme tous les petits animaux, la chair plus ferrée
& plus tendre , & le jus qui en fo rt, fur tout pendant
la cuiffon, eft Vraiment noir. "
A l’égard des oifeaux , la caille , la bécaffe , &
la bécafline font les plus communs. Les petits
oifeaux du genre des paffereaux font tous’ d’une chair
très-brune , & la mauviette , efpèce d’alouette, eft
de tous, 'je crois , celui dont la chair eft la plus
! foncée , & a le goût le plus caràéférifé. A l ’égard
dés oifeaux aquatiques; je penfe qu’i l n’eft au cuir
des animaux dont il vient d’être parlé , qui ait la
chair; d’un noir plus foncé que la macreufe. I l eft
très-sûr que la faveur de tous ces animaux a d’autant
plus de force , que l ’intenfité de leur couleur eft
plus grande. I L en eft qui font fort gras, comme
les grives, les beefigues;, & les ortolans, fur-tout
dans le temps des vendanges; le mélange de cette
graiffe avec cette chair fapide, a quelque chofe
d’ao-rcable & de délicat, très -r recherché des gourmets^
mais en générai, quand ces fortes d’animaux
très-xolorés font en même temps fort gras, leur
oraiffe fe rancit beaucoup plus vite dans l ’eftomac,
& accafionne des rapports brûians.
T e l eft à peu près l ’ordre dans lequel on peut
ranger les différens animaux dont la chair peut nous
fervir de nourriture en les confiderant félon les
différens priricipes dont leurs chairs ont compoÇées
& félon les différens rapports qu’ils ont avec la
I force digeftivc de notre eftomac. — Je Censcombien
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