
maïs elle a plus d’eau & de bonne eau que la
côte déferte d’Ajan.
Les îles éloignées & ifolées jouiffent en général
d’une températurè plus douce , toutes chôfes
égales, que les parties du continent qui font Tous
la même latitude. L 'île de Sainte-Hélène , fous
le feizième degré de latitude fud , eft fort tempérée;
elle eft, il eft vrai, fort montagneufe , 8c
la bafe eft une roche dure. Mais elle eft partagée
entre des vallées très-fertiles 8c de hautes'montagnes
: auffi les vents y ont-ils fouvent la violence
des ouragans , en for tant des »gorges formées par
les fommets des monts. L ’eau douce y eft abondante
; & quoique la chaleur, concentrée dans les
vallées, y toit affez forte, la température générale
eft douce & faine. L’île de 1' Afcenfion contient
un volcan éteint ; mais elle eft aride, raboteufe,
& peu cultivée. Enfin dans la Méditerranée , beaucoup
de géographes réunifient à 11 Afrique l’île de
h/lalthe, voifirie de la Sicile : elle fembleroit
appartenir à l ’Europe ; mais plufieurs ont cru voir
dans la roche tendre qui lui fert de bafe, dans
la nature de fon terroir, plus fectile que fes qualités
apparentes ne fembleroient l ’annoncer, dans la
chaleur même de fa température , quelque chofe
d’analogue aux cotes du golfe de Tunis , auxquelles
cette île répond du côté de l ’Afrique, On a été„
plus loin , & l ’on a cru voir , dans la figure 8c les
traits-du vifage des naturels originaires , quelque
çhofe, qui fe rapproche du vifage africain. Il me
feroit difficile de difcuter ces opinions, & je m’arrêterai
ici.
De plus longs détails fur YAfrique exigeroient
des recherches que le temps ne me permet pas
de faire , & dont l ’exécution pafferôit de beaucoup
les bornes qui me font prefcrites. Au refte, quelque
légèrement que foit tracé l ’enfemble que je
viens de donner des divifions de ce continent, je
crois que ce que j’ai dit eft fuffifant pour diftin-
guer effentiellement une région de la région
voifine-, puifque les limites que j’ai eflayé de-leur
affigner, font déduites de la ftruCture phyfique de
cette partie de notre globe, & femblent par con-
féquent pofées par la nature elle-même. J’ai cru
que c’étoit la meilleure manière de rappeler, à tin
enfemble utile, lesobfervations des phyficiens-, des
naturaliftes , & des médecins.
Je ne prétends pas non plus fuivre , dans un
grand détail , les rapports des différentes productions
de Y A fr iq u e , avec la température des régions
dans lefquelles. elles fe trouvent ; qu’i l me luffife
d’eri présenter , dans le paragraphe fuivant, un tableau
général & fuccinét.
§. VI .
Productions des trois règnes dans le continent
. de /’Afrique.
Les productions de tous les pays fe réduifenf
néceffairementaux trois ordres des minéraux, des
végétaux , & des animaux., 1. Je ne m’arrêterai pas beaucoup aux productions
minérales de Y Afrique , non que je les regarde
comme- Indifférentes à ' l’étude dont le médecin
s’occupe', mais parce que celles qui cônfti tuent
la bafe du fol de Y Afrique nous font la plupart
inconnues.
On fait cependant que c’eft du fein de la chaîne
orientale des montagnes de l ’Egypte, gufrubnt for-
ties ces maffes énormes de granit îhr ielquelles re-
pofent ces vaftes portiques , vainqueurs des efforts
du temps & de la fureur des conquérans , 8c qui
font encore notre admiration. M. Savary dit que
la chaîne occidentale eft au contraire élevée fur une
bafe calcaire : on retrouvé ce caractère en Barbarie
vers les côtes,& Shaw nous dit que la côte fur laquelle
eft bâtie Tunis eft toute blanche , & compolée de
craie , de même que la côte de Bizerte 8c le
promontoire blanc , qui , après le cap S“erra, eft
la pointe la plus feptentrionale de Y Afrique.
Ces obfervations font conformes à celles de M.
Guettard fur la bande marneufe ou crayeufe qui
règne fur toute la côte d’Egypte & de Syrie,
(roye% Mém. de Tacad. , an; 17 51.)
Un autre fait , rapporté par le même auteur
(M. Shaw), eft que dans la fouille des puits , qui en
Barbarie font peu profonds, on retire du gravier *
rarement de la glaife ; 8c qu’on trouve l ’eau fous
une couche de pierre tendre, parfemèe de mica
jaune & blanc; dans le Sahra, les puits font beaucoup
plus profonds , ainfi que je 1 ai dit ; les
premières matières qu’on tire font , du fable & du
gravier, jufqu’à une profondeur confidérable ; ehfin
la pierre, fous laquelle on trouve l ’eau, eft une
couche d’arSoife qu’on perce . 8c de deffous laquelle
l ’eau jaillit fouvent avec affez de force pour fur-,
prendre les travailleurs & les noyer. Il paroît donc
que la dernière bafe du fol de Y Afrique, celle
qui fait le toit de l’eau fouterreine, fe continue de
la Barbarie au Sahra , fans changer de nature, mais
feulement en changeant de forme & de confiftance.
Car du Mica à l ’ardoife, il femble que le paffage
n’eft pas long, & le refte du terrein eft du gravier
d’une & d’autre- part. Au delà de la latitude
du Sahra , il paroît que'Targile devient plus commune
Ton en juge par ies obfervations de M.
Adanfon, & par la carte mife à la tête de fon
voyage ; & le terrein de l’extrémité méridionale
de Y Afrique eft évidemment mêlé d’argile ,
puifque lès terres y font graffes, & fi fortes, que
le labourage y eft très-pénible 8c difficile. Quant
au terrein au refte de Y Afrique, j’a i déjà dit, dans
le détail dé chaque région , ce que j’ai pu en con-
noître jufqu’ici : je ne le répéterai pas.
Mais un fait qui ne mérite pas moins d’attention
, c’eft la quantité de fel gemme qui fe trouve
dans toute la Barbarie. Plufieurs montagnes en font
remplies ; des rivières entières ont leurs eaux chargées
de fel ; prefque tous les lacs font falés. Les
lacs du Sahra font auffi fous falés ; & quand ils
font à fec , ils laiffent une glèbe prefque entièrement
compofée de fe l, 8c qui' fe sèche , en cubes.
L ’eau de prefque. tous les puits eft falée, & même
amère. Il n’y a que la contrée de Haïr.,, dans'ce
dé fert, où l ’eau des puits fe trouve parfaitement
douce. C’eft avec le fel des mines de Tegaza-que
les-caravanes de Barbarie achètent l ’or de T0111-
bu.t. Le falpêtre , dit Shaw , eft auffi mêlé à la
terre aux environs de Tremeçenou Tlemfan en Barbarie
g ainfi qu’en beaucoup d’autres endroits. On
l ’enlève par la leffive , mais on ne le trouve nulle
part en maffe comme le fel gemme.
Ainfi, cette partie de VAfrique eft pleine de
falines jufqu’a l ’Am^edède ; mais tout change au-
delà de ce mont. Le fel eft inconnu à Tombât, &
l ’on ne s’y. fert que de celui qu’apportent les
caravanes qui ont paffé par Tegaza. Le fel eft ,
dit - on , d un prix exhorbitant en Abiflinie , fous
une latitude analogue. Il paroît même que
dans toute cette zone on ne connoît que le
fel que fournit la mer. Mais M. Adanfon dit que
l ’eau de la mer, évaporée fur les côtes de Sénégal, -
y iaiffe un fel blanc' ébiouiffant, mais d’une âcreté
fi mordante, qu’on n*en peut faire un affaifonne-
roent. Vers la partie là plus méridionale cîe
VAfrique, les falines redeviennent communes, &
dans le pays des hôttentots, non feulement les I
fourees talées né font pas rares , mais encore l ’eau
douce'des pluies & des rivières.débordées., accumulée
pendant la faifon des pluies dans des baffins
naturels , fe fale par le féjour , & finit ; en s’évaporant
par la chaleur & les vents de fud-eft, par
laiffer des maffes de • fel qui font un objet de
.commerce Sc d’économie. Il paroîtroit, d’après le
rapport de ïio lb ë, que ce fel eft mêlé de nitre 8c
de fel amer.
En Egypte , ce n’eft que dans le Delta qu’on connoît
une exploitation de fel marin ; il y criftallife
pur à la furface de la terre. Profper Alpin dit
avoir vu recueillir dans les grandes chaleurs de
l ’été, avant,le débordement au N i l , un fel crifi-
tallifé fur le fol, & blanc comme la neige. On
pourroit croire qu’il a voulu parler du natron ,
fi long-temps confondu par nos Chimiftes avec
le nitre ; mais il en fait la diftin&ion. Il parle
d’un lac fi chargé de natron à l ’occident de la baffe
Egypte, que ce fel criftallife autour <|es corps
qù’on.y jette. Les voyageurs modernes parlent auffi
de lacs formés par les débordemens du N i l, qui
enfuite, évaporés par la chaleur du foleil, laiffent
du natron qu’on taille pas morceaux, & qu’on
Iaiffe sécher à l ’air. Mais Profper Alpin femble
dire auffi qu’aux environs du lac dont il parle , on
tire le natron foffile d’une efpèce de carrière.
I l en difîingue de deux fortes : le natron rofe , plus
compaCt, plus lourd, eft plus eftimé que la fécondé
efpèce, qui eft le natron blanc, plus léger,plus
poreux, mais qui paroît être , aux différences près
de la denfité, le même fel abfolument. On connoît
les ufages de ce fel ; outre celui de blanchir
le linge, il attendrit auffi les légumes avec le s quels
les Egyptiens le font cuire. Pour le feT
ammoniac, il eft plutôt un produit de l ’art, qu’un
préfent de la nature.
Shâw nous parle en Barbarie de beaucoup de
fourees chaudes , & de quelques-unes fulphureufes.
Et l ’on trouve auffi des fourees chaudes dans la
région du Cap. A l-’égard des mines, on vante des
mines d’émeraudes au fud-oueft d’Abiffinie : on
connoît des mines de fer & de plomb orès de
Bugie. A l ’égard de l ’or , dont la nature paroît
fi prodigue dans le ‘ centre de l'Afriq ue, on n’en
connoît guère les mines. Les habitans de cette
partie, du monde , contens des richeffes quiis
trouvent fous leurs pas, n’ont point encore ima- ;
giné de pénétrer jufques dans les entrailles de la
terre qui les foutient & les nourrit, & tout l ’or
qu’ils livrent à l ’avidité européene 8c afiatique,
leur eft offert prefque à la furface de leur f o l , ou
eft entraîné par les ruiffeaiix qui découlent de
leurs montagnes. Au refte , ces objets font les
moins intéreffans pour le médecin. La partie la
plus extérieure du terrein de VAfrique, plus importante
par rapport à fon influence, offre des con-
fidérations néceffairement liées avec ce que j’ai
déjà dit des différentes régions, ou avec l’hiftoire
des productions végétales qui adhèrent à la furface
du fol. Enfin les volcans, ces foupiràux qui, deftinés à -
fervir d’iffue à des feux fouierrains , donnent tant
de vigueur à la végétation , & doivent tant influer
fur la falubrité de l ’air, ne paroiffent pas très-
nombreux en Afrique , & nous ne fomrnës surs
que de l ’exiftence du volcan éteint des Açores, &
de l ’île de l ’Afcenfion, & de ceux qui brûlent
encore dans l ’île de Bourbon & dans celle de
Téneriffe.
II. Les productions végétales S un pays peuvent
être considérées ,\ou comme figue de fa fertilité,
ou comme influant fur la nature de l ’air qu’on
y refpire, ou comme fervant aux ufages & à la
nourriture de fes habitans.
i° . La fertilité d’une contrée dépend en générai
des .proportions mutuelles de la chaleur & de
l ’humidité, de la nature du fo l, de celle de l’air,
& de l ’expofition .des lieux.
- L a chaleur & fhumidité font , dans tous les
pays, les grands moteurs de toute végétation, &
les terres qui manquent de l ’un ou de l ’autre de
ces deux agens, font condamnées à une éternelle
ftérilité : ainfi , les déferts arides du Sahra ne font
pas moins ftériles que les fommets glacés des
Alpes , ou les contrées inhabitables des pôles.
Malgré même le concours le mieux combiné de
ces deux caüfes, il eft des productions que femble
exclure un certain degré de chaleur. Ainfi, le froment
qui couvre les plaines . de la Barbarie &
de l ’Egypte, & la vigne dont le fruit devient
fi .délicieux, & .fournit des vins fi renommés dans
les îles de Madère 8c des Canaries, 8c fur les