
la figure de leurs molécules ; & fi l ’on admeteoit
comme caufe de la diverfité dans leurs effets, la
forme de^coins, de pointes, d’aiguillons, de lances,
de fphères , de cônes , de cubes , &c. , que l ’on
ne feroit que fuppofer dans leurs dernières particules
, quand cette diverfité de forme feroit démontrée
dans les molécules des différens médica-
mens , i l reftcroit encore à favoir quelle eft la
caufe qui meut ces molécules dans le fens ou il
feroit neceflaire qu’elles fe préfentaflent aux organes
, pour y occafîonner les effets attribués- à
cette figure. Il eft beaucoup plus fage de convenir
, avec de très - grands médecins , que nous
ne connoiffons point la manière intime d’agir
des médicamens ; cependant il doit être permis
de chercher à s’éclairer fur ce point , mais en
n’oubliant pas de bannir toute hypothèfe de ces
recherchés.
En coofidérant le réfultat de toutes les obfer-
vations faites fur l ’aélion des médicamens , on remarque
d abord qu’il n?y a fouvent aucune pro-,
portion entre l ’énergie ' apparente ou les pro-
priétes phyfiques .d un remède , & là manière
d’agir fur le corps humain. En effet., cojnment
un fe-ul grain d’opium p eu t-il porter le calme
dans des douleurs fituées loin de l ’eftomac , fur
lequel fe paffe la première aétion de cette fubftance
? Comment cet atome. de matière , relativement
à la maffe totale du corps , peut - il
diminuer , autant qu’i l le fait , l ’action des organes
les plus- mobiles , & arrêter ainfi leurs
fondions jufqu’à procurer le fommeil ? Quelle
analogie peut-on trouver entre les puiffances phyfiques
de deux grains d’ipecacuanha ou d’un demi
grain de tartre îtibié, & les convulfions violentes
que ces petites maffes excitent dans l ’eftomac qui
les reçoit ? Qüel rapport exifte - t - il entre un
fixième de grain de cantharides , un demi- grain
de camphre, & le tiflu de la veflie, que le premier
de ces remèdes irrite & enflamme , & dont
le fécond calme les douleurs , l ’éréthifme, le
fpafme, &c. ? On doit conclure de cette importante
obfervation, que l ’effet paroît prefque toujours
au-deffus de la caufe dans Faction des médicamens.
Je tâcherai de fixer tout à l’heure la
raifon de-^ette difproportion qui n’eft qu’apparente
, & qui devroit cependant être regardée !
comme confiante , fi l ’on vouloit fuivre les mécaniciens
dans les explications qu’ils donnent des *
phénomènes des maladies, de la fanté, & de l ’action
des remèdes.
Une fécondé obfervation non moins importante
que la première , & tirée comme elle de la pratique
, c’eft que le même médicament, quoiqu’ad-
miniftré à la même dofe , produit des effets tout
différens fur divers fujets. Un cathartique purge
très - bien un malade ; le même remède, donné
fous les mêmes formes & à la même dofe , n’excite
aucune évacuation chez un autre malade ; & dans
un troifième, jl ocçafionne une fuper purgation, J’ai
vu des fujets auxquels il falloit donner trois grains
de tartre émetique pour les faire vomir ; j’ai
obfervé, d une part, une jeune fille qui éprouva
des vomiffemens continuels & des coliques allez
vives, pour avoir pris un douzième de grain du
meme remede , etendu dans un verre de tifane.
Jé connois une dame qui eft expofée à des convulfions
, â des coliques , à un mal - aife infup-
portable , & à plufieurs autres accidens nerveux,
toutes les fois qu’on .lui donne la plus petite
dofe de quelque préparation d’opium que ce fo it,
non feulement dans l ’eftomac, mais encore en
lavement. Tous les médecins ont de fréquentes
occafions de faire la même obfervation.
Le lieu fur lequel on applique un médicament
modifie fouvent & fait varier fon aélion.
C’eft ainfi que le plomb appaife les douleurs
lorfqu’on l ’applique à l’extérieur , & en produit
de terribles lorfqu’on l ’introduit dans les inteftins.
Les acides légers font tempérans, rafraîchiflans,
& antifeptiques dans les premières voies, & quelques
gouttes introduites dans les vaiffeaux fanguins,
arrêtent la circulation & tuent les animaux ; les
corps odorans & ambrofiaques donnent des fpafmes
& des accidens nerveux , lorfqu’ils frappent les
nerfs olfaétiques des perfonnes très - irritables :
reçus dans l ’eftomàc , ces mêmes corps deviennent
antifpafmodiques & caïmans. Il eft peu de médicamens
qui ne varient plus ou moins dans leurs
effets , relativement aux organes fur lefquels fe
porte leur aélipn. L ’art n’a pas encore acquis fur ce
point tout ce qu’il eft fufceptible d’acquérir ; &
l ’on voit fouvent des remèdes appliqués d’une manière
particulière , agir tout autrement qu’on ne
l’auroit penfé. L ’obfervation attentive eft le feul
moyen de connoître ces différences d’aélion dans
les médicamens j & la pratique de la Médecine
ne peut que gagner à ce travail, puifqu’une même
fubftance pourra alors fuffire à remplir plufieurs
indications , en l’adminiftrant de telle ou telle
manière : ce qui s’exécute déjà pour plufieurs
médicamens.
Ces différences générales, que nous venons d’examiner
dans l ’aétion des médicamens., ne fuffifent
pas pour donner à ceux qui commencent l’étude
de la matière médicale , des idées affez claires
-fur la manière d’agir de ces fubftances. Afin de
faire mieux fentir les principaux traits de cette
diverfité d’énergie, je vais confidérer dans plufieurs
articles l ’aétion des rémèdes , foit • par rapport à
leurs propriétés phyfiques & chimiques, foit relativement
aux modifications qu’elle éprouve de la
part des organes divers fur lefquels ils agiflent.
A n T I C L E P R E M I E R .
D e Vaction générale des médicamens, relative à leurs propriétés phyfiques.
J’ai déjà fait obferver que Yaétion des médi-
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mens appartient néceflairement à leurs propriétés,
& qu’elle n’eft qu’une fuite du rapport qu’il y a
entre ces dernières & l’économie animale. Cette
aflertion, que perfonne ne peut nier , & dont tout
phyficien fept la vérité, éloigne , ainfi que je l ’ai
remarqué , toutes les vertus imaginaires attribuées
par les enthoufiaftes , les fotis ,.ou les charlatans,
aux amulettes , aux figures conftellées, aux paroles
magiques , aux forces fympathiques prétendues, &
détruit néceflairement les prétentions ridicules de
Paracelfe, de D igb y , &c. Elle affure en même
temps l ’opinion qu’on doit prendre des qualités
occultes admifes par les anciens ,^puifqu’i l eft
démontré aujourd’hui , d’après cette vérité , que
ces qualités n’avoient été imaginées pour expliquer
les effets des remèdes , que dans un temps
où le flambeau de la Phyfique n’étoit point encore
allumé , & ne portoit pas plus fa lumière
fur la Médecine, que fur toutes les autres branches
des fcienceS naturelles.
Il ne peut donc refter aucun doute aujourd’hui
fur cette aflertion : tout effet d’un médicament eft
la fuite néceflaire du rapport qui exifte entre
fes propriétés & les forces vivantes du corps des
animaux. C ’eft en analyfant chacune des propriétés
fenfibles des remèdes , en les confidérant à part,
en les ifolant, pour ainfi dire , que l ’on pourra
concevoir ce rapport. Ainfi , la connoiflance des
vertus générales des médicamens dépend de celle
de leurs qualités & de celle de la ftruéture & du jeu
des organes animaux $ c’eft en comparant les unes
aux autres , qu’on peut parvenir à découvfir le rapport
qui exifte entre elles, & conféquemment les
effets médicamenteux. Entrons avec plus de détail
dans ces importantes confidérations.
Je range parmi les qualités phyfiques des médicamens
la forme, la pefanteur , l ’agrégation,
la température , la faveur , & l ’odeur : en examinant
chacune d’elles en particulier & dans autant
de paragraphes, j’efpère démontrer qu’elles influent
toutes avec plus ou moins d’énergie fur 13action
médicamenteufe confidérée en. général.
§. I. D e la forme confidérée comme caufe
«i’aélions médicamenteufe s .
Ce n’eft point de la forme des dernières molécules
, qui ne peut point tomber fous les fens ,
qu’il doit être queftion ici. Quoique beaucoup
d’auteurs de matière médicale aient voulu expliquer
l 'action des remèdes par la forme de leurs
particules, cette théorie tombe d’elle-même » lorfqu’on
ne veut pas fubftituer des hypothèfes aux
faits.' Ainfi, je ne répéterai point, avec ces mécaniciens
, que les ftimulans agiflent ainfi , parce
qu’ils font compofés de pointes & d’aiguilles ;
que les lubréfians & les adouciflans produifent
cet effet en raifon des globules.qui les confti-
tuent, &c. Mais lorfqu’un corps médicamenteux
çft adminiftré en fubftance ; que cette fubftance eft
follde, dure, réfiftante, infoluble, t e l , par exemple,
qu’une pierre précieufe en poudre , de la craie,
de la terre argileufe , du fer en limaille , du
mercure cru , du régule d’ antimoine , 6v. ; alors
la forme de ces corps , qui tombe fous les fens,
& que l ’oeil peut fai fi r plus ou moins facilement,
influe néceflairement fur leur manière. En général j
ils s’attachent aux parois de l’eftomac & des inteftins
, & y féjournent quelque temps ; ils y excitent
des contractions , des ofcillations, des mou-
vemens quelconques , & leur action eft forte &
longue. Il eft vai que les médecins preferitrent
rarement des médicamens fous cette forme , à
moins qu’ils ne jouiflent de propriétés chimiques
capables de l ’altérer promptement : tels font les
fels , les mucilages en poudre , les corps fucrés,
la plupart des poudres végétales, quelques préparations
de fer, de mercure , d’antimoine.
Il fuit de là , qu’on ne doit pas infifter longtemps
fur l ’influence de la forme dans Vaction médicamenteufe.
Mais i l - n’en • eft pas de même pour
les poifons ; il en eft une claffe qui agiflent fur
l ’eftomac paçflme force mécanique , & dont les
dangereux effets font dus manifeftement à la fur-
face. Les pierres dures en poudre, les métaux en limaille
groflière, les fels métalliques peu folubles,
font de ce genre : d’après cette confidératîcn , tout
l ’art fe .réduit dans ces cas , i°. à expulfer ces corps
étrangers & nuifibles , à l ’aide des évacuans, & particulièrement
des vomitifs ; z°. à les envelopper, à
en mafquer la forme ou à la rendre nulle par les
remèdes invifçans, épais , mucilagineux.
On a plufieurs fois cherché à tirer parti de la
forme de quelques fubftances, pour modifier ou corriger
leurs propriétés médicamente,ufes. C’eft ainfi
qu’on faifoit avaler autrefois aux malades de petites
balles de régule d’antimoine , que l ’on appeloit
pilules perpétuelles, & qui excitoient des évacuations
plus ou moins confidérables, en raifon de la
furface qu’elles préfentoient, & du féjour plus ou
moins long qu’elles faifoient dans l ’eftomaç & dans
les inteftins. Mais i l faut toujours fe fouvenir que
la forme, confidérée feule dans les remèdes, n’éclaire
jamais affez fur leurs vertus; que lorfqu’on les prescrit
d’après elle , ils trompent fouvent l ’attenté du
médecin , & qu’ils produifent trop ou trop, peu
d’effet. Ainfi, les balles de régule n’agiflant pas feulement
en raifon de leur forme & de leur furface,
mais encore en raifon de leur diflolution plus ou
moins facile par les fucs des premières voies, qui
font d’une nature fort différente dans les divers
individus ; il eft certain que leur aéîion devoit pré-
fenter un grand nombre de variétés. Auflï obfervoit-on
qu’elles ne purgeoient prefque point certains fujets ,
qu’elles purgeoient doucement plufieurs autres , &
que chez quelques-uns elles produifoient une fu-
perpurgation confidérable : ce qui les a fait abandonner
entièrement aujourd’hui.
Ces légers détails fuffifent pour démontrer que la
forme ne conftitue une ^élion quelconque dans les
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