
byles font agriculteurs & palpeurs. Leur langue,
très-différente de l ’arabe & du turc , n’a d’analogie
avec aucune langue connue, & eft probablement
un refte.de l’ancienne punique & de Y africaine
: ces peuples font beaucoup plus blancs que
les maures. Et ceux mêmes des montagnes d'Â u -
refs '( Aurafius mons ) font non feulement
blancs, mais blonds 3 & JVL Sliaw croit y recon-
noîcre les anciens vandales.
Je n’entrerai pas dans le détail des habitations
des maures, qui, dans les principales villes, ont
encore un air de nobleffe & d’élégance , fur-tout
a Alger. Mais il eft bon de remarquer ici que dans
les maifons les plus vaftès , toute une famille eft
ordinairement réunie dans une feule chambre , foit
pour la nuit , foit le jour pour les occupations
domeftiques. Cet ufage, joint à la fécurité que
leur înipire le dogme de la prédeftination, doit
être très-funefte à ces peuples , dans les temps où
régnent les maladies contagieufes & peftiientielies,
D ’ailleurs les coutumes & la manière de vivre des
turcs & des maures font, d beaucoup d’égards, fembla-
bles à celles des égyptiens. Ils font-beaucoup moins
polis & moins humains , quoique les tunifiens le
ioient plus que-tous les autres. On ne doit pas
cependant oublier que l ’humanité du dey d’Alger,
& fon amour pour les fciences , ont éclaté
dans l’accueil qu’i l vient de faire à un natura-
lifte françois , & dans les facilités qu’il lui a
procurées pour fe livrer à toutes fortes de recherches.
Malgré la barbarie des habitans du-royaume
de Maroc envers leurs efclâ/es, ils fe conduifent
encore allez bien envers les étrangers, & même
on dit qu’ils ont des univerfités & des académies
où l’on énfeigne quelques fciences. Leurs villes
font les plus grandes de la Barbarie, mais ne font
pas les mieux bâties. Les repas des maures & des
turcs font à peu près tels qu’en Egypte , compofés
de r iz , & de quelques viandes bouillies & rôties ,
de ; fruits, de dattes , d’amandes , de confitures. Le
pois-chiche rôti eft mêlé à beaucoup de leurs mets,
& prefque tous leurs aljmens font affaifonnés avec
la coriandre-, & dans le temps avec la pomme
d’amour ou tomate. La boutargue , ou les oeufs de
mulet , mêlés avec le fang de l ’animal, & falés,
font un mets dont ufent beaucoup les tunifiens 3 &
les habitans du royaume de T rip oli, dont le ter-
rein eft plus fablonneux & plus ftérile , ne vivent
guère que de poiffons & de dattes. Il eft
encore- des familles qui , dans les mois d’aout
& de feptembre, fe nourrirent uniquement du
fruit de l ’opuntia, qui , dans ces pays, ne teint
point les urines en rouge , comme il arrive en
Amérique. ( Vojre\ §. VI , n. 2. ) Outre les
limonades , les boiffons ufitées dans ces pays
font encore le vin de dattes, celui qu’on fait avec
le lue des fruits de lotus ; enfin la liqueur ou
miel de palmier, . qui/ quand il eft épaifli 8c fer- ■
mente , donne une eau-de-vie très-agréable qu’ôo
somme araki. Lés'arabes & les kabyles ont des
repas beaûCoup plus ftmples que les maure?,. Æe
tous leurs mets confiftent en des bouillies épaiffes
& fufceptibles d’être maniées & pétries dans les-
mains , & faites de différentes graines , comme le
m il, le dohr ou dora , &c. Ils nomment ces- bouillies
coufcajfà ou coufcoitjfous , & pillau. Ils y
joignent le lait de leurs troupeaux & quelques
fruits. Les arabes, & même les maures, font très-
pareffeux 3 & après l’exercice du cheval & de la
chaffe, ils paffent leur vie à fumer. Ce font les-
femmes qui fupportent toute la fatigue intérieure,
ce font elles qui font] chargées de moudra
le blé & de faire le pain. Nonobftant cela „>
elles font belles & fraîches-; elles- ont un teint
très-beaii 5 leurs enfans font de même , jufqu’à ce
que le foleil les ait brunis 3 ce qui prouve y
comme je l ’ai déjà dit , que la couleur bafanée
des maures n’eft point du tout une couleur na*-
tionale.
L ’habillement des maures eft plus fîmpîe que
celui des égyptiens & des autres peuples de l ’O rient
3 ils portent des chemiles à manches,. & par-
deffus une tunique fans manche retenue par une
ceinture au - denoûs des. reins. Les parties inférieures
font couvertes par une efpèce de caleçon
, & leurs pieds font chauffés de pabou-
ches lâches & ailées. Par deffus cet habillement
ils portent un manteau formé d’une longue pièce
d’étoffe. Ils nomment ce manteau ha'ique. Les
femmes font beaucoup plus couvertes, & s’enveloppent
de leur haïque de la tête aux pieds ,
lorfqu’elles fortent 3 elles font auffi voilées, & dans
une partie de la Barbarie la moitié inférieure
du vifage eft enveloppée & couverte. Les maures
& les turcs ont auffi la tête couverte d’un bonnet
d’écarlate entouré d’un turban' : mais les en-
fans , jufqu’à un certain âge , relient, comme ceux
des égyptiens, tête nue. Pour les arabes & les
kâbylës , ils ont ordinairement la tête & les pieds-
nus. Aufli le lavement des pieds eft--rl parmi eux
un ufage très-reçu , & la première politeffe qu’ils
font à leurs hôtes & aux étrangers. Ils ne portent
ni chemifes ni caleçons , & le contentent de 1&
tunique & du manteau. Ils ne fe couvrent la tête
que pour fe garantir du froid & de la pluie, &
le font avec la cape de leur manteau. Ces détails
, que je n’étends pas plus loin , ne font pas;
indifférens dans l ’étude importante de l ’influence
des coutumes fur lés conftitutions.
J’ai déjà dit qu’une grande partie des ulages des
habitans des villes de Barbarie, eft conforme à ceux
des habitans dé l’Egypte. Ils profefl'ent une même
religion, & font plus ou moins fournis, excepté dans
le royaume de Maroc, à une même domination.
J’ai dit un mot de la mufîque des égyptiens.
M. Shaw donne dans fon voyage un parallèle in-
téreffant de celle des peuples de Barbarie. Je n’en
dirai que ceci : la mufîque . arabe eft groffière 3
fans beaucoup d’a r t, & foutenue de peu. d’inftrumens;
ils n’ont prefquè qu’un feul air. Celle des
maures eft plus vive , plus agréable , plus compote
e , & foutenue d’inftruméns à vent & à cordes
de beaucoup d’efpèces 3 celle des turcs eft trifte,
mélancolique , monotone , comme celle des égyptiens^
cependant la fymphonie militaire des deys
eft: compofée de cymbales, de tambours, & d’autres
inftrumens 3 elle eft fort animée, fort accélérée
, & même plus vive que n’eft la mufîque des
maures.
Mais pour compléter le tableau des différences
phyfiques qu’a pu produire l’ordre focial parmi les
habitans de cette portion feptentrionale de Y A -
jfrique , il faudroit avoir des moyens d’apprécier
ce qu’ont pu fur eux les alternatives d’efeiavage
& de liberté, de civilifation & de barbarie, d’une
vie tranquille, entretenue par une induftrie paisible
, & d’une vie féroce & fanguinaire , dans la quelle
on voit l ’homme , accoutumé à répandre le
fang, mettre au nombre de fes jouiffances le meurtre
& les tpurmens de fes femblables.
On a dit i l y a long-temps, que toutes ces
caufes dévoient influer fur la conftitution phyfique
des hommes. Mais pour donner à ces affertions
toute la force qu’elles ne peuvent recevoir que de
l ’expérience , il faudroit une fuite d’obfervations
précifes. Il faudroit rapprocher & comparer enfem-
ble ces anciens égyptiens, pères des fciences & des"
arts, précepteurs des grecs 3 ceux qui depuis vécurent
fous les Ptolomées , dans un liècle où la politeffe
fut portée à fon comble 3 ceux qui , amollis
par le luxe & les délices, plièrent enfuite fous
le joug des romains, 8c qui, fous les califes, virent
détruire par les flammes les monumens les
plus beaux de leur gloire, le dépôt de leurs
fciences 3 ceux qui, plus guerriers , mais plus féroces,
firent encore la loi aux nations voiunesfous
l ’empire des foudans; enfin ceux qui maintenant
gémiffent fous un defpotifme fubalterne , avilis par
l ’efclavage , l ’ignorance, & la molleffe. Il faudroit
encore pouvoir réunir fous un même point de
vue, d’abord ces anciens & fiers Carthaginois, ainfî
ue les fujets des Maffmiffa , des Syphax, & des
ugurtha, enfuite fur la même terre , les fujèts des
romains , ceux des Almoravides , qui firent fi long -
temps la loi à l ’Efpagne 3 & enfin les pirates de
T r ip o li, de Tunis, & d’Alger , & les enclaves farouches
des defpotes de Fez & de Maroc. Je fuis
perfuadé qu’un pareil tableau intérefferoit également
le pnyficien & le phiiofophe. Cependant il
eft toujours bon de remarquer que de tous temps les
égyptiens ont eu un caractère foible & timide ,
plus fait pour les arts & le commerce que pour
l ’empire du monde 3 & que les habitans dû refte
de l’ancienne Afrique, depuis la Cyrénaïque jufqu’à
la Mauritanie, ont toujours eu , même dans
leurs beaux jours , un peu de férocité, mêlé avec
leur grandeur. . II. Le peu de connoiffances que nous avons des
peuples qui habitent le refte de l ’A fr iq u e , nous
laiflera cependant encore apercevoir, dans la nature
de leurs ajfpciations , dans la différence de
leur genre de vie, dans la bizarrerie de leurs coutumes
8c de leurs moeurs , une variété auffi frappante
que dans leur traits, dans leur couleur, &
leur figure.
1. II a déjà été dit que les formes de gouvernement
qui réunifient les peuples , ainfî que leurs
qualités morales * ne dévoient pas toujours être
regardées comme étrangères à leurs différences
phyfiques, foit comme caufes, foit comme effets.
On pourroit, relativement à la forme des gouver-
nemens , divifer les peuples de Y Afrique connus en
deux ordres. Les uns font réunis fous des princes entièrement
defpotes 3 tels font les abiffins, les nubiens,
tous les peuples mahométans des côtes orientales,
excepté ceux de l ’ariftocratie de Brava, & les
noirs de ces mêmes côtes , jufqu’au Monomotapa 3
tels font auffi les peuples du royaume de Bénin &
de Loango, & , à ce qu’i l paroît, une grande partie
de ceux qui occupent le centre de Y Afrique. Les
autres nations font divifées par tribus ou familles
fous des chefs qui doivent leur autorité à leur
âge , ousà une magiftrature bornée & paffagèrei
Telles font quelques nations parmi les noirs occidentaux
, fur-tout fur les côtes du Sénégal 3 tels font
encore les nomades du défert & les hottentots. Il eft
peu de nations connues en Afrique qui, abfoiument
éparfes & fans propriétés nationales , foient auffi
exactement fans chefs , fans Ibis, & fans Gouvernement
: les bédouins mêmes du Sahra, ainfî que
ceux de l’Egypte & de l’Afie , ont un chef de
famille qui les conduit & les commande 3 iis -ont
des diftriâs propres à chaque tribu , des troupeaux
& des chameaux -qui font la propriété des particuliers;
& ils obfervent, à l ’égard de leurs hôtes
& de ceux de leur tribu, les lois d’une hofpita-
lité & d’une fraternité inviolables.
I l feroit difficile de dire quels effets phyfiques
réfultent de ces différentes formes d’affociatioijs •
mais il fera plus aifé d’imaginer l ’influence qui
peut réfulter de la forme des habitations , de leur
rapprochement, & des ufages qui règlent là vie
commune. On peut, à l ’égard des habitations?;
divifer les nations de Y Afrique en peuples dont
les habitations font fixes, & en peuples errans '
habitant fous des tentes ou fous des huttes qu’ils
tranfporte.at à volonté. Les abiffins, dans un pays
riche mais rempli de montagnes & inondé dans
la faifon des pluies , n’ont plus aujourd'hui, dit-
on, d’autres maifons que des tentes 3 8c le camp
du Roi fe tranfporte • alternativement des plaines,
aux montagnes , fuivant que l ’un oirTautre féjo.ur
devient & plus agréable & plus falubre dans les
différentes faifons de l ’année. Cependant les nubiens
ont des habitations fixes auprès du. N il & for- ]a
rive des fleuves qui s’y réunifient. Les arabes du
défert djrçffent encore & replient leurs tentes félon