
un nouvel appât 3 je prefererois encore de les m(-
truire , en leur préfentant, fous les couleurs les
plus vives, le tableau affreux , mais trop vrai,
des fuites de ce genre de libertinage , plutôt que
de les tenir dans une ignorance qui, ceffera tôt^ ou
tard, mais qui peut ne ceffer que dans le précipice.
:
Un autre objet non moins important eft de
corriger le jeune homme lorfqu il a déjà contracté
ce defaut dangereux : on commet tous les jours de
grandes fautes à cet égard. I l faut alors le confî-
dérèr dans deux états différens j ou fa fante n eft
nullement altérée , ou bien il commence déjà a
fenlir les effets de fon libertinage. Dans le premier
cas, il n’eft pas douteux qu’il ne faille lui en
faire voir toutes les conféquences dans un tableau
v i f , frappant, & vrai ; mais dans le fécond, il faut
fouvent ufer de ménagement. D’homme craintif,
quand il fouffre & q u il éft foible , eft porté à
groffir, dans Ion imagination, les maux q uil éprouvé;
& fi vous .offrez à celui qui commence a s epuifer
un portrait trop effrayant d’un malade exténue , il
fe verra bientôt lui - même defféché & mourant.
On a vu plus d’une fois le livre excellent de 1 Ona-
nifrne de M. T if lo t , mis entre les mains de jeunes
gens dans cet état, les jeter dans une mélancolie
profonde, qui les conduifoit enfin, par une route
affreufe,, au précipice même d’où l’on s etoit pro-
pofé de les écarter. Qu’on leur faffe donc faire de
férieufès réflexions fur leur état prefent ; qu on
leur en fafle fentir fortement la liaifon avec Y abus
auquel ils fe livrent; qu’on leur en fafle prévoir
les triftes fuites : le fentiment de ce qù’ils éprouvent
déjà leur fera un avertiffement affez fort ; &
la vérité, foutenue de leur propre expérience,
n’aura pas befoin , pour être plus frappante, d une
exagération funefte de leurs maux il eft même des
cas ou il faudroit détourner leurs yeux d’un précipice
trop voifin , pour les rappeler à une efpérance
de guérifon , qui ne doit être le prix que de leur
fagefle. ( M. H ALLÉ).
A bus de la Maréchalerie. Ces abus, en
'grand nombre, peuvent être divifés en deux claffes.
Les premiers tiennent à l ’ignorance des principes
de l ’àrt de guérir ; & quoique MM. Lafoffe , &
quelques autres après eux, en aient releve & fait
connoître un •grand nombre , nous n’en ferons point
ic i un article particulier , parce que nous nous
propofons d’en faire mention a chacun de ceux
auxquels ils appartiennent. La meilleure manière
de les détruire feroit peut-être de les laifler plon-
'gés dans l’oubli qu’ils méritent ; mais plufieurs ouvrages
généralement répandus, & qui jouiffent d une
réputation méritée à bien des égards, en perpétuent
tous les jours quelques-uns, & il eft efien-
tie l de prévenir les le&eurs fur les fuites plus ou
onoins dangereufes qui peuvent en réfulter.
•Que n’ai-je une plume affez éloquente & allez
pexfuafive pour faire featir combien les' féconds ont
été préjudiciables aux progrès de l ’art ! ils l ’ont
rabaifle , ils ont fait rentrer ceux qui l'exercent
dans la clafle nombreufe & trop fouvent avilie des
artifans. On a oublié que de grands hommes avoient
été de bons vétérinaires ; on s’eft accoutume a ne
voir dans un maréchal qu’un ouvrier, qui, comme
le dit Diderot, n’a embraffé fon métier que par
néceffité , & ne travaille que par mftinét. Toujours
, fous ce point de vue , il n’a fait aucun effort
pour s’y fouftrairé; & la feule clafle d’hommes* qui
pouvoit porter la lumière de l ’expérience & de
l’obfervation dans les fentiers ténébreux de l ’art ,
eft celle qui s’en eft le moins occupée. A -peine
dans la foule innombrable d’écrivains vétérinaires ,-
trouve-t-on quelques maréchaux ; & Nicolas Bau-
grand , fi injuftement oublié aujourd hui, fut une exception
à fon fiècle. Nous pouvons compter dans
le nôtre MM. Ronden, Lafoffe, Janfon & Hurell"
mais les Lafoffe feuls fe font élevés au-dèffus de
leurs confrères , & les ont laiffés à une diftance
que plufieurs chercheront vainement à atteindre.
Ce zèle paroiffoit devoir fe propager par l ’éta-
bliffement des écoles royales vétérinaires : mais
cette efpérance, jufqu’à préfent , a ete vaine ; 8c
dans le nombre des élèves fortis de ces ecoles &
devenus maréchaux , on n’en compte pas un qui
ait enrichi l’art de fes produ^ions. I l en eft cependant
parmi eux , «ai-nfi que parmi les premiers ,
qui en pofsèdent parfaitement toutes les parties ,
& qui font honneur à la Maréchalerie ; mais , forcés-
parla loi impérieufe de la néceffité, du préjugé, &
de l ’intérêt, ils fuivent la route tracée. Faifons des
voeux pour que-la révolution commencée fous nos-
yeux , dans la médecine des animaux, s’effeétue, &
tâchons d’y contribuer, en expofant .les principaux
abus qui s’y oppofent.
i° . L ’art vétérinaire, libre & confidéré dans la
Grèèe & dans Rome , y à fait des progrès comme
la Médecine 5 compté, dans le quinzième fiècle',
parmi les métiers , i l n’a pas diTfortir de la barbarie
où i l étoit plongé depuis fi long - temps'3.
& les ouvrages qui parurent alors fur cet objet ,
n’excitèrent pas l ’émulation de ceux qui l ’exer-
çoient, gênés, par une maîtrife & par un chef-
d’oeuvre ignorant & abfurde : il auroit fallu qu’un
maréhal eut été fupérieur à Ion fiècle Sc a fes
contemporains , pour- franchir de tels ohftacles.
M. Lafoffe a dit quelque part, qu’un homme dont
les études auroient été anez fuivies pour être bon
vétérinaire , tourneroit fes vues vers un point plus
élevé , & lui-même eft un exemple frappant qu’on
ne brave pas impunément des préjugés dont on
lent le ridicule & Y abus. De nos jours, une lueur
a brillé ; elle a fait naître l ’efpérance au fond
des coeurs : mais, femblable à l ’éclair , elle nous
a replongés , .bientôt après , dans des ténèbres plus
épaiffes que celles dont elle nous avoit tirés. La
communauté de's maréchaux réuniffoit ce qu’on appelle
les maréchaux ferrans & les maréchaux
greffiers ; -ceux-ci, ne travaillant qu’aux voitures*
.»’avoient de commun avec les premières que le
nom. On a aboli les maîtrifes, les maréchaux
ferrans fe font retrouvés feuls ; & cet inftant, favorable
pour rendre* a l art le luftre & 1 éclat
qu’il mérite , a .été perdu. On a bientôt formé
.de nouvelles .communautés j & on a reuni les maréchaux
ferrans aux épefonniers. Cette reunion
fembie mieux vue que la première, puifque 1 art
de forger les mors & d’emboucher les chevaux
eft . une branche de l ’art vétérinaire. Mais çes
nouvelles formations , faites d’après des vues dont
nous fommes loin de fufpcéter la fagefle , en
détruifant le ch e f-d ’oeuvre & l’apprentiffage ,
qu’il nej falloit peut-être que réformer & rendre
utile , en diminuant de beaucoup le prix des
maîtrifes , ont perpétué & aggravé 1 abus. Elles
ont mis l’exercice de l ’art à la portée de quiconque
a pu payer le droit léger de l ’exercer,
& d’acqaérir par conféquent la confiance publique ;
elles ont porté le découragement & le dégoût
dans l ’ame de d’homme inftruit, qui, après avoir
facrifié fon temps & fa fortune à une étude devenue !
tout à coup inutile , s’eft vu confondu parmi d,es :
gens avec .lefquels il. n’avoit rien de commun , &
dont il a même été forcé de fuivre fouvent les j
routines aveugles, afin .d’établir une égalité de j
.concurrence entre lui & eux dans l ’efprit du plus |
. grand nombre. Il ne nous appartient p.as de pref-
crire ici les règles à fuivre pour réformer cet abus,
le premier, le plus confidécable & la fourçe de tous
les autres. Nous croyons que, tant qu’il fubfiftera ,
des progrès de l ’art vétérinaire feront lents , quels
que foient les travaux des artiftes ifolés dans les
- provinces. Nous défirons fincèrement qu’une feiençe
qui tient à tant de titres a la Médecine humaine,
& qui intèreffe fi effentiellemént le droit facré de
la propriété ,-foit exercée par des gens d’une, capacité
authentiquement reconnue , & dignes de répondre
à la confiance qu’ils auroient alors véritablement
le droit d’infpirer.
z°. L ’abus dont nous allons parler eft une preuve
évidente de l ’état mercantile fous lequel eft envi-
fagée la Maréchalerie ; i l eft moins nuifible. encore
aux progrès de l ’art qu’à l’intérêt.même des propriétaires
5 & il eft étonnant que ceux-ci n’aient pas encore
ouvert les yeux fur un abus dont ils font toujours
les vi&imes.
Un particulier qui a un ou plufieurs chevaux ,
paye à fon maréchal un prix fixé par mois ou par
année , pour que celui-ci les entretienne toujours
bien ferrés, les foigne quand ils font malades , &
fourniffe les médicamens. Ce prix a varié & varie
• encore ; il a été (ucceffivement à i liv. z liv.
lo f . 5 liv. 3 liv. 10 f. & 4 liv. par mois pour
chaque bête; ce qui fa it, au taux le plus haut,
48 liv. pour une année entière. L ’augmentation de
ce prix n’a jamais été en railon des talens de l ’en-
treprençur , mais toujours en railon du prix des
matières premières. Un cheval reftç ferré trois
femaines, un mois pu fix fem^ine.s , félon fon plus
ou moins de’ légèreté , la pefanteur de fes fers’,
l ’état du pavé, & le travail"qu’il fait ; chaque fer
■ coûte 15 ou ,18 fous , félon fa grandeur 8c fy
force , une ferrure complète vaut donc 3 livres
iz fous. Il eft rare que , .pendant fa durée,,il n’y
manqùe quelques clous y n’en mettons que huit ,
iis fe payent un fou , nous aurons 4 livres jufté
pour la durée entière de la ferrure. Étabiiffons a
préfent un . terme moyen entre lès .deux exti êmès
de cette durée , & mettons-la à cinq fera aines ,
c’eft donc dix ferrures dans une année , 8c une fomme
dé 40 livres : en fuppofant 4 liv. par mois, le
maréchal bénéfie donc de 8 1. Ces détails, minutieux
peutvêtre aux y eux de plufieurs , feront partie de
l ’hiftoire .de l’art ; né rou.giflb.ns donc pas de nous
. y arrêter, & ôfo.ns en pourfuivre le cours. Plus la
ferrure dure, plus il gagne ; il doit donc la faire
durer le plus poflible. : il ne pourra y réûflîr qu’en
mettant des fers lourds & épais, qui doivent né-
çeflairement ruiner les pieds foibles, rendre l ’animal
plus pefant , le fatiguer davantage dans la
marche , ,& ,ruiner les jambes beaucoup plus vite ,
que fi tout étoit dans . de juftes proportions. Cet
[ abus , le moindre de ceux qui réiultent de l ’abonnement,
eft Tunique caufe du djfcrédit & dix peu
d’emploi que l ’on a fait de la ferrure indiquée par
M. Lafofle j & c’eft en vain qu’on à voulu dire
qu’elle ne valoit rien, puifqubn ne l ’avoit pas
adoptée dans les écuries du roi. Çe raifonnejment
n’eft que fpécieux : les. chevaux de ces écuries dont
à Tentrepîife, comme la plupart des autres. Mais
fuppofons à préfent un animal attaqué d'une maladie
grave ou longue , le farcin , les eaux . aux
jambes, par exemple , que doit-il arriver.néceffaire-
ment ? JJ entrepreneur doit toujours gagner : la moindre.
dépenfe en médicamens fe montant en peu de
temps plus haut que le bénéfice , fon intérêt exige
qu’il .en emploie le moins poflible & du moindre
prix 5 d’où i l réfulte que, malgré de prétendus
foins prodigués, qui le difculpent auprès du propriétaire
, la maladie s’aggrave, & l’animal périt,
.faute de ceux qui lui feroient néceffaires. Que fera
Tartifte dans cette circonftance ? Il connoît fes devoirs
, leur facrifiera-t-il fa fortune ? cette efpèce
d’héroïfme mène à l ’hôpital. Demandera - t - i l un
prix plus haut? parlera - t .- i l d’honoraires? on
trouverajpar-tout ailleurs, & au rabais, les mêmes
fecours qu’il veut enchérir ; on ne verra que ce
moindre débourfé; on comptera pour rien la perte
d’un ou de plufieurs animaux, ou la dépenfe' de fa
nourriture pendant un traitement dont la durée eft
doublée & triplée entre dés mains ignorantes ; parce
qu’on ne pente jamais qu’au gain a& uel, & non
à la perte à éviter : il fera donc obligé de facrifier
à l’habitude. Heureux , oui , heureux celui qui
n eft pas reftreinr par un v il iniérêt , & auquel
■ une confiance intime laiffe le champ libre à fes
talens qu elle honore l i l fe fera un devoir de la