
I l animoit tous les corps de la nature dont il
formoit l ’efprit vital; c’étoit à fa préfence, & tant
qu’i l réfîdoit en eux, qu’étoit due leur conferva-
tion. Il leur paroiffoit émaner des régions céieftes ,
& tirer fa fource du foleil & des aftres. Suivant
eux , il établifloit entre nous & les régions fupé-
rieures une communication réciproque , en jouiflant
dans l ’efpace d’un mouvement de flux & de reflux
continuel. C’étoit enfin dans le principe de la lumière
& de la chaleur qu’ils l ’avoient fait réfider.
Quelque libre qu’il rut dans l ’atmofphère, ils
s’étoient vantés de pofleder des moyens de faifir cet
agent univerfel, & par fon influence fur la portion
de lui-même qui animoit les différens êtres ,
.de modifier leur exiftence & leurs propriétés. Ils
avoient cru pouvoir agir de cette manière fans aucun contaét immédiat, mais à de grandes diflances ;
& par ce moyen, ils avoient prétendu exciter , mettre
en jeu le principe vital des êtres animés, augmenter
fon aétion, exciter des crifes, & calmer les
-troubles qu’il pouvoit occafionner dans les organes.
£n fortifiant ainftTefprit vital dans chaque individu,
ils s’étoient flattés de pouvoir conferver la fanté,
prolonger la vie, & préferver même des maladies;
enfin , par UDe conféquence naturelle de cette doctrine
, ils avoient penfé être parvenus au point de
Amplifier l ’art de guérir , en réduifant toutes les
maladies & tous les remèdes à un feul principe, en
indiquant enfin la médecine univerfelle , c’eft-à-~
dire, le moyea de mettre èn jeu la nature, qui,
feule & fans fecours, diffipe fi fouvent un grand
nombre de maladies.
Les partifans de cette doétrine avoient donné à ce
principe le nom Gagent magnétique , à raifon de
la renemblance qu’ils avoient aperçue entre lui 8c.
Vaimant. Il leur avoit paru émaner des aftres comme
celui de l ’aimant, qu’ils croyoient dépendant de
l ’influence de l ’ourfe Ou de l ’étoile polaire. Il étoit
comme luiuniverfellementrépandu; il agifloitdans
l ’éloignement, à plus ou moins de diftance , fans le
fecours d’aucun contaél immédiat, & fon action fe
propageoit alors par une véritable irradiation en
.tous fens & dans toutes fortes de directions. C ’étoit
.fur-tout par la faculté d’agir de loin, in diflans ,
qu’ils l’avoient cru le même que le principe de
Y aimant ;\ tl contemplation de la nature, comme
nous le dirons ailleurs , & plufieurs phénomènes
particuliers , très-frappa ns, fur-tout en médecine ,
leur ayant appris qu’il exiftoit une telle force dans
l ’univers, & Y aimant étant, finon le feul corps qu’ils
connuflent, au moins le plus apparent & le plus
merveilleux qui leur parut fournis à (on aCtion.
Ils avoient cru même reconnoître plus particulièrement
dans l ’économie animale des phénomènes
flépendans de l ’aCtion de ce principe univerfel, &
évidemment analogues -au magnétifme. Paracelfe
avoit admis dans l ’homme un axe polaire. Les
alchymiftes de fa frète & de ton temps, confi-
dérant l’homme microcofme, c’eft-à-dire, comme
pn abrégé de l ’unjvers, avoient défigné deux pôles
dans le corps humain , la bouche fervant de pôle
arétique , & le ventre 4e pôle antarctique. Kircher
rapportoit enfin que quelques auteurs avoient penfé
que l’homme étoit doué d’une véritable force magnétique
; & qu’en le plaçant dans un parfait
équilibré fur une barque légère, au milieu des eaux,
i l tendroit naturellement à fe diriger la face au
pôle ou vers le nord.
Pour juger de la conformité du magnétifme
moderne avec le magnétifme ancien, il auroit
fuffi de ce premier expolé qui donnoit une idée générale
de ce qu’avoit été cette doClrine au dix-feptième
fiècle. On voyoit facilement que c’étoient dans
l ’un & l ’autre fyftême les mêmes vues, les mêmes
principes généraux , les mêmes prétentions à la mé-
j
decine purement externe & univerfelle. En fuivant
plus particulièrement M. Mefmer dans l ’expofé de
fa doCtrine , on reconnoifloit jufqu’à quel point
cette première apparence de conformité fe confirmoit
dans les détails.
« I l exiftoit, difoit M. Mefmer, une influence
» mutuelle entre les corps céieftes , la terre, & les
» corps animés». Maxv/el en avoit admis une également
; i l avoit dit que les aftres , an moyen de la
chaleur & de la lumière, communiquoient le principe
vital aux corps difpolés à le recevoir. I l com-
paroit le foleil au coeur, qui, dans l’économie animale
, diftribue la vie à tous les autres organes«
C’étoit cet aftre , fuivant lu i, qui, par la lumière,
communiquôit aux étoiles comme à la terre toutes
leurs vertus. Les partifans de celte doctrine avoiene
reconnu dans cette influence un caractère de réciprocité
*entre la terre & les corps céieftes.
Le principe , ou, comme difoit M. Mefmer, « le
» moyen de cette influence étoit un fluide univer-
» fellement répandu & continué dè manière à ne
» fouffrir aucun vide ; dont la fubtilité ne permet;-
» toit aucune comparaifon , & qui de fa nature
» étoit fufceptible de recevoir, propager , & com-
» muniquer toutes les impreflïons du mouvement ».
Tels avoient été aufli les caraâères de l’agent admis
dans l ’ancien fyftême. Répandu dans l’efpace, on
l ’avoit appelé V efprit univerfel, fpiritus mundi
univerfâlis. Cet agent étoit d’une ténuité, d’une
fubtilité , (Tune agilité qui l’avoit fait placer par
fes partifans dans la claffe des-efprits, comme
participant de la nature étherée. Semblable à la
lumière , Maxwel l’avoit regardé comme parfaitement
homogène dans toute fa fubflancé.
« De cette aétion réciproque, foumife, ajoutoit
» M. Mefmer, à des lois mécaniques, inconnues
» jufqu’à préfent, réfultoient des effets alternatifs
» qui pouvoient être confîdérés comme un flux &
» un reflux , plus ou moins général, plus ou moins
» compofé, félon la nature des caufes qui le dé-
» terminoieut ; & c’étoit par cette opération ( la
» plus univerfelle de celles <^ue la nature nous
» offroit ) que les relations d activité s’exerçoient
» entre les corps céieftes, la terre , & fes parties
» conftitutives». Les partifans de l ’ancien magnétifme
t-ifine avoient aufli reconnu un mouvement de
flux & de reflux entre nous, la terre, & les régions
céieftes. Cet efprit, difoit Maxwel en pariant
de l ’efprit univerfel, defcendoiï dû ciel & re-
fluo it vers lui perpétuellement. C’étoit des régions
éthérées qu’il émanoit, fuivant Santanelli, & il
lui avoit reconnu aufli un mouvement alternatif
de f lu x & de reflux entre elles & nous. La même
idée a été adoptée depuis par des auteurs modernes.
« Les propriétés de la matière & du corps or-
» ganifé, ajoutoit M. Mefmer,. dépendoient de
» cette opération ». Maxwel avoit admis la même
opinion. C ’étoit l ’efprit univerfel, difoit-il, qui
maintenoit & confervoif toutes chofes dans l’état
où. elles étoient. — Tout ce qui étoit corps ou matière
ne pofsédoit aucune activité , s’i l n étoit
animépar cet efprit, & s’f ne lui fervoit en quelque
forte de forme & d’inflrument. — Ct\r, ajoutoit-il,
les corps fervoient, pour ainji dire bafe à l ’efprit
vital ^ ils le recevaient, & c étoit pat’ lui qu ils
agijfoient & qu’ils opéraient. — Enfin il difoit que
rèfprit univerfel qui defcendoit dit c ie l, inaltérable
& pur comme la lumière, étoit la fource de
ï ’efprit vital particulier qui exifloit en toutes
chofes ; que c’étoit lui qui le formoit, l'entretenait
, le régénéroit, & le multiplioit, & qui leur
donnoit la faculté & le pouvoir de fe propager.
« Le corps animai, fuivant M. Mefmer , éprou-
» voit les effets alternatifs de cet agent, & c’étoit
» en s’infinuant dans les nerfs qu’il les affe&oit
» immédiatement ». Ce n’étoit donc pas feulement
un mouvement de flux 1 5c de reflux dans l ’efpace
que M. Mefmer attribuoit à fon fluide. I l penfoit
que ce mouvement fe communiquoit même à l’intérieur
des corps. D’après les principes connus de
l ’attraétion univerfelle, conftatée par les obferva-
tions qui nous apprennent que les planètes s’affectent
mutuellement dans leur's orbites , & que la
lune & le foleil occafionnent fur notre globe un
flux & un reflux dans la mer ainfi que dans l ’at-
mofphère, M. Mefmer avançoit que* ces fphères
exerçoient aufli une aétion direéfce fur toutes les
parties conftitutives des corps animés, particulièr-
rement fur le fyftême nerveux , moyennant un
fluide qui pénétroit tout. . . . Il foutenoit que de
même que les effets alternatifs, à l ’égard de la gravité
, produifent dans les rpers le phénomène fen-
fible que nous appelons flux & reflux, l ’intenfion
& la rémiflion du magnétifme animal occafion-
uoient dans les corps animés des effets alternatifs,
analogues à ceux qu’éprouve la mer. D ’après ces considérations
, i l établifloit que le corps animal, étant
loumis à la même aétion , éprouvoit aufli une forte
de flux & de reflux. Il çroyoit pouvoir imiter ou
modifier par fes procédés ce mouvement intérieur,
& c étoit pour y parvenir qu’il fe propofoit d’exciter
ou de produire dans l ’économie animale ce
m ü appeloit une efpèce de marée artificielle.
Les partifans de l ’ancien fyftême avoient aufli re-
Méde clne. Tome I .
connu ce mouvement de flux & dé reflux alternatif
dans les corps. Santanelli, qui avoit donné Une plus
grande extenfîon aux aphorifmes de Maxwel, difoit,
en parlant du fluide univerfel, que c e t te m a tièr e f i
f u b t i l e s ’ éch a p p o it fu c c e j jiv em en t & c o n t in u e lle ment
d es corps , & s ’y tr o u v o it régénérée p a r une
f o r t e de f l u x & de r e f lu x . On trouve la même opinion
adoptée depuis par plufieurs auteurs, & appliquée
à l’économie animale. M e a d établifloit un flux &
un reflux dans l ’air comme dans les eaux de la mer ,*
& ce mouvement qu’il croyoit occafîonné par 1 action
du foleil & de vla lune fur l’élément fubtil
qui nous environne, lui paroiffoit avoir une u
grande influence, qu’il en déduifoit tous les maux
que la diminution du poids de l’air peut occafionner
aux hommes. W h y t t , en parlant des îpaladies
des nerfs., dit qu’elles ont été rapportées à une faculté
inconnue , à des mouvemens de flux & de
reflux qu’on fuppofoit fans les démontrer. S t h a l
enfin ( i ) , dans une de fes diflertations fur le
mouvement tonique & convulfif, a traité du phénomène
'qu’il appeloit la marée dans l’économie
animale.
« Il fe manifeftoit particulièrement dans le corps
» humain, fuivant M. Mefmer, des propriétés ana-
» logues ,à celles de Y a im a n t . On y diftinguoit
» des pôles également divers & oppofës., qui pou-
» voient être communiqués, vchangés, détruits, &
» renforcés. Le phénomène même de l ’inclinaifon
» y étoit obfervé». Nous avons vu plus haut que
Paracelfe, le père de l’ancien magnétifme , & fes
feétateurs avoient annoncé la même chofe. Ils ad-
mettoient également des pôles dans le corps humain.
Ils faifoient plus , ils les défignoient ; ils y
admettoient un axe polaire; ils y reconnoifloient
enfin la force dire&ive , fi l’on peut s’exprimer ainfi,
& tous les phénomènes de la direction.
« Cette propriété du corps animal, qui le ren-
» doit fufceptible de l’influence, des corps céieftes ,
» & de l ’aôtion'réciproque de ceux qui l’environ-
» noient, manifeftée par fon analogie avec'Y a i -
» m a n t , avoit déterminé M. Mefmer à la nommer
» magnétifme animal». C’étoit la même raifon
d’analogié , comtn& nous l ’avons dit plus haut,
qui avoit engagé les anciens à donner à leur agent
le nom de m a g n é tifm e . S on aftion leur avoit paru
analogue & lemblable à celle de Y a im a n t . Le
principe de cette aétion, fuivant eux, émanoit des
aftres comme celui de Y a im a n t , qu’ils croyoient
dépendre de l’ourfe ou de l ’étoile polaire. En fécond
lieu , ils avoient prétendu, à la faveur de ce principe
d’aétion, opérer fur le corps humain dans l’éloignement
, à plus ou moins de diftance , & fans
aucun befoin au moins de contaét immédiat. C’étoit
donc un véritable magnétifme que cette aétion ,
(i) Gcorg. Erneft. Stahl T h e o r ia m e d i c a v e r a . H a loe .
170S , 171-4.°. D i j f e r ta t io n e s d e m o tu t o n i c o , d e m o t ïb u s
c o n v u i f iv i s , d e oe jtu m a r is m ic r o c o fm icn & c . M m m