
A K T IU S . Pour bien faire connaître ce mé-
oecin célébré & fes ouvrages, nous croyons devoir
fuivre lhiftoire que Freind en a donnée, après les
avoir lus & médités.
I l eft confiant, dit-il, qu’.^ëtius n’a point com-
pofé fes livres avant la fin du cinquième fiècle, ou
avant le commencement du fixième, puifqu’i l y
nomme non feulement faint Cyrille , archevêque
d Alexandrie , mort, l ’an 44-4 , mais encore
Pierre 1 archiacre , médecin de Théodoric, roi des
goths, mort en 516.
• Les ouvrages de Chirurgie d"Aëtius renferment
plufieurs choies qui méritent d’être remarquées. Il
fait mention de diverfes méthodes qui font même
en aflez grand nombre ; méthodes qu’ii a vu pratiquer
de fon temps pour certaines opérations.
11 a écrit ce qu i l a pratiqué &. expérimenté lui-
mènre ; il en parle non feulement au chapitre
de la caflration, mais encore en beaucoup d’aù-
Ires endroits. Il dit fur ce fujet bien ' des chofes
qui ne font ni dans Celfe , ni dans Galien ; il
indique au moins une fois plus de méthodes différentes^,
qui peuvent être pratiquées dans ces cas,
que 1 on 11 en trouvera dans ces deux médecins. I l
produit même des chofes que Paul a omifes : en
voici des preuves.
11 rapporte très - exadement la manière dont
Afclépiades guériffoit l ’anafarque , en faifant, au
côté intérieur de la jambe , au-deffus de la malléole
, des incifions longues d’environ quatre doigts,
& de la profondeur de celles qu’on fait ordinairement
pour la faignée. Il fort un peu de fano-
d abord j ce n eft enfuite qu’un écoulement continuel
d eau , fans aucune inflammation, èn forte
que 1 ouverture ne fe peut refermer que l ’humeur
ne' foit tarie , & que l’enflure ne foit diffipée : cet
écoulement guérit la maladie fans aucun remède
extérieur. Léonide d’Alexandrie, auteur qui a vécu
après Afclépiades , mais peu éloigné du temps
de Galien , & dont on voit des fragmens principalement
dans A ë t iu s , dit de plus, que, fi les
incifions aux jambes ne-donnent pas un a fiez prompt
écoulement;, il faut en faire une fur d’autres parties
du corps , aux cuifles , aux bras , au fero-
tum , fuppofe qu il foit enflé , & par ce moyen
il s’évacuera une grande quantité de matière
aqueufe. Archigène ajoute , que par ces fearifica-
tions, non feulement l ’enflure des jambes & des
cuiffes, mais encore celle du ventre , s’affaiflera.
11 n’y a pas de doute que quand l ’afcite eft fui vie
de 1 a.nafarque , cette méthode n’ait quelque fuc-
cès, quoique dans une firnple afeite il puiffe arriver
qu’elle n’en produife aucun. Hippocrate fait
mention de cette opération , & elle a été faite
depuis, jufqu’à notre temps, avec un grand fuc-
cès. Sylvius del Bcë propofe une autre manière
de faire la ponction : il s’en attribue l ’invention ,
quoiqu’il foit clair qu’il a pris cette méthode dans
Avicenne. Mais ce n’eft pas la feule invention
wodetne dont on peut rencontrer la fource dans
les anciens auteurs de Médecine. Quoi qu’il en
fo it , les moins verfés dans l ’art de, la Chirurgie,
prétendent qu’une lancette vaut infiniment mieux
qu’une aiguille pour faire 1’ouverture des tumeurs
qui accompagnent l ’anafarque.
On apprend , par plufieurs paffages A”A ë tiu s ,
que le cautère aétuel & le cautère potentiel étoienc
alors très-fort en ufage. Dans la paralyfie , principalement
, il ordonne, d’après Archigène, que
fans perdre de temps, on. faffe une efearre par
1 un de ces deux moyens , fur différentes parties-,
une a la nuque , à l ’endroit où la moelle épinièrê
prend fon origine ; enfuite une à chaque-côté ; trois
ou quatre au fommet de la tête, dont une.au
milieu, & les trois autres autour de celle-ci. Il
ajoute même , que fi l ’humeur coulé long-temps
par-ces ulcères, on doit beaucoup efpérer que le
malade recouvrera fa fauté.
I l y en a qui croient que les cautères1 ou fon-
ticules font d’une invention récente , &' que les
anciens n’en avoient aucune connoiflance; mais fi
on lit attentivement la defeription qü’en donné
A e tiu s , on fera convaincu que les anciens en ont
eu des idées auffi claires que celles que nous en
avons âujourffhui.
Ce n’eft pas feulement en parlant de la-paralyfie
a^x A ëtius fait mentiofi du Cautère. Il entre
dans un plus long détail fur ce -fecours chirurgical
, en le preferivant contre l ’afthme invétéré,
lorfqu’on aura inutilement employé tous les autres
remèdes. Il veut-qu’on ouvre üfi cautère de chaque‘'
côté, près du milieu de l'articulation de la
clavicule , mais en prenant garde de blefier la trachée
artère ; puis deux autres petits proche les
artères carotides fous la mâchoire, un de chaque
côté, de manière cependant que lé càuftique ne
pénètre point au delà de la peau ; "deux autres
encore fous lés mamelles , entre la trôifiemé &
la quatrième côte ; plus*, deux autres fur le dos
vers la cinquième & la fixième côte ; un autre
au milieu du thorax , près de l ’origine du cartilage
xiphoïde •, au-deffus de l’orifice' du ventricule
; un autre de même de chaque côté ,Centre
la huitième & la' neuvième côte ; trois enfin fur
le dos , favoir , un' au milieu , & les deux autres
un peu plus bas , de chaque côté des vertèbres.
Les cautères qui font au-deflbus du -cotr, doivent
être aflez larges , 1 fans être trop fuperficiels ni
trop profonds ; mais il faut les entretenir longtemps.
Ae tius confeille auflî le cautère dans l ’em-
pyème & dans la phthifie il avertit de lui donner
j pour ces deux maladies , une forme ronde
ou circulaire , laquelle entretient plus long-temps
l ’ulcère : c’eff la forme qu’on leur donne aujourd’hui.
Paul d’Egine copie préfque mot pour mot ce
qui , vient detre dit de l’afthme, & préferit le 1
meme moyen pour le traitement derempyème;
il ajoute feulemént que le cautère aéiuel, dont
on fe fervira , fera la racine d’ariftoloche trempée
; dans l ’huile >, & allumée, Gpntre la mêmç
maladie ( l ’ëmpyème ) , il rapporte, d’après Léonide
, de quelle ’manière- on paffè à travers la
plevre un fer, pointu, rougi au; feu , afin de procurer
une iflùe au pus qui eft' dans la poitrine.
Il fait mention auffi de la .méthode de pratiquer
la paracentèfe , en obfervant néanmoins que cette
opération eft bientôt fuivie de la mort;, o,u qu’elle
laiffe une fiftule incurable. Albucafis le répète d’après
Paul. Mais il n’eft pas conftamment vrai qu’il y
ait un danger fi grand à courir ; dans une cir-
conftance auffi délicate, ou fi douteufe , on doit
regarder comme un avantage d’êtr.e délivré d’une
maladie par une fiftule.
En d’autres endroits, m;ais particulièrement dans
là cure de la feiatique * Aëtius décrit les différentes
manières d’appliquer les cautères potentiels
auxi jambes & i d’autres parties j i l enfeigne comment
on doit entretenir les ulcères; en quoi i l eft
fuivi entièrement par Paul.
Ce qu’on vient de lire , &, que! j’ai extrait
d * Aëtius , prouve :, je crois , folideinent .que les
effets - des fonticules étoient très-connus des.ançiens,
& qu’ils avoient coutume de les ouvrir par le
feu , moyen qui eft très — fouvent le plus commode.
Aujourd'hui même encore les fonticules font
utiles dans les maladies pour lefquelles ils fout
recommandés par Aë tius.
Il eft bon de remarquer i c i , que les trois chapitres
où noire: auteur parle de la paralyfie, de
l ’empyème , & de la . feiatique , font tirés d’A r-
chigène : ainfî , cette méthode curative, par les
cautères date au. moins du : temps de l ’empereur
Domitien (mort, comme, on fait, l’an 5»é de notre
ère). Ccelius Aurelianus fait mention de ces deux
efpèces de cautères, pour la douleur de tête & la
feiatique,- bien qu’il n’approuve pas ce moyen
de puration dans la première de ces maladies.
Cependant il-rapporte qu’i l eft recommandé dans
la phthifie par Thémilon, médecin plus ancien
que Celfe. Il eft très - certain qu’Hippocrate a
connu l ’ufage du cautère; & Celfe vante conftamment
ce remède dans l ’hydropifie, dans l ’épilep-
fie , dans la feiatique , & dans la phthifie; & afin
de nous faire connoître mieux combien il croyoit
utile l ’écoulement qui a lieu par cet ulcère*- artificiel
, il établit, pour règle confiante dans tous
ces cas , qu’il faut l’empêcher de fe cicatrifer , &
entretenir le cours de l ’humeur, jufqu’à ce qu’elle
foit épuifée, & que la maladie foit guérie. Ainfi ,
pour la morfure du chien enragé , Aëtius ordonne
de tenir les plaies ouvertes durant quarante ou
foixante jours , 8c de les rouvrir, fi elles viennent
à fe fermer.
T e lle étoit la pratique des anciens relativement
aux cautères ; pratique auffi efficace fans doute que
celle que nous fuivons.
Il y en a qui mettent de la différence entre les
cautères des anciens & les fonticules des modernes;
m a i l le peu que j’ai dit de ce fecours prouve
aflez que cette, différence n eft pas d une^ grande
importance. Cette méthode , il eft vrai, a été perfectionnée
par les modernes, q u i, en fuivant Rha-
fis, recommandent de placer les, fonticules fur
quelque partie charnue,, ou plutôt dans 1 inter-
itice des mufcles; au lieu que les anciens les ou-
vroient quelquefois'’ proche d’un os , tels que le
fternum , la nuque , les clavicules, &ç, . Si r
dans le s , ulcères ainfi. placés , on inféré quelque
corps ^étranger , pour les. entretenir ouverts, là
compreffion qu’éprouve alors le périofte excitera
néceflairement beaucoup de douleurs ; d ailleurs »
de, ces ulcères fitués ainfi, il né faui'oit fôrtir une
affez; grande abondance d’h’umeur , dans laquelle
confifte néanmoins fout l’efpoir de la guerifon.
Les anciens n’avoient que cette maniéré ( les
çauftiques) pour ouvrir les fonticules; la maniéré
de les ouvrir avec le biftouri eft plus moderne.
Plufieurs préfèrent le cautère aéhiel au cautère potentiel,
parce que l ’efcarre tombe plus promptement;
mais comme le premier femble trop cruel,
on fe fert du,fécond plus communément, pour^conclef-
cendre au peu de courage des malades : mais s il favo—
rife la foibleffe des malades, il eft trè.s-propre
à donner i l ’ulcère plus de profondeur. Mais.Glau-
dorp, qui a traité ce fujét avec exaftitude , fait
tant de cas du cautère aftue l, aimeroit
mieux , dit-il, qu’on lui ouvrît fix fonticules avec
le feu, qu’un feul avec le càuftique potentiel ; il
déclare que , pendant quatorze années de pratique
, il n’a employé ce dernier que deux fois.
Il ne fera point hors de propos de dire ici
quelque chofe d’une efpèce de fonticules quon
appelle féton, très-bien décrit par Lanfranc, qui
écrivoit dans le douzième fiècle. Mais fi 1 on con-
fulte les médecin? qui l ’ont précédé , on trouvera
que le féton. étoit en ufage avant cette epoque.
Roland , qui a vécu auffi dans le douzième fiècle ,
mais plutôt, en parle , i l le nomme même fe ta -
.ceumt & enfeigne la manière dont on doit introduire
l ’aiguille avec le fil.
Camunafaii , qui exerça la Médecine à Bagdad
, qui vécut, (mon long -temps auparavant ,
mais au moins avant la prile de cette ville par
les Tartaresen 1x58 , & qui , en écrivant fur les
maladies des yeux , a expofé tout ce qu’ont dit
fur ce fujet les arabes , les chaldéens, les juifs ,
les indiens, fait deux fois mention du féton ; premièrement
, lorfqu’il donne le traitement de la
catara&e , fecondement, lorfqu’il décrit une affection
de l ’oeil qu’il nomme lunella, & qui eft un
abcès entre la cornée & l ’uvée.
I l femble auffi qu’Albucafis a décrit clairement
la manière d’établir le féton dans 1 endroit ou il
preferit l’application d’un cautère à 1 aiffelle , pour
la guérifon de la luxation de l ’humérus, lorfqu’ elie
eft occafionée par un afflux d’humeurs portées fur
cette partie. Il fe fervoit, pour cette opération ,
d’un inftrument à deux ou trois pointes très-fines