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prendre leur équilibre ; cet état de gêne conf-
tituoit Vacrifie dans le fens des folidiftes. Il s’eft
élevé de nos jours un troifième fyftême $ c’eft celui
des Pneumatiftes , nom qui ne fera cependant
point nouveau dans la Médecine. Hippocrate fa-
vorifoit cette- do&rine ; Afclépiade encore davantage
, & plus près de nous Paracelfe. D’après les* *
nouvelles connoiflances dont la Phyfîque 's’eft enrichie
depuis peu de temps, on a fait la plus grande
attention aux diverfos modifications de ce principe
éthéré , de ce feu vital , tel qu’Hippocrate pa-
roît le nommer. On a dit avec raifon, que les
humeurs & les folides concouroient tous à la
production des maladies ; que c’étoit trop hafarder
que de .dire que la caufe primitive réfîdoit plutôt
dans les uns que dans les autres j que tantôt les
humeurs troubîoient l ’ordre des mouyemens des fo-
des 5 que tantôt les folides altéroient les humeurs
& les faifoient dégénérer j mais que , dans l ’tin
& l ’autre cas, ce principe v ita l , éthéré, ga-
feux , changeoit de manière d’être ; & , puifqu’il
s’agiffoit de rappeler tout à une caufe commune, à
un principe unique & primitif, c’étoit fur ce pneuma
d’Hippocrate , ce fipiritus ou filatus de C e lfe ,
cet archée des chimiftes, ce principe de feu uni-
verfel- dans la nature , caufe première des mouve-
mensdes folides & des propriétés des fluides, que
les pneumatiftes modernes dévoient fixer leurs regards.
Ainfi ^ dans ce dernier fyftême , la crife
n’étant autre chofe que le rétabliffement complet
de ce principe dans fa manière^ d’être ordinaire ,
Vacrifie eft fuppofée avoir lieu lorfque ce même
principe n’a point repris en entier fon état primordial.
11 eft certain que les maladies ne fîniffent pas
toutes de la même manière, & que le principe
morbifique , proprement d it, n’a .pas lieu dans
foutes d elà même façon. Souvent une crife, telle
•que la plupart des médecins ont coutume de
l ’entendre, eft en petite quantité. Un retour de
règles ou d’hémorroïdes guérit a l’inftant une
fièvre aigue qui avoit déjà duré plufîeurs jours. En
vain des praticiens célèbres ont prétendu que rien
de médiocre n’eft critique (• nil modicum crïti-
cum)\ les faits démentent cette affertion : la nature
a triomphé par de petits moyens, autant du
moins qu’il eft à notre portée d’en juger.
Ce- n’eft: donc point par la quantité plus ou
grande des évacuations qui furviendront fur la fin
des maladies, que nous pourrons juger's’il s’eft
opéré üne crile parfaite , ou feulement une
acrifie.
I l y a des maladies qui , par leur nature propre
, ne peuvent avoir de crife. M. <Dehaen rapporte
que Boerrhaave fut appelé pHr traiter un
enfant atteint de fièvre aigue j i l lui avoit donné
fes foins pendant plufîeurs jours , & la mort me- j
naçoit déjà de très-près le malade , lorfque ce I
grand médecin s’avifa de - l ’examiner tout nu. Il j
vit alors une-épingle qui étoit enfoncée à moitié J
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dans le dos de l ’enfant : i l ôta l ’égingle , & l ’enfant
fut guéri. Combien de cas femblables à celui
que nous venons de citer ne s’offrent-ils pas tous
les jours dans la pratique ? M. Vicq d’Azyr nous
a communiqué des idées lumineufes fur la naif-
fance de ces maladies qui dépendent d’un fimple
Jïimulus cutané.
Il y a donc des acrifies néceflaires , & qui n’approchent
nullement de celles qu’Hippocrace a indiquées
, principalement en ce qu’elles ne font
point de mauvais augure.
U y a encore -des maladies dont la crife s’opère
infenfiblement ; mais elle n’en eft pas moins réelle ,
ni le falut du malade moins alluré. Combien n’en
voit-on pas guérir par l ’augmention ou le fimple
rétabliffement de la tranfpiration cutanée ? preff-
que toutes les fièvres intermittentes font dans ce
cas. Il eft donc très-difficile de prouver qu’i l y
a des maladies qui finiflent complètement fans crife.
On n’entend pas facilement ce qu’Hipp'ocrate a
voulu dire en prononçant que la crife qui arrive
trop tôt eft fuivie par Vacrifie. Des maladies
très-violentes peuvent fort bien finir en trois ou
quatre jours. Le temps de crudité a des périodes
qui Varient à l ’infini fuivant les faifons, les
épidémies , les tempéramens , les âges , & les
diverfes caufes morbifiques. On ne peut rien dire
d’abfolu fur la durée des maladies ; nous nous contenterons
d’obferver , en nous conformant aux idées
les plus reçues parmi les pathologiftes , qu’un moment
fuffit quelquefois pour transformer l ’état le
plus fain dçs humeurs, dans la condition la plus
meurtrière j & réciproquement que le principe
morbifique, quoique très-abondant, peut difparoî-
tre dans un très-court efpace de temps.
A quel cas dpit-on donc s’arrêter pour y attacher
l ’idée de Vacrifie proprement dite. Il paroît,
.d’après Hippocrate ., que c’eft fur-tout dans les
maladies épidémiques qu’on la remarque le plus
fouvent. Sydenham femble aufli avoir annoncé
quelque chofe de femblable dans les épidémies
dont i l a tracé l ’hiftoire. Ce font des efforts vagues
, indéterminés de la part de la nature. J’ai
fait plufîeurs fois la même remarque dans les
hôpitaux , dont l ’air eft toujours plus ou moins
infeCté. Dans ces cas, on voit un grand nom^
bre de malades ne retirer aucun avantage des
évacuations, foit que la nature ait paru les opérer
, ou que l ’art les ait excitées ; ils en font au
contraire plus affoiblis : une fièvre lente furvient
quelquefois \ & tandis que le médecin , après
bien des tentatives infruétueufes , s’arrête à obfer-
ver , pour découvrir quelle fera la. marche de la
nature , la mort vient trancher le fil de la vie.
Les perfonnes cacochymes , dont la vie paroît
être une maladie contihuelle , font également très-
expofées à Vacrifie. 11 femble que le prîncipium
impetum fa c ien s , ce pneuma, dont nous avons
parlé , étant diftribué dans ces fujets fur des parties
mal çonftituées & dont les fondions font troublées
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depuis long-temps-, y caufe des mouyemens déréglés;
qtfen confiquence la foibleffe de toute lfeconomie
animale aille en augmentant; ce qui prolonge n<^cef-
fairement la maladie, malgré les évacuations qui
ont lieu tantôt par un émon&oire, tantôt par un autre.
( M. Te s t a > médecin italien. )
ACRITIQUE , adj. , fe dit de ce qui n’eft point
critique, de ce qui eft dans le cas de 1 acrifie.
Voyc\ de mot. ( V . D .)
A C R O C H O R D O N . Verruca penfilis.
A*Kpox.op<Jv»v. Malad, des y eu x . Efpèce de yerrues des
paupières, dont la bafe eft étroite , qui refte toujours
menue, & en fe prolongeant repréfente un
bolit de corde. Les racines du mot grec font àxpof,
extremus, fiummus, & x.optTa, chorda. Voye% V e r r
u e s , DES P A U P IÈ R E S . ,( M. C'HAMS ERU. )
A C R O N . Ce médecin étoit d’Agrigente ,
ville dé Sicile j il vivoit en même temps qu’Em-
pédocle le philofophe , né aufli à Agrigente.
On fait que ce dernier fleuriffoit vers la quatre-
vingt-quatrième Olympiade ,. dont la première
année tombe à l’an 444 avant l ’ère chrétienne.
Voici comme le Clerc, dans fon hiftoire de
la Médecine , expofe ce que fes rechérches lui
ont fait découvrir fur cet ancien médecin.
Açron, dit Pline , fut auteur d’une feéte de
Médecine qu’on appela la feéte empirique , nom
formé d’un mot grec qui fignifie expérience , parce
que cette fcience , rejetant les raifonnemens, s’en
tenoit uniquement à l ’experience. ( Hifl. nat.
lih. 7.9, <7. y .) Cet .auteur ajoute qu’Acron avoit
été recommandé par Eriipédocle.
Cafaubon a cru que , lorfque Pline écrivoit ce
qu’on vient de lire , il avoit en vue l ’épitaphe
d’Acron, compofée par Empédocle , & rapportée
par Diogène Laeree:
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A Kpov 1 »irpoY Axpwv axpaya.\ lAn füfcélpos axpV ;
Kpv-sAu xpr/Avoî «xpos /ararpr Sts axpoTar«s.
Acron Agrigentin „, le plus éminent des médecins
y fils a un père 'éminent , g ît dans ce
toc éminent, à Vendroit le plus éminent de fia
patrie éminente.
Mais il eft fenfible par la cacophonie que fait
dans le grec la lettre ƒ> qui entre dans tous les
mots, que c’eft une pure raillerie, comme Suidas
l ’a remarqué. Empédocle pouvoit avoir compolé
cette épitaphe pour fe moquer de la vanité de
cet homme qui , par une froide allufion à fon
nom , s’appeloit le plus excellent des médecins.
Ce qui confirme cette penfée, c’eft que Diô-
gene Laeree nous apprend, immédiatement auparavant
, que ce philofophe empêcha qu’Acron
n’obtint la demande qu’il faifoit d’ün certain lieu
pour y bâtir un tombçau , parce, difoit-il , qu'il
tenoit le premier rang parmi les médecins ,* &
qu Empédocle ayant fait un difeours fur l ’égalité ,
peut-être pour prouver que les médecins font tous
égaux , & que l ’un ne vaut pa> mieux que l ’autre
, fe tourna vers Acron , & lui dit : Quelle
épitaphe voule\-vous que Von grave fiur votre
tombeau ? Celle-ci vous agrétroit-elle ?
Acron Agrigentiny &c. . . .
Cette raillerie pourroit aufli être un effet de la
jaloufie du philolophe , qui avoit de la peine a
fouffrir qu’Acron tînt le premier rang dans une
profeflion dont il fe mêloit lui-même ; fur quoi
il y a une réflexion à faire, qui eft importante a
l ’hiftoire de la Médecine. Ceft que l ’ambition
d’Acron , ou la bonne opinion qu’il avoit de lui-
même , renverfe entièrement le fentiment de Celle
touchant la naiflance ou le commencement de la
Médecine.
Cet auteur s’exprime ainfi : « Après^ ceux de
9 qui j’ai fait mention ( c’ eft-à-dire apres les fils
»> d’Efculape ) , Il n’y a perfonne de réputation qui
» ait exercé la Médecine, jufqu’à ce qu’on eût
» commencé à s’appliquer avec plus de foin à
» l’étude des Lettrés. Et comme cette étude^eft
» autant nuifible au corps qu’elle eft utile à l’ef-
» p r it , i l eft arrivé que ceux qui s’y font atta-
» chés , ayant ruiné leur fanté par des^ medita-
» tions aflidues & par des veilles continuelles,
» ont eu plus de befoin de la Medecine que les
» autres hommes. C ’eft par cette raifon que 1»
» fcience de guérir les maladies faifoit au com-
» mencement une partie de 1 étude de la Philo—
» fophie j en forte qu’on peut dire que la Mede-
» cine & la Philofophie font nées enfemble , &
» qu’elles ont eu les mêmes auteurs. De là vient
» que nous apprenons que plufîeurs des anciens
» philofophes ont été experts dans la Medecine,
» entre lefquels on- peut compter Pyihagore ,
,> Empédocle & Démocrite, comme les plus con-
» fidérables ».
Si cet art avoit dû le jour a la Philo fophie y
comme le fuppofe C e lfe , & qu’on nen eut eu
nulle connoiffance avant les philofophes „ il n eft
pas vraifemblable qu’Acron , qui n etoit venu
qu’après eux, ou du moins apres Pythagore, eut
été affez hardi pour prétendre ^ à la principauté
de la Médecine , à leur préjudice. I l eft certain
qu’il y avoit eu des médecins avant les philofophes
; mais leur Médecine n’étoit qu’empirique,
ainfi que celle d’Acron. , . ,
On pourroit même croire que ce médecin n’a
paffé pour le chef de la feéte qui prit ce nom,
que parce qu’il avoit entrepris de foutenir cette
ancienne manière de faire "la Medécine, contre cellç
que vouloient introduire les philofophes fes contemporains.
Le paffage de Pline que Ion a cite
l ’inmiue 5 mais il y a apparence que cet auteur
s’eft trompé. La feôfce empirique dont Pline veut
parler n’a commencé que fort long - temps apres
Acron. On accorde que celui-ci étoit aufli empirique
à la manière des Afclépiades , & de tous
les autres médecins' qui l’avoient précédé j c’eft-
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