
prend lotfqu’elle eft encore renfermée ... dans. la
gaine ou la fpathe qui l’envèloppe. Alors toutes
les parties tendres & entremêlées a une pulpe blanche
& délicate, font un mets très-recherché, &
~d’autant plus précieux, que Tarbré meurt toujours
après qu’on la lui a enlevée.
Je ne m’arrêterai pas beaucoup aux ali mens qu’on
tire des femences émulfives. L ’amandier fleurit èii
Barbarie au mois de janvier, & donné fon fruit en
avril. Le noyer & l ’olivier y rapportent une" Fois
tous les deux ans. Ils font moins précieux comme
alimens que par l’huile qu’ils fôurniflent aux üfagès
économiques. Mais il eft cependant bon de remarquer
que depuis le temps d’Hérodote ju'lqu’a
celui de Profper -A lp in , les graines renfermées
dans les têtes du nymphæa ou Lotus riiüàcà, - ont
fervi à faire dés efpèces de gâteaux ’ & de pains
qui fervoienc de nourriture aux pauvres & aux gens
de la campagne. Ces femences font dé nature
Imulfîve. Les femences de fefame , & même le
marc qui relie après qu’on en a tiré l ’huile , font
encore en Egypte un aliment fort ufité , & qui entre
dans difiérens mélanges', ainli que la graine
même de pavot blanc , dont ils fe nourriflent fans
aucun inconvénient. L’huile de carthame eil encore
très-employée par le peuple pour aflaifonnér
les mets.
On ne doit pas féparer des alimens tirés dés
végétaux , les difïérens focs qu’ils nous fourniffen: y
les uns découlent naturellement de leur écorce ou
de leurs feuilles , comme la gomme du Sénégal,
dont fe nouriflent les arabes en la mêlant au lait
de leurs troupeaux, & la manne qui fe forme en
differens lieux fur certains arbrifléaux , & qu’on recueille
en abondance dans les 'déforts qui font au
nord d’Agadès. Les autres font renfermés au centre
de la plante même , comme la moelle fucrée de
la canne à fucre, celle de toutes les plantes arun-
dinacées , en particulier celle qui fe trouve au
centre des tiges du forgo , & que M. Adanfon
dit être fort abondante comme enfin la liqueur
fermentéfcible du palmier. Celle-ci femble particulière
en quelque forte aux' palmiers d’Afrique»
C e font, à cé qu’on d it, les fouis dans le fom-
met defquels il fe raffemble , lorfqu’on l ’a creufé
une fève abondante & fucrée, qui coule ainfi juf-
qu’à ce que l ’arbre foit épuifé & vieux. M. Shaw
dit qu’il s’en ramafle ainfi dans les premiers jours
jufqu’à quatre pintes ( r ) , que cette quantité diminue
enfoite infenfiblemenc ; mais que cet écoulement
dure à peu près fix fomaines. M. Adanfon
nomme cette liqueur vin de palme , comme beaucoup
d’autres auteurs : d’abord elle eft douce, &
s ’appelle alors en Barbarie miel de palmier ; bien- tôt elle fermente, s’épaiffit, enfin s’aigrit. Elle
donne à la diftillation un efprit ardent d’une odeur
( i ) Quatre quartes .ouf quatrièmes parties d’un gallon ,
^ui eft une mefurç angloife de quatre pintes* *
| 6c- d’un* go lit agréable, que les arabes nomment
araki. C ’eft alors qu’elle mérite vraiment le nom
de vin. Cette liqueur" fe retire des palmiers du
Jerid , de ceux de la Nigritie , du Sénégal,* &
probablement du relié de Y Afrique. Mais il pa-
roît qu’au Cap les palmiers ne foumiffent ni dattes ,
fo liqueur, 6c qu’on n’y connoît pas non plus le
1 chou palmifte. Quoi quai eu fait , il eft bien fttn-
gulier que ces arbres, qui ont fi peu de racines ?
qui Vivent dans des fables brîilans, à peine humectés,
réunifient, par la feule force de leur végétation
, une fi grande quantité de focs. C ’eft fans
doute ce phénomène fingulier, ainfi que celui de
leur fécondation par la ppuflière des étamines des
males emportée par les vents , phénomène bien
remarque par .Profper - Alpin , bien connu , des
peuples de B a rb a r ie ,q u i fait dire aux arabes,
que le palmier reçoit fa nourriture ■ de l ’air..
Les liqueurs fermentées font encore un préfont
des végétaux j & fans parler des vins renommés du
Cap , des Canaries , & de Madère, que Y Afrique
envoyé à l ’EufOpe , fes habitans cherchent encore
l’ivre fie & la gaîté dans les vins de. dattes, dont
les Egyptiens font grand ufoge ; dans celui du palmier,
que les nègres boivent avidement lorfqu’il
eft fermenté .mais qui.eft fujet .alors à. agacer'les;
entrailles, & dans les bières tir.ées du maïs, du
forgo, du m il, du teef, &du dorate J’âi déjà dit que le
lotus fournifloit aufli du vin dont les peuplés dè
Barbarie ufoient autrefois avec délices. Le miel
& la moelle de la canne à focre fôurniflent en-.
cote un bon vin à differens peuples.. Tous les
autres fruits fucrés & toutes les graines farineufos
de] la claffe des foomens , peuvent aufli donner
des boifloris enivrantes $ mais je n’ai parle que de
celles qui font ufitées. A ces liqueurs que l ’art
prépare avec les focs végétaux, il faut joindre
quelques plantes qui ont aufli naturellement 'un-
principe enivrant. On fait que c’eft dans la Thé-
baïde que fe recueille- l ’opium L dont l’iifage eft ïi
répandu en Egypte'& dans l ’Qnebt | ils emploient
aufli, dans certaines préparations , le chanvre &
l ’ivraie ,. comme- je le dirai, dans un autre paragraphe.
Mais je ne dois pas non plus oublier ici:
une racine que Kolbe appelle kamia, qu’il compare
au ginfeng de la C h in e d ’après l ’opinion,
de quelques favans, & qui croît au Cap. Les bot-
tentots l ’aiment paflionnemept& la mâchent avec
délices-quand ils en peuvent avoir • car elle eft fort
rare. Son effet eft une êfpèce d’ivrefle & de gaîté ,,
qui, lorfque l ’excès en eft à un certain point, finit
par la perte abfolue de connoiflance & le plus
affreux délire. Le cîcicTia eft aufli une plante que
les bottentots mêlent au tabac qu’ils fument. Kolbe
ne nous donne aucune idée de fes. caractères bota-
- niques y mais l ’effet en eft le même que du kamia :
elle les enivre & les .rend gais , 8c. ils fini fient par
tomber dans une extrême fureur. Ainfi, cheY les
peuples les plus Amples & lés plus groflieis , l ’oubli
de foi-même eft donc Regardé comme un b.o.aheur
,& • l ’exemple humiliant de fes • femblables
n’eft nulle part pour l ’homme une leçon fuffifante
pour le maintenir dans les bornes de la tempérance
& dé la modération.
III. L’aliment que fôurniflent à l’homme les
Qnintaux, n’eft pas moins précieux que celui qu’il
tire, des végétaux. Il eft aufli nourriffant que la
plupart d’entre eux ; mais il eft fofceptible d’une
«bg-eftion plus prompte , parce qu’il offre à la
fois ,. 6c moins de iéfiftance que les farineux , &
plus dé, fobftance utile, que les herbes & lés fruits y
& la promptitude de fon application prévient les
inconvéniens de la putridité animale.
Aufli pcefque tous les hommes. ont furmonté la
Répugnance qui devoit naturellement, les éloigner
.d attenter d la vie d’animaux fofceptibles de fouf-
ïriï & de fe plaindre comme eux. Prefque tontes-
les nations de. Y.Afrique, fe nourriflent de la chair
‘dés animaux, quoique la chaleur du climat fem-
ble dçvoir le? en éloigner, ou,en. diminuer le be-
foin. Les arabes, à la vérité , en. maugent très-
peu , & ne vivent guère que de végétaux & du
lait de leurs troupeaux, principalement des chameaux
$ mais dans le centre de Y Afrique, il eft
dès, nations qui .ont porté Ta voracité jufqu’à
trouver d’horribles délices, à fe repaître des
membres de leurs femblables. Le médecin , malgré
l’horreur que de pareilles idées infpirent, doit
s’y arrêter un moment, &. s’ étonner de voir que
les hommes nourris d’un pareil aliment acquiè- ■
rent une force de corps prodigieufo ,. ainfi qu’on l ’a
vu , dans les anthropophages de Touloufo & de
Vienne,. ( Woÿe\ A nthropophages,}^
Le la i t , le fromage - & le beurre font les
premiers alimens de toutes les nations qui pof-
fèdent des troupeaux. Aufli. les arabes de Barbarie
en vivent-ils en grande partie , & les bottentots
en font aufli un grand ufagè.. Les vaches de Barbarie
ont peu de la it, & le perdent en perdant
leurs veaux ; mais le lait des chèvres & des chameaux
y fupplée d'ans ce pays, ainfi que le
lait de brebis. Dans la région du Cap qui cor-
refpond. de l’autre côté du tropique à la région de
Barbarie ,. & od les troupeaux font aufli toute la
riche fie des habi tans , le lait des , vaches eft au
contraire très-abondant. Les hommes n’en prennent
pas d’autre , & laiflent celui de brebis à leurs
femmes.
Il y auroit fans doute des remarques importantes-
à faire , mais auxquelles les bornes de ce travail & la
longueur des recherches qu’elles exigeroient, ne me
permettent pas en ce .moment de me livrer, for
la différence de la chair-des animaux de Y A fr ique
6c des nôtres. On fuivroit cette comparaifon
dans la claffe des animaux quadrupèdes qui forment
les troupeaux , & de ceux qui vivent en liberté,
& qu’on nomme gibier j dans la clafle des oifeaux
lauvages que l’homme attaque dans les champs ,
& dans celle des volailles qu’i l élève dans l ’efclavage
, pour- feïvir à fes plaifirS; car dans :1a
rpyaume . de Bénin, les nègres; ont aufli .l’art de.
les engraifler. Je me contenterai de remarquer ici
que les. vaches du Sénégal, au.rapport de M* Adanfon
, ont fur le garot une excroiflance qu’il dit être
très-délicate , & que cette excroiflance fe remarque
aufli dans piufieurs autres contrées de Y Afrique. La
nature de cette partie paroît être celluleufe &
graffe, & abfolument fetnblable à ce qui produit l ’excès
prodigieux du volume qu’on .remarque non feulement
dans la queue des moutons de Barbarie, mais en-
çore dans celle des moutons.des côtes orientales Y A -
f t iq u e , au rapport des voyageurs. Cette conformité
d’accroiffement & de fùperfluité du.tiflu cellulaire,
de l’humeur graifleufe qui s’y fépare, dans deux fortes
d’animaux très-différens, qui tous deux compofent les
troupeaux les plus importâns de piufieurs nations
Y Afrique , méritoit bien ici une attention particulière.
Les animaux fauvages -dèvrdiént, plus
que les autres, participer dès'différences que peut
odeafionner le climat ; cependant il eft difficile
d’y obferver rièn de confiant. Car ce n’eft pas en
comparant le boeuf fauvage & le grand belier
d’Afrique aux beftiaux analogues d’Europe , qu’on
pourroit faifîr cette différence j & je ne m’oc*
cupe pas ici des Variations ■' d'ans les1 formes extérieures
des animaux. M. Adanfon remarque
qu’au- Sénégal le lièvre a la chair très - délicate
& très-agréable ; mais il dit en même temps
que la perdrix n’eft pas mangeable. Les cailles &
les bécafles de Barbarie font les mêmes que les
nôtres. On fait que ces animaux, qui changent
d’habitations'félon les temps , quittent au mois-
d’oüobre les côtes méridionales de l ’Europe > on
les retrouve dans la Barbarie depuis ce mois jïiiqu’ài
celui de mai, où , portés de nouveau for les
aîles des vents , ils font poufles en - Europe par
un mécanifme qu’i l .n’eft pas à propos d’expliquer
ici. Je ne m’étendrai -pas ici fur les différentes
efpèces d’oifeaux ou de quadrupèdes qui peuvent
fervir de nourriture aux habitans de Y Afrique. \\s-
font* infinis pour le nombre & jufqu’au: lion
dont la chair, fuivant S h aw , approche de celle
du veau“, & foivant Kolbe, font un.goût de ve~
naifon affez agréable j jufqu’au tigre , dont ce dernier,,
dit que le goût eft des plus délicats, & dont
les petits font fort recherchés ;■ jufqu’au rhino>
ceros , dont Kolbe vante aufli la chair comme fort
agréable , tandis que celle de l ’éléphant, fon rival
, eft coriace. & de mauvais goût y jufqu’à- l ’hippopotame
, dont la chair eft . délicieufe & finguv-
iièrement eftimée au Cap : tout tombe fous; les
coups de l’homme , & fort à là-nourriture. Le nègre
mange les crocodiles , & fe fait un mets de°la
chair de ces forpens monftrueux, dont la gueule
engloutit de très-grands animaux.
Un aliment propre aux îles de Madagafoar & de
France , eft celui que fôurniflent les chauves-fouris;
de ce p ay s , grofles comme des ramiers j & ces