
anciens avoient expliqué la chaleur de la fièvre
l'inflammation de la plèvre ; & après avoir
déclamé contre la bile , la pituite , & la mélancolie
, dont l ’altération étoit, fuivant eux, la
caufe de ces affections, il effaya d’en expliquer
autrement le mécaniîme. Une partie enflammée
e f t , d it - il, dans le même état ou feroit un organe
fenfible , piqué au v if par un aiguillon ; c’eft
comme fi une épine aiguë bleffoit un tiffu ner-
yeux ; & tout ce qu’il ajouta , foit pour l’éthio-
logie , foit pour le traitement de l'inflammation > fut
établi fiir cette bafe.
Vanhelmont ne me paroît avoir montré nulle part
autant de génie que dans cette partie de fon ouvrage.
Je commenterai fon idée, je ferai voir combien elle
a de rapports, avec toutes les découvertes modernes ,
£c j’expliquerai , en fuivant fes principes , les divers
phénomènes de l ’inflammation, foit locale ,
foit univerfelle.
De même que celui qui 'veut connoître les maladies
fébriles , doit commencer par l’examen d’un
fimple accès de fièvre intermittente ; celui qui recherche
quelle eft la nature des maladies inflammatoires
, doit obferver ce qui fe paffe dans un
phlegmon produit par une caùfe externe.
Suppofons donc qu’un aiguillon , une épine ,
fp in a helmontii , fe foit enfoncé dans une partie
du corps humain , qu’i l y ait produit de la
douleur , &c qu’i l s’y foit enfoncé de manière
à ne pouvoir en être retiré facilement. C’eft l’hy-
pothefe de Vanhelmont , fuivie dans fes détails ,
& que ce chimifte femble n’avoir propofée que
comme une énigme à la poftérité.
Quelque temps après, la partie piquée fe gonflera
, rougira, s’échauffera ; le malade y éprouvera
de*Ta tenfion , de la douleur , de la chaleur ,
même de la pefanteur; il y reffentira desbattemens
répétés & foutenus. Cet état perfiftera pendant
quelques' jours. Enfin tous les accidens décroîtront
graduellement; la partie, fans diminuer de
volume,' perdra de fa chaleur , de fa rougeur, de
fa fenfibilité; les tégumens blanchiront; le doigt,
placé fur la tumeur, y fentira de la fluéluation;
la peau perdra peu à peu de fon épajffeur , elle
s’ouvrifa enfin, & l ’on verra fortir un amas de
matière purulente, qui entraînera avec elle Y aiguillon
ou épine. Cet expofé fimple & vrai eft
l ’image.dç ce qui fe paffe dans les inflammations
jffus ou moins étendues : réfléchiffons
fur les çirconftances d.e ces divers phénomènes, &
fai£pns-,en notre profit.
La tumeur phlegmoneufe qui çontenoit l ’épine
pu aiguillon, qu’étoit elle anatomiquement ? Un
compofé de vaiffeaux fangtfins & lymphatiques,
fle nerfs, de tiffu cellulaire , de membranes,
flont le fang a d’abord rempli toutes les cavités ;
i l a diftendu les vaiffeaux , i l a pénétré dans le
tiffu cellulaire , i l a comprimé les nerfs & diftendu
fes membranes.. Ce fluide a paffé par les divers degrés
d’une forte "de fermentation , & s’y eft changé
en pus. Une partie du tiffu muqueux ou cellulaire
s’eft fondue avec lui , & l ’épine , ébranlée , a été
dégagée de les adhérences, & pouffée au dehors
au moment où l ’abcès s'eft vide. Que l’on n’oublie
pas fur - tout que tout cet appareil a été
précédé de douleur & du déchirrement de quelques
fibriles nerveufes.
Comment expliquer ces faits ? Les uns difent
que le fang eft abondamment pourvu de principes
falins propres à irriter les cavités où il eft épaa-
ché; K ^ illis, Chirac. Les autres, que le fang
épanché & formant une obftruétion , offre un obl-
tacle aux fluides lancés par le coeur , dont la vî-
teffe augmente en paffant par les vaiffeaux collatéraux,
& en heurtant contre cet amas d’humeurs
extravafées ; Didier, Fi\es. Plufieurs , que les
molécules rouges paffent alors dans les vaiffeaux
blancs, 8c que cette erreur de lieu eft fuivie d’une
augmentation de chaleur & de volume ; Boerrhaaye»
Quelques-uns, que l ’ame , ou une puiffance aétive
qui veille à la confèrvation du corps humain, augmente
la force fiftaltique des vaiffeaux , redouble
leurs ofcillations , & lutte contre l ’ennemi qu’i l
lui importe de furmonter; Stahl & plufieurs
autres.
Mais parmi ces explications, les unes ne fàtis-
font pas à la première queftion, qui confîfte a
favoir pourquoi le fang afflue abondamment autour
de l'aiguillon ou épine. Plufieurs fuppo-
fent qu’un obftacle augmente la vîteffe du fang ,
tandis qu’il ne peut au contraire que la ralentir.
L a dernière enfin eft gratuite , & n’append rien
à celui qui l ’entend pour la première fois : celle'
qui fuit me paroît être d’accord avec les expériences
les plus pofitives fur la fenfibilite , fur 1 irritabilité
, & fur l ’enchaînement des diverfes fonc-.
tions du corps humain.
Réduifons la queftion à fès véritables élémens
I l s’agit de favoir pourquoi les artères battent dans
les tumeurs inflammatoires ; pourquoi le fang
afflue autour de Y aiguillon , & comment i l paffe
dans le tiffu cellulaire. I l s’a g it, en portant nos
vues plus loin , après nous être occupés de ce premier
problème , de rechercher comment une inflammation
locale , lorfqu’elle eft étendue & très-
vive , peut influer fur tout le fyftême des. vaifo
féaux, & exciter la fièvre. Les proposions fui-
vantes ferviront à la folution de ces divers problèmes.
Je les ai extraites d’un cours de pathologie
que j’ai rédigé dans la forme aphoriftique ,
lorfque j’ai été nommé, par la faculté de Médecine
de Paris, profeffeur de fes écoles.
I. On doit diftinguer dans le corps humain plu-*
fieurs efpèces de mouvemens que je rapporte |
trois : ,i°. le mouvement tonique, qui eft proportionné
à la vigueur , à la fanté , à 1 état des forces
motrices en général ; 2.p. le mouvement que j appelle
dèturgejcence nerveufe, & qui a lieu dans les
parties formées par un tiffu de nerfs & de vaife
féaux y tels que les corps caverneux , l ins , &
tant d’autres organes qui font dans le même cas.
3°. Le mouvement mufculaire, qui eft fournis ou
fouftrait à l ’empire de la volonté.
II. Tous ces mouvemens font provoqués & excités
caries nerfs ,dont l ’influence eft néceffaireà l’aétioi»
de toutes les parties contractiles quelconques , puisque
cette action ne peut fubfifter fa-ns leur concours ,\
& qu’en augmentant l ’aCtivité d’une portion ou de
la totalité du fyftême nerveux foit par des caufes
morales, foit par des caufes phyfiques , on voit
le mouvement de tpus ïes organes, qui en dépendent
; s’accroître en même proportion.
III. L ’influence que les nerfs-,ont fur les organes
, ne peut être due qu’à un mouvement inférieur
qui fe paffe dans les cordons nerveux ,
foit qu’ils contiennent un fluide , foit d’une autre
manière. Sans rechercher quelle eft fa nature
. il me fuffit de favoir qu’elle exifte , &
je l ’appêlle mouvement nerveux ou -action ner-
veufe.
IV. Cette aCHon- nerveufé eft de trois fortes ; ou
elle fe paffe à l’extérieur foit dans les organes-
des feus , foit dans les extrémités- des autres
nerfs de la furface , & alors- je l’appelle action
nerveufe externe. Ou elle fe fait du dedans au
dehors, foit lorfque, d’après le commandement de
la volonté ,- les mufcles fe contractent , foit lorfque
le mouvement des- organes mufculakes externes
eft augmenté par l ’influence des caufes
morales ; & alors j.è l ’appelle action nerveufe
interne. Enfin entre ces deux mouvemens, qui
font qppofés , eft le cerveau, dont une partie
réagit, foit d’un cô té , foit de l’antre & cette
dernière force-, je l’appelle réaction nerveufe. Le
premier de ces mouvemens a fon principe à l ’ex-
rërieur,- où il eft modifié par tout' ce qui environne
le corps humain. Le fecotfd eft Tagent delà
volonté où des fympathies. Le troifième eft le
centre où Tune- Sc l ’autre des avions précédentes
aboutiffent, & il-établit entre elles des.rapports
qui ne peuvent erifter fans fon entremife. C’eft
ainfi que les fondions de la peau,. des organes des
fens-, & des mufcles, font liées avec celles du
cerveau , 8c par fon moyen , avec celles- du
coeur, des vaiffeaux de divers ordres , des poumons,
de l ’eftomac , des, inteftins , & de toutes
les glandes.
V . Les artères font mufcula-ires& leurs dernières'
ramifications jouiffent fur - tout d’une
grande irritabilité , comme le prouvent la circulation
des capillaires & le battement des artério^
les dans les phlegmons. Elles reçoivent d'ailleurs
dès nerfs, 8c il; doit y avoir entre leurs
fibres irritables & leurs nerfs , les mêmes rapports
que l’on obferve par-tout ailleurs entre ces
fleux ordres de parties.
, y i . Je conclus des aphorifnjes I er >. &-| , 3e ,
4e , & , que dans le cas où une tumeur
inflammatoire eft l ’effet d’une épine ou aiguillon
placé dans fon1 centre , les nerfs , excités
(1 )■ par la préfence de cette caufe ftimu-
lant-e i ont réagi fur les fibres mufculaires des
artères;- qu’il s’en eft fuivi une augmentation de
mouvement dans leurs fibres , une circulation plus
fapide dans leurs vaiffeaux ; que les , fucs s’y font
par conféquent portés en plus grande quantité ;
qu’ils fe font épanchées dans le tiffu cellulaire
par les extrémités dilatées & forcées des artérioles
qui y verfoient la lymphe ;' que le fhng,
ainfi épanché , n’a pu revenir par les veines dans-
la même proportion où il a été pouffé, par les
-artères-, & que ces phénomènes n’offrerit rien de
plus étonnant qu’il ne v l ’eft de voir un mufcle
entrer en cohvul-fionTorfqu’on pince les nerfs dont
les branches fe diftribuent à fes faifeeaux charnus y
ou fe gonfler de" fang & fe contraéler lorfque
Vattion nerveufe interne , dirigée par la^ volonré ,
y porte une forte de J l im i i lu s , dont l ’effet
momentané répond à ceux que j’ai expofes ci-
deffus.'
VII. Si le phlegmon externe s’étend-, & que l ’in&
tenfité de l ’inflammation locale s’accroi-ffe-, alors
l ’aélfon nerveufe externe (aphorifme IV. ) devient
plus vive , & le fenforium commune , ébranlé
fortement, réagit fur les nerfs des vifeères-. Der
cette aèlion nerveufe- interne ( même aphorifme)•
réfulte une augmentation dans là contraélion du coeur
& des vaiffeaux, c’eft - à - dire, la fièvre. En même
temps les organes de la refpiration & de la>
digeftion, & l e fenforium commune lui-même T
fi la caufe ftimulante a une grande énergie, font
dans un état de gêne, & ce font toujours ,- e.tï-
fuivant ces principes , les nerfs excités , foit en;
dehors, fort en dedans , qui déterminent le s con--
tractions.-
VIII. Il faut- donc- diftinguer deux cas très-différé
ns l’un- de l ’autre. Dans le premier cas, les
nerfs de la partie fouffranîe ne font excités qu’au-
t-ant qu’il le faut pour réagir fur les- fibres con--
traôtiles des vaiffeaux auxquels ils fe diftribuent^
fans intéreffer tout le- fyftême. Dans lu fécond
l’aôtion nerveufe externe étant très-for-te , ne fo
borne pas au ' lieu aneété primitivement y elle
ébranle le fenforium' commune ;' elle fe propage
jufqu’aux nerfs du coeur & des vifeères ,
d’où naiffent l ’accélération du mouvement des fluides:
& la chaleur. Il fout donc , pour donner cette
impulfiort au fenforium commune 8c aux nerfs;
des grandes1 cavités- ,. un degré de force que’
( 1 ) Je me fers ici du mot e x c ité s , & je l’emptoie^
d’après M.- Cuilen, pour exprimer, non un état de douleur-,,
comme on pourroic le croire , mais une augmentation
d’énergie & d’aftivicé, qui rend fàftion de çes organes
plus forte & £lus étendue^