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Décembre.
des vallées, des montagnes, et plusieurs petits ruisseaux, nous passâmes
ie pont jeté sur la Fish. Cette rivière arrose des champs très-agréables;
mais quand elle déborde, cas qui paroît être assez fréquent, elle donne
naissance à des marécages ; tels sont ceux que nous vîmes dans ia vallée
Sidmoulh. On fit halte sur les bords de cette rivière, dans une case
construite en terre ; ii étoit alors trois heures après midi.
L absence momentanée de l’interprète fit naître quelques difficultés
pour communiquer avec notre guide ; ii nous parla de Bathurst, et
nous crûmes entendre que bientôt ii faudroit nous remettre en route
pour ce lieu. Cependant M. Lawson prit un manteau, et, nous laissant
là, courut aux montagnes voisines, suivi deM. Gaudichaud : empruntons
à ce dernier le récit de la mésaventure qui fut la suite de notre
séparation.
« il y avoit près de deux heures que parcourant les environs de la
case où nous avions fait halte, et nous trouvant sur un des points les
plus élevés de ce canton, j ’aperçus au loin MM. Quoy et Peiiion,
s éloignant à cheval sur la route de Bathurst. Je répondis au cri qu’ils
me firent, parce que comme eux j’avois compris que ce soir-ià même
nous devions nous rendre au terme de notre voyage. Mais quoique je
priasse M. Lawson de rétrograder, ce ne fut cependant qu’un peu tard
que nous arrivâmes au gîte ; surpris de ne point y trouver nos chevaux
préparés, j ’en fis l’observation à M. Lawson, qui me répondit froidement
qu’ils étoient à paître dans le marais , et qu’on devoit les y laisser
jusqu’au moment de notre départ, qui auroit lieu le lendemain matin.
» Assuré par-là du malentendu, je remontai en hâte sur la montagne;
mais ce fut en vain que j essayai de faire entendre ma voix à mes
compagnons abuses. Tourmenté de pius en plus par la pensée qu’ils
auroient peut-être des risques à courir dans ieur marche nocturne , je
priai M. Lawson de me faire procurer un cheval qui me mît à portée
de voler sur leurs traces, afin de les tirer d’erreur. Malgré mon impatience,
il fallut me rendre à la justesse de son objection : c’est que les
deux voyageurs seroient à Barthurst, avant qu’on eût pu, à l’heure qu’il
etoit, ramener un cheval du pâturage et ie préparer. Restoit la réflexion
consolante que, voyant que nous tardions trop à les rejoindre, MM. Quoy
LIVRE V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n in c l u s i v e m e n t . ¿ 4 5
et Peiiion prendroient le jiarti de rétrograder. Sur ces entrefaites, ceux-ci
cheminoient paisiblement par un assez beau clair de lune, sans se douter
de 1 agitation desprit à laquelle j ’étois en proie. Mais bientôt un fort
orage qui survint, ies enveloppant tout-à coup d’épaisses ténèbres, mit
un terme à cette douce quiétude : la crainte de s’égarer dans les forêts
et d’y compromettre leur v ie , les avertit qu’il étoit prudent de tourner
bride. Ce ne fut qu’avec une extrême attention qu’ils réussirent à ne
pas perdre de vue le sentier tracé; enfin ia nuit avoit rempli la moitié
de son cours, lorsqu’ils rentrèrent au gîte exténués de fatigue. »
Les débordemens de la rivière, nous dit-on, interceptent souvent les
communications entre la station de Sidmouth et Bathurst pendant des
quinzaines entières ; et i’on y a v u , par de forts orages, la terre recouverte
de douze pieds d’eau et plus.
Un oiseau qui ne se piaît que dans les prairies humides, et que nous
n avions point encore rencontré, fut ajouté à nos collections ; c’est une
espèce de pluvier armé ( i ) : déjà, dans les montagnes , nous nous étions
procuré de charmantes perruches et des cassicans, qui, les uns et les
autres, y sont en grand nombre; i’espèce la plus commune étoit la perruche
à bandeau rouge, qui, se nourrissant seulement des fruits de i’eucalyptus
, exhale de tout son corps une odeur fortement aromatique.
Le 3 décembre, septième jour après notre départ de Sydney, nous quittâmes
la station de Sidmouth, pour faire route à travers les plaines
Macquarie ; du sommet des collines que nous parcourions, la vue pouvoit
s’étendre au loin, et présentoit aux yeux la végétation la plus
brillante.
Vers midi, M. Lawson nous engagea à faire un léger détour pour
visiter une ferme qui iui appartient, et qui est située près de la rivière
Campbeii. L à , de gras pâturages, où paissent des troupeaux nombreux
de boeufs et de moutons, tapissent les bords de cette rivière, sur laquelle
se promènent des bandes de cygnes noirs. Nous reconnûmes ici,
à des indices irrécusables, que les eaux montent quelquefois de quinze
pieds au-dessus de leur niveau.
( I ) Les Angla is nomment vulgairement cet oiseau s p u r -w in g e d p lo v e r ; c’est une espèce de
ja c a n a [p a r ra , L a th am \
incursion
à Baihursr.
1819.
Décembre.