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Enfin, après une mûre délibération, après avoir pesé tout ce qu’avoit
de grave notre situation, ainsi que les probabilités de l’avenir, nous crûmes
devoir souscrire aux propositions définitives du capitaine Galvin. L ’approche
de l’hiver, qui commençoit à se faire sentir, et la situation de notre
équipage, dont une partie étoit malade, eussent dû seuls nous faire une
loi d’évacuer ces îles le plus promptement possible, et de donner ia
préférence, même à prétentions égales, au capitaine du Mercury sur le
capitaine Orne, dont le navire, encore fort éloigné de nous et désarmé,
eût exigé, avant d’être prêt à partir, un temps beaucoup plus long. Voici
au reste quelles furent les conditions que nous fûmes forcés d’accepter.
1° Le capitaine Galvin devoit nous conduire à Rio de Janeiro, nous,
notre équipage, les papiers, collections et instrumens de l’expédition,
et tout ce qu’on pourroit embarquer des objets sauvés de l’Uranie.
2 “ Nous devions nous nottrrir, pendant le trajet, avec ies vivres mis
en réserve par nous pour cet objet.
3° Arrivés à notre destination j’étois tenu de payer au capitaine Galvin
, et à titre de fret, ia somme nette de 1 8 000 piastres [9 7 740*^]-
4“ Ce payement devoit être efi'ectué, par les mains du consul général
de France, dans les huit à dix jours qui suivroient l’époque de notre arrivée
dans la capitale du Brésil.
5° Cependant, si ie défaut de vivres ou une avarie majeure occasionnée
par quelque accident de mer nous empêchoit d’atteindre ce point
de relâche, il étoit convenu que nous nous dirigerions sur Buenos-Ayres,
et qu’alors il n’eût plus été dû an capitaine Galvin que la somme nette de
10 000 piastres [ j4 300*"]. et que cette somme iui seroit payée sur les
fonds qu’on obtiendroit de la négociation des traites tirées sur le trésorier
général de la marine à Paris.
Ces conventions, rédigées en double expédition, dans les langues française
et anglaise , furent signées, le 15 avril, par le capitaine Galvin, le
lieutenant en pied de l’Uranie, le commissaire aux revues, et par moi.
Aussitôt que ce point important eut été définitivement réglé, je fis
transporter sur le Mercury ceux de nos objets d’armement qui me parurent
pouvoir être reçus à bord de ce bâtiment ; nos collections d’histoire
naturelle y furent aussi portées, ainsi que tous nos journaux et
instrumens scientifiques. Enfin j’ordonnai qu’on envoyât à bord une
garde suffisante de nos hommes, tant pour prendre part à l’arrimage
des caisses et autres objets expédiés par nous, que pour en surveiller la
conservation. On fit également à l’installation du navire les modifications
et additions nécessaires pour le logement de chacun de nous.
L’embarquement de tant d’objets exigea préalablement que le capitaine
Galvin débarrassât son navire de ia plus grande partie des canons
dont se composoit son chargement, ce qu’il fit en les jetant à ia mer.
Le \6 avril nous rédigeâmes un procès-verbal pour montrer la nécessité
où nous nous étions trouvés de passer un contrat de nolisement aussi onéreux
avec le capitaine du Mercury, et il fut signé par le commis aux revues,
par les officiers de l’état-major de l’Uranie, et par moi.
Le 17 , tout étant prêt pour nous recevoir, nous ailâmes coucher sur
notre nouveau navire, et faire les dernières dispositions pournotre départ.
Dans fa matinée, et avant de quitter ies Malouines, M. Gaudichaud
exécuta un projet qu’il avoit formé dans un temps pius heureux,
avant notre naufrage, c’étoit d’enrichir cette misérable terre de plusieurs
sortes de plantes qui iui parurent de nature à intéresser les voyageurs. Le
iieu qui lui sembla le plus propre pour fes semer fut précisément celui où
notre camp avoit été établi. Là, en effet, divers carrés avoient été creusés,
dans ie sable et le gazon , pour l’installation de nos tentes ; la terre y étoit
privée de tourbe et d’herbes indigènes, qui eussent pu nuire au développement
de ces plantes exotiques; et les espèces de murailles dont ces fossés
étoient entourés paroissoient propres à ies préserver contre ies brises violentes
et froides qui soufflent fréquemment pendant l’hiver de ces régions.
Enfin cette triste solitude de la baie Française qui nous avoit paru si
cruelle et si désespérante n’existoit plus pour nous ; le moment des rudes
épreuves étoit passé, et depuis que notre retour dans un pays civilisé paroissoit
assuré, les navires affluoient de toute part autour de nous. Le Sir
Andrews Hammond, revenant de la pêche de la baleine, vint mouiller en
rade, chargé d’huile et de blanc de cachalot. Son capitaine, M. Henrv
Haies, étoit fort satisfait d’avoir complété sa cargaison en moins de 2 ans,
c’est-à-dire dans ies deux tiers du temps qui est ordinairement employé
à ce genre de pêche.
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