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Les précieux béliers mérinos de la Nouvelle-Hoilande, que M. Mac-
Arthur nous avoit si généreusement donnés, furent mis à terre avec
quelques autres bestiaux qui nous restoient encore; et, ce qui est assez
remarquable, ils furent l’objet de soins assidus pendant toute la durée de
notre séjour aux Malouines, et alors même que nous nous trouvions réduits
à la plus grande misère par ia pénurie des vivres.
L ’habileté et l’expérience de mon premier lieutenant, M. Lamarche,
rendant sa présence à bord indispensable, je chargeai M. Duperrey de
fétablissement à terre de notre camp. D’abord des tentes particulières
furent dressées pour le petit nombre de nos malades, puis pour l’équipage,
la maistrance, les élèves de la marine et ies officiers; on m’en
réserva aussi une particulière, et c’est là que frirent réunis tous nos papiers
ainsi que les instrumens d’astronomie et de physique, etc. Celle qui devoit
renfermer nos poudres fut placée dans un quartier séparé; on en éleva également
deux pour recevoir ies liqueurs fortes et les vivres de campagne
que nous avions sauvés du naufrage; sous celles-ci furent mis un bon
nombre de barils de salaison, toutes nos conserves d’Appert, et, en sus
du biscuit sec, une assez grande partie de celui qui avoit été mouillé,
ainsi que nos légumes de campagne, qu’on avoit fait sécher à l’abri, sur
des voiles. En un mot, nous plaçâmes en sûreté, de la sorte, la quantité
de vivres et de boissons spiritueuses nécessaires à la nourriture de notre
équipage pendant un mois.
J ’ordonnai qu’on ne touchât en aucune manière à ces provisions qu’ii
étoit si essentiel de garder religieusement pour l’époque où il nous faudroit
quitter les Malouines. Des sentinelles furent donc placées près de
ces tentes, afin d’empêcher que personne n’en approchât, et je défendis
qu’il en fût rien distrait sans un ordre spécial de ma part. Je dois
citer, à ce sujet, comme un exemple très-remarquable d’exacte discipline,
que pendant trois mois nous fûmes soumis au régime de i’eau
pure pour toute boisson, et que cependant pas un seul larcin de liqueur
forte n’eut lieu, quoique nos provisions ne fussent habituellement
défendues que par une simple toile et surveillées que par un seul
de nos soldats.
Je crus devoir établir en principe que la chasse et la pêche fourniroient
LIVRE VI. — De P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . > 2 3 9
exclusivement à notre subsistance; j’avois l’espérance que nous pourrions
subsister ainsi sans toucher à nos provisions de réserve, et en cela mes
calculs ne furent point trompés, bien que ia pêche ne nous ait jamais
produit que fort peu de chose.
Le 16 , à la pointe du jour, nos grands travaux commencèrent. Mon
intention, comme je l’ai déjà dit, étoit d’incliner la corvette sur son côté
de bâbord pour éventer, s’il étoit possible, sa voie d’eau, et mettre nos
ouvriers en état de réparer son avarie, ce à quoi nous espérions parvenir.
On allégea en conséquence ie navire de tous les lourds fardeaux qu’il
fût possible de débarquer; malheureusement nos caisses à eau en fer ne
purent être de ce nombre; et c’est peut-être le seul inconvénient grave,
à reprocher à cette ingénieuse espèce de futaille.
Tous les soirs ia presque totalité de l’équipage alloit coucher à terre,
et revenoit à bord le matin à l’heure de la reprise des travaux. Je ue gardois
habituellement avec moi que les officiers et les élèves de service,
ainsi que ies hommes nécessaires à l’armement des deux embarcations qui,
la nuit surtout, stationnoient habituellement ie long du vaisseau, pour
nous recevoir en cas d’accident; car la houle du large étoit parfois assez
forte pour nous donner de l’inquiétude, en raison des chocs horribles du
navire sur le sol.
J ’ai donné dans la partie Nautique de notre voyage ie détail circonstancié
de nos manoeuvres et des opérations que nous avons faites dans
l’espoir de réparer ies avaries de l’Uranie. Ne voulant point revenir ici
sur une matière, assez peu intéressante pour ie lecteur non marin, je
n’en dirai que ce qui est indispensable pour faire connoître ia nature
de nos occupations pendant notre séjour aux Malouines.
«.Maintenir le joug de la discipline sans l’appesantir, l’adoucir même
» parson uniformité, et le rendreiéger en le faisant porter àtouségaiement;
» recourir rarement à la peine, se contenter le plus souvent du repentir,
» et ne perdre, ni l’autorité par trop d’indulgence, ni l’affection par un
» excès de sévérité: telle devroit être, selon d’Aguesseau (i) , la noble
’• fonction des arbitres et des vengeurs de la discipline. » Telle aussi devoit
(i) Mercuriale prononcée à P âq u e s, en 1 7 1 5 .
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