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1406 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Distilla tion et qu’au contraire elle est parfaitement salubre. Or on ne sauroit explii’eau
de mer. quer l’erreur commise et propagée par M. Sage, qu’en admettant qu’il
ait introduit par mégarde dans son alambic, et faute d’un tamisage préalable,
certains animaux marins, tels que des méduses, par exemple, dont
le suc acre et corrosif est bien connu des navigateurs, mais n’appartient
pas à la nature intime de l’eau marine.
S- III.
D'istlllation de Teau de mer sur l’Uranie.
Un fait assez remarquable, et déjà rapporté dans une autre partie
de cette histoire, c’est que nous arrivâmes à la Nouvelle-Hoilande sur
un point entièrement privé d’eau douce, sans avoir seulement celle qui
étoit nécessaire à un seul déjeuner de l’équipage. Cependant personne
à bord ne témoignoit de i’inquiétude, tant la confiance étoit grande dans
cette nouvelle manière de faire aiguade.
Nous commençâmes la distillation le soir, dès que nous fûmes à
l’ancre, et on la continua la nuit suivante pour fournir à nos besoins les
plus pressans; mais plus tard je ne voulus pas que le fourneau restât allumé
après ie coucher du soleil, tant je désirois exercer une surveillance exacte
et nécessaire sur les détails de cette manipulation, si importante pour
nous. Le matelot qui prenoit soin du feu manquoit surtout d’expérience,
et ne savoit pas l’attiser d’une manière assez active pour faire rendre à l’appareil
son maximum de produit. Aussi n’obtînmes-nous par heure qu’environ
27 litres au lieu des 3 8 que nous eussions eus si l’on eût réellement
brûlé 7 litres de charbon de terre dans cette unité de temps, ainsi que
nous l’avons montré plus haut, page 13 9 2 . Notre récolte ne fut donc que
de 3 tierçons (t) dans l’espace de 12 heures, ce qui équivaut par jour à
3 barriques, ou à la ration entière de 120 hommes d’équipage pendant
3 jours, à la ration ordinaire de 2 pintes par individu. Nous possédions
2 alambics : pendant que i’un distilloit à bord, je fis établir le second
(i) II faut se rappeler qu’une barrique = 2 tierçons = : 1 2 barils de galère = 2 4 0 pintes
de Paris ==: 2 1 3 ''/ 1 .
à terre, dans l’intention d’augmenter par là nos produits; car je désirois
ne pas reprendre la mer avant d’avoir mis dans la cale la quantité d’eau
douce nécessaire à notre prochaine traversée : nous parvînmes à ce
résuitat.
Toutefois un accident fort grave vint nous contrarier vivement.
Les briques dont notre fourneau étoit construit, n’étant pas assez réfrac-
taires, se vitrifièrent et se fondirent en cet état, à notre grand désappointement.
II fallut donc arrêter le feu, et nous contenter de (a distillation faite
à terre, bien moins productive que l’autre en raison de la mauvaise installation
de la chaudière et de l’impossibilité où nous étions de faire mieux.
Quoi qu’il en soit, notre équipage, composé de 120 hommes, ne but,
pendant un mois, que de cette eau distiilée; mais cinq personnes en
firent usage à ma table, pendant trois mois, non-seulement avec plaisir,
mais sans qu’aucune d’eiies se trouvât le moins du monde incommodé
de son usage.
Ces faits corroborent autant qu’il est possible les conséquences déduites
des expériences, sur l’innocuité de l’eau de mer distillée, faites dans
les principaux ports militaires de France.
Nos chaudières ont chauffé trop peu de temps pour que nous ayons
pu apercevoir sur ieurs parois intérieures aucun encroûtement résultant
des dépôts salins de l’eau marine; il est probable que nous eussions eu à
nous en plaindre plus tard et qu’il eût fallu employer la percussion pour
nous en débarrasser, mais on connoît aujourd’hui ie procédé simple et
ingénieux de M. Chaix, de l’Ile-de-France, pour prévenir et pour détruire
cette espèce d’incrustation. II suffit en effet de mêler à l’eau que l’on place
dans la chaudière une petite quantité d’argile en poudre, qu’il est toujours
facile de conserver à bord et de remplacer dans une multitude de localités.
A l’accident près de la fusion des briques de notre fourneau, dont je
viens de rendre compte, et qu’ii sera facile de prévenir et d’éviter, l’action
de notre alambic à bord ne nous a offert aucune difficulté. Nous n’avons
pas eu occasion d’en faire usage ailleurs qu’à ia Baie des Chiens-Marins.
Il ne nous reste donc plus à parler en détail que de notre appareil, et de
la manière dont il étoit installé sur le vaisseau : ce sera le sujet des deu.x
paragraphes suivans.
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