
29.
parables, et que désormais toute espèce de tentative à cet égard seroit
sans résultat comme sans but.
Our own scant number acted all the few
Against the many oft w ill dare and do [\].
Dès ce moment il nous fallut changer de système pour nous tirer de
la fâcheuse situation dans laquelle nous nous trouvions réduits. L ’idée la
plus naturelle qui pouvoit venir dans l’esprit étoit d’exhausser et de pouter
notre chaloupe, et de l’envoyer ensuite à Montevideo avec un petit
nombre de marins choisis et déterminés, pour y fréter un navire capable
de recevoir et de transporter le personnel et le matériel de l’expédition :
ce fut celle à laquelle je m’arrêtai.
On se hâta donc de haler à terre et de mettre immédiatement cette
embarcation sur le chantier, et nos ouvriers s’occupèrent sans délai des
réparations et des augmentations convenables à la nouvelle destination
qu’elle venoit de recevoir. Nos mâts de hune de rechange et d’autres
pièces de bois, que j’avois fait descendre à terre, furent exploités pour
nous fournir les matériaux qui nous étoient nécessaires.
Dès ce moment le camp de l'Uranie offrit une activité remarquable
et dicfoe d’intérêt. On se rappelle qu’à mon départ de Toulon, regardant
déjà comme possible l’événement qui venoit de nous arriver, j’avois embarqué
au nombre de mes matelots une quantité assez considérable d’ouvriers
de divers genres (2). Cette prévoyance nous fut en ce moment très-
utile; nos forgerons, voiliers, cordiers, scieurs de long, etc., disposèrent
ieurs ateliers, et chacun s’occupa avec activité de la tâche qui lui étoit
dévolue ; d’autres matelots préparoient ie gréement de la petite barque
àlaquelle, d’un commun accord,nousdonnâmeslenomde l'Espérance.
Je ne doutai point que l’honneur de partir dans ce foible esquif ue
fût envié par 'beaucoup de personnes. M. Duperrey fut le premier qui
le sollicita, et M. le docteur Quoy le second; dévouement d’autant plus
méritoire chez cet habile médecin, que les grands mouvemens du vais-
quand la mer est tempétueuse, seau , l’incommodent souvent.
(1) N ous fîmes tout ce qu’ une poignée d’hommes peut faire et oser contre une force irrésistible.
(L o rd B y ro n , the Island.)
(2) K e y c j tome I , page 5.
LIVRE VI. — De P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1 2 4 7
D ’abord j’avois résolu de me rendre en personne à la côte d’Amérique
pour y chercher du secours ; mais sur les représentations qui me furent
faites, qtie si je quittois ie camp une révolte de l’équipage étoit imminente,
je me décidai à rester, pour veiller de pius près au maintien de
l’ordre, et à la conservation des travaux de l’expédition.
Je donnai en conséqtience le commandement de l'Espérance à M. Duperrey,
auquel j ’adjoignis, pour ia manoeuvre, trois de nos matelots
ies plus vaillans et les plus capables, et je m’occupai à lui préparer ies
instructions nécessaires, tant pour le diriger dans ses relations avec les
autorités de Rio de la Plata, que pour le guider dans sa navigation.
Des broussailles indiscrètement allumées par un de nos chasseurs,
sur le penchant d’une montagne à l’E. S. E. de notre camp, occasionnèrent
un incendie qui, se communiquant de proche en proche,
faillit nous devenir funeste. Heureusement les vents changèrent de direction,
et, s’étant fixés à l’Ouest, ils éloignèrent le danger, dont toutefois
nous continuâmes d’être menacés pendant douze jours; cet incendie
ne fut définitivement éteint que par une forte pluie.
Depuis quelque temps nous ne mangions plus qu’avec un grand dégoût
de la viande de phoque; les manchots ne nous offroient pas un mets
plus agréable; et ies oiseaux de marais, d’une saveur plus délicate, étoient
devenus fort craintifs, et par conséquent fort difficiles à tuer. Ces circonstances
me firent apporter quelques modifications à nos moyens d’approvisionnement.
Très-heureusement le gibier ne nous avoit pas manqué
jusqu’alors, mais il étoit à craindre qu’à la fin il ne s’effrayât tellement à
notre approche, qne nous ne pussions plus compter sur le produit de nos
chasses. Or il étoit si important d’assurer notre subsistance, que je donnai
tous mes soins à faire découvrir le gîte habituel des chevaux et des
boeufs que nous savions exister sur l’île même où nous étions. Enfin on
parvint à le trouver. Nos chasseurs, en m’annonçant cette bonne nouvelle,
me dirent avoir rencontré, à trois lieues environ de notre camp,
des troupes de 15 0 à 200 chevaux, d’une belle race andalouse, qui, vivant
là en toute liberté, et au centre des gras pâturages dont cette partie
du sol est couverte , offroient le spectacle le plus curieux et le plus
magnifique.
T t t t t t t *
4 mars.