
S é jou r
à M ow i.
1 819.
Août.
moi-même toute l’indignation que j’éprouvois, et je me résignai à faire
de nouvelles tentatives pour en finir avec cet homme à quelque prix que
ce fût.
En conséquence, je fis armer la chaloupe et les deux grands canots,
et descendis le lendemain de bonne heure à terre, tant pour faire revenir
à bord les instrumens de l’observatoire que pour être en mesure
d’embarquer promptement les denrées dont nous pourrions traiter.
Kiaïmoukou s’étoit bien aperçu que sa conduite m’avoit mécontenté;
aussi lorsqu’il vit les trois embarcations se diriger vers le rivage, il
s’imagina sans doute que je voulois ie contraindre par ia force à souscrire
aux conditions qu’il me plairoit d’indiquer; car lui qui toujours
étoit venu me recevoir à mon débarquement, non-seulement ny parut
pas cette fois , mais encore abandonna sa maison, suivi de ses chefs
subalternes ; un seul d’entre eux eut ordre de me dire que le prince étoit
au bain ; ce qui, à cette heure-là, n’étoit point présumable. Quoi qu’ii
en fût, son absence se prolongea jusqu’à ce que la chaloupe chargée de
nos tentes, de notre bagage et de nos instrumens, eut quitté l’île pour
retourner à bord.
A son retour , je lui rappelai les promesses du roi à mon égard , et
déclarai d’un ton très-ferme que, s’il ne remplissoit pas les conditions
qui avoient été réglées en sa présence à Kohaïliaï, je n’acheterois absolument
rien de lui, je remettrois à l’instant sous voiles, et trouverois
bien moyen de faire connoître au roi de quelle manière ses ordres avoient
été méprisés.
Avant de consentir à renouer aucune affaire, j’exigeai qu’il fût établi
pour première clause qu’on me livreroit les dix cochons dont j’avois été
injustement frustré, et qu’il ne me seroit im])osé aucune restriction dans
ie choix de cet»? de ces animaux dont il me plairoit ensuite de faire
i’achat. D’abord Kiaïmoukou ne répondit rien ; ii alla conférer avec ses
officiers, puis me fit dire qu’à la vérité ie roi m’avoit bien promis vingt
cochons , mais qu’il avoit pensé que dix seulement devoient m’être
remis ici, et que je prendrois les dix autres à Wahou; que cependant il
consentoit à me les donner tous immédiatement. Pour le surplus nous
entrâmes en accommodement : ies cochons gras furent taxés à raison de
LIVRE IV. — D e G ® am a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 545
huit piastres , et il y eut aussi de grandes diminutions sur les autres objets.
La nuit étant venue nous surprendre au milieu de ces arrangemens, je vis
avec regret qu’il faudroit encore y consacrer la journée du lendemain.
Le 2 4 , tout se termina enfin avec plus de facilité que je ne m’y atten-
dois. J ’étois prêt à retourner à bord, lorsque Kiaïmoukou me demanda
à venir dîner une dernière fois avec moi : ii me fit cadeau, avant de
partir, de cinq cochons magnifiques, et d’une assez grande quantité de
végétaux; attention à laquelle je répondis de manière à ne pas demeurer
vaincu en générosité.
Pendant toutes nos contestations, il me fut facile de voir que Kiaïmoukou
étoit circonvenu par un homme de très-mauvaise mine, que j’ai su
depuis être un convict échappé de Port-Jackson. Ce misérable avoit capté
la confiance du prince, et le poussoit, j’en suis convaincu, à agir aussi
peu loyalement avec nous. L’idée que nous en passerions par ce qu’ii
voudroit, avoit pu sourire à ce dernier, et aiguillonner passagèrement sa
cupidité; mais je crois que, livré à lui-même et aux impulsions de son
coeur, il se fût comporté avec toute la noblesse et la droiture qui
m’avoient jusqu’alors paru faire l’essence de son caractère.
II étoit pour nous d’une trop grande importance d’arriver promptement
à l’île Wahou, sur laquelle, au dire du capitaine Meek, nous devions
trouver à nous ravitailler de biscuit et de riz , pour que je ne me
hâtasse pas de m’y rendre. En conséquence, ie 25 , ia brise s’étant élevée
de bonne heure, j’en profitai pour faire route sous toutes voiles vers cette
destination, et laissai enfin tomber l’ancre devant le port d’Onorourou
le 26 dans la matinée.
Mouillage à Onorourou. — Selon l’usage, quantité de pirogues arrivèrent
le long du vaisseau, et furent soumises à la discipline que j ’avois
déjà établie.
Descendu à terre, je fus reçu par MM. William-Henry Davis, Francisco
de Paula Marin, et Boki, chef supérieur de l’île. Ce dernier me
tendit la main en me disant aro/ia, et me fit prévenir qu’il desiroit saluer
le pavillon français le premier; mais sur ia réponse que j’avois laissé des
ordres à bord pour que mon salut eût lieu immédiatement, ii m’assura
être préparé à me ie rendre coup pour coup , ce qui eut lieu en effet.
Séjour
à M ow i,
1 8 19 .
A oût.
S é jo u r
Wahou.