
D e l’homme
en société.
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redoutée des Owhyhiens; les tremblemens de terre, les flots de lave, les
pluies de cendres et de pierres, étoient la marque de son courroux, qu’on
s’empressoit d’apaiser par des offrandes ou des sacrifices.
Il y avoit aussi des divinités maritimes en grand nombre; le requin,
le dieu des vents , ceux du beau temps , de la pluie et des orages, étoient
adorés, et on leur adressoit des prières pendant la tempête.
Au nombre des rois et des héros déifiés, la tradition place des géans
d’une grandeur prodigieuse, qui, pour la plupart, sont considérés comme
des divinités tutélaires. Miri, l’un de ces rois, a plus particulièrement les
morts dans ses attributions. M. Guérin a vu, chez de pauvres gens , des
idoles de dix-huit pouces de long tout au plus , soigneusement enveloppées
dans un morceau d’étoffe , et paroissant être des dieux pénates.
Il en est qui adorent des poules, des lézards, des kankerlas , des
chouettes , des rats , &c.
Les ames des défunts qui n’ont aucun droit à l’apothéose, sont censées
voltiger près du lieu de leur première demeure. Jusqu’à l’instant où elles
deviendront la nourriture des dieux. 11 n’est pas sûr qu’on reconnoisse
i’immortalité de i’ame des gens de la dernière classe du peuple ; mais
c’est un préjugé bien établi que les morts apparoissent aux vivans, et
communiquent avec eux en songe.
Des prières sont adressées aux dieux par les prêtres des idoles : ce
sont eux qui étouffent ou assomment les victimes destinées aux sacrifices.
Les offrandes consistent en porcs, volailles, fruits ou nattes ; en poissons
pour les dieux marins, en victimes humaines (i) pour ceux de la guerre,
pour la déesse des volcans et ies requins. S’agit-ii d’une entreprise im-
( i ) B ryan t [My thology exp la in ed , t. I I ) montre que c’ est une opinion uniforme et qui
a prévalu de toute p a r t , que la rémission ne pouvoit s ’ obtenir que p a r le san g , et que quelqu’un
de voit mourir pour le bonheur d’un autre.
« T o u t Gaulois attaqué d’ une maladie grave ou soumis au danger de la guerre, dit J . '' de
..M a is t r e dans ses Éclaircissemens sur les sacrifices, immoloit des hommes ou promettoit
. .d ’en im m o le r, ne croyant pas que les dieux pussent être apaisés ni que la v ie d’un homme
..p û t être rachetée autrement que par celle d’un autre. Ce s sa c rifice s, exécutés par la main
u des d ru id e s , s’étoient tournés en institution publique et lé g a le ; et lorsque les coupables
..m an q u o ien t, on en venoit au supplice des innocens. » U n usage analogue étoit établi aux
S a n d w ic h : les personnes qui avoient rompu le ta b o u , et les prisonniers de gu e r re , étoient
désignés comme les premières victimes ; après quoi on amenoit des victimes innocentes.
LIVRE Ili. — D e G f f lA M a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 595
portante, l’aruspice examine les entrailles des victimes, la direction des lie s
nuages, et d’autres signes célestes, pour connoître la volonté des dieux ; Ue
ensuite, se plaçant dans l’intérieur de i’espèce d’obéiisque qu’on voit figuré
sur notre planche 87 , 1 ! annonce au roi ou au chef qui le consulte, si les
présages sont favorables ou défavorables à ses projets.
Parmi ies prêtres, la classe distincte des sorciers est réputée avoir, par
ses enchantemens, la faculté de faire mourir ou de rendre malade toute
personne dont ils veulent se venger; heureusement le charme peut être
combattu ou même rejeté sur son auteur par un magicien plus habile
ou jiar des formules plus efficaces. On peut dire que ces pratiques ténébreuses
sont, dans ies idées superstitieuses des Sandwichiens , ce qu’il
y a de plus invétéré.
Dans chaque mois lunaire, iis célèbrent quatre fêtes : celle de la
nouvelle lune dure trois nuits et deux jours, et les trois autres deux
nuits et un jour. Les hommes qui assistent à ces cérémonies ne peuvent,
sous peine de la v ie , parier à aucune femme ; ii est également interdit
à qui que ce soit de naviguer, de pêcher du poisson pour sa nourriture,
de fabriquer des étoffes, ni de se livrer à aucun jeu pendant la célébration
de ces fêtes.
Un insulaire adorateur des requins, croyant qu’il est possible à l’ame
humaine de se loger dans le corps de ces animaux, expose son enfant
mort-né sur une natte, met à côté deux racines de taro, une d’ava et
un morceau de canne à sucre, récite des prières, puis jette le tout à la
mer : ii se persuade qu’en vertu de cette offrande, la transmigration de
l’ame de l’enfant dans ie corps d’un requin s’opérera, et que dès-lors ce
monstre redoutable sera disposé à épargner ies membres de la famille
qui pourroient être plus tard en butte à ses attaques.
Dans les temples dédiés à ces voraces lamies, il y a des prêtres qui ,
au point du jour et à son déclin, adressent des prières à l’idoie qui en
retrace l’image : iis se frottent assidûment avec de l’eau et du sel, qui,
en séchant sur leur peau , la fait paroître couverte d’écailles ; ils se
couvrent d’étoffes rouges, poussent des cris perçans , sautent par-dessus
l’enceinte du temple, et font croire aux insulaires qu’ils connoissent l’instant
où les enfans qu’ils ont jetés à l’eau sont devenus requins ; révéla-
S an dw ich.
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