
Moyens
coercitifi, etc.
I l 4 6 VO YAGE AUTOUR DU MONDE,
oblige encore à venir aux mêmes exercices, et à assister en outre à un sermon
qui se prêche en plein air et dans la cour de leur caserne, chaque
dimanche matin à huit heures. Le mercredi soir on iit bien encore des
prières et un sermon dans une des salles basses du même édifice, mais y
vient qui veut.
§. V I.
Considérations sur les bagnes et sur le système pénitentiaire suivi en France.
Les réflexions que je me propose de présenter actuellement sur nos
bagnes n’étant qu’une sorte de digression à ce qui fait l’objet principal de
ce chapitre, je ne saurois leur donner tout le développement dont elies
sont susceptibles. Je n’ai pas cru cependant pouvoir me dispenser d’aborder
en passant une question aussi importante, à laquelle se rattachent d’immenses
intérêts. Mais ia matière est si vaste, si diflrcile; elle exige des
recherches si profondes, des ménagemens si délicats, une connoissance
si parfaite du coeur humain, que je me vois conduit à désirer qu’une personne
plus habile veuille bien en faire prochainement le sujet particulier
de ses études, et remplisse enfin la tâche honorable que, sous tous
les rapports, je ne pouvois qu’ébaucher ici.
A). Système actuellement suivi.
Depuis la suppression de la chiourme de Lorient, il n’existe plus en
Lrance que trois bagnes : ceux de Brest, de Toulon et de Rochefort; c’est
ià que se trouvent entassés indistinctement les hommes qui, n’ayant point
été jugés passibles de ia peine de mort, sont cependant considérés par ia
loi comme coupables des plus grands crimes.
A ce nom seui de bagne on éprouve une sorte d’effroi Involontaire; et
il faut avouer que le caractère des détenus, les turpitudes et les abominations
dont iis se rendent journellement coupables, sont bien faits pour
inspirer l’épouvante et l’indignation.
'Mais cette immoralité, qui nous repousse, n’infecte pas seulement les
L IV R E V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n in c lu s i v em e n t , i i 4 y
malheureux renfermés dans ces antres de corruption ; elie se communique Colonie
au dehors, et tend sans cesse à pervertir le monde. Dans les bagnes le Port-Jackson.
talent de mal faire est devenu un art odieux, qui a ses préceptes, ses pro- Considérations
fesseurs et ses adeptes ; c’est là enfin où sont élaborés les principes funestes
qui doivent bientôt se répandre, comme un poison mortel, dans cette
même société à la conservation de laquelle les législateurs ont dû travailler.
On a comparé les bagnes à des pompes qui, aspirant d’un -côté tout ce qu’un
état a d’impur, le lui revomissent de ¡’autre avec un degré de corruption encore
plus grand.
Cette expression, d’une affreuse énergie, est due à un auteur anonyme
qui, vivant Iui-même comme criminel parmi les criminels, a cru devoir cependant
attirer l’attention publique sur les abus qui régnent dans ces repaires
hideux. C ’est de la même source (i) qu’ont été tirés les détails suivans :
«Tous les législateurs, dit-ii, ont écrit d’après l’inspiration de leur
génie; moi, j’écris sous la dictée des faits; mes argumens ne sont pas le
résultat de mes spéculations; ils existent matériellement sous mes yeux,
et il ne me faut que le médiocre talent de raconter avec fidélité les faits
dont ils découlent.
»Tout, dans nos lois pénales, tend à la punition et rien à la correction.
Il sembleroit que la société n’a d’autre intérêt que de frapper ceux
qui l’offensent, et que, iorsqu’ayant trouvé un coupable elle l’a puni,
tout est fini, et pour elie et pour lui. Quand le délit emporte peine capitale,
la mort du criminel terminant tout, la société a obtenu le seul
avantage qu’elle dût attendre du sacrifice d’un de ses membres : l’impression
pour les autres d’un exemple redoutable, et ia terreur salutaire
d’un pareil sort.
» Mais lorsque le coupable n’a mérité qu’une détention de quelques
années, et qu’ensuite il doit rentrer dans la société, l’effet morai du châtiment
se partage entre elle et iui.
» Oh ! combien de vérités terribles sont enfouies dans ces affreuses
demeures que l’on nomme les hagnesl C ’est là que l’on voit l’homme
liyré à lui-même, dépouillé de l’enveloppe sociale, dégagé des conve-
(i) "Voyez Considérations sur tes bagnes. V a th ,
ies bagnes, etc.
T ableau
de l’intérieur
d’un bagne.