
Sé jou r
Wallon.
1819.
Août.
des capitaines Davis et Wildes, et de M. Prince, subrécargue du navire
¡’Enterprise. Notre aumônier procéda au baptême de Boki, qui, dans la
réalité, ne me parut desirer ce sacrement que parce que son frère i’avoit
reçu. Boki n’avoit pas, à beaucoup près, l’air aussi intelligent que
Kraïmokou et que les autres Sandwichiens que j’avois fréquentés jusqu’à
ce jour; mais peut-être falloit-il attribuer à son état maladif l’espèce
d’apathie où il étoit plongé.
Trois navires anglo-américains se trouvoient alors dans le port, sans
compter le bâtiment du capitaine Mæk, qui devoit y revenir bientôt:
l’un étoit IEnterprise , de New-York , trois-mâts que nous trouvâmes
viré en quille; ie second, le Parangon, d’environ 500 tonneaux; le
troisième, un très-beau brig, nommé Je Kne'o, de Boston, bâtiment
tout neuf, construit à la demande de Taméhaméha, et qui devoit être
payé moyennant i 6 5 tonneaux [ 3 00 0 pikols environ] de bois de sandal.
Son capitaine, M. William Bacock, avoit ordre de ne le livrer à Riorio,
que lorsque les engagemens contractés par son père auroient été remplis.
Les deux autres vaisseaux stationnés à Onorourou étoient de vieux
brigs appartenant au roi des Sandwich; l’un, le Forestier, paroissoit être
entièrement hors de service ; l’autre servoit aiors de ponton de carène.
M. Home étoit un des Anglo-Américains qui habitoient l’île Wahou
depuis le plus long temps. J ’eus occasion de le voir chez le capitaine
Davis, et ensuite dans sa maison même. Cet homme, déjà âgé, s’étant
marié dans le pays, y étoit devenu père d’une assez nombreuse famille.
Le plus jeune de ses enfans, petite fille de cinq à six ans, se faisoit remarquer
par son intéressante figure, ses manières douces et gracieuses, son
intelligence précoce et sa vivacité.
Le 29, le capitaine Wildes ayant réuni sur son bord une partie de l’état-
majorde ¡’Uranie et ceux de ses compatriotes qui résidoient à Onorourou,
nous donna le spectacle d’une danse fort gaie des îles Marquises, exécutée
par un des aborigènes de ces îles embarqué avec lui. Affublé du costume
convenable à son rôle, c’est-à-dire, d’un diadème de nacre de perle et
d’écaille artisternent travaillé, d’une ceinture fort ample et d’une paire
de manchettes et de jambières, le tout en cheveux humains, enfin d’un
hausse-col de bois recouvert d’une multitude de petites graines d’un
LIVRE IV. — D e G ® a m a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . j 4 9
rouge très-vif, le danseur se mit à sautiller, en tenant d’abord ses jambes
dans un écartement fixe; puis en les rapprochant en des sens divers l’une
contre l’autre, et accompagnant ses cabrioles de mouvemens des bras,
de la tête et du corps, qui, quoique bizarres, n’avoient rien que
d’agréable.
Cette journée avoit été fixée pour l’embarquement de notre bois
à brûler : Boki l’avoit fait déposer au fort qui défend la ville; mais on
refusa de nous le livrer, parce que ce chef ne vint point en donner
l’ordre lui-même. Or c’étoit ce jour-là grande fête à Onorourou; Boki
y présidoit; et malgré nos instances, II ne fut pas possible de i’en retirer
un seul moment. II ne s’agissoit de rien moins que d’une partie
de ma'ita, jeu dont ces insulaires sont amateurs passionnés.
Malgré cet inconvénient, auquel nous ne pouvions opposer que la
patience, je fis cependant tout préparer pour notre prochain appareillage,
que j’espérois bien pouvoir exécuter le lendemain.
Le 30 , j’allai faire mes visites d’adieu aux diverses personnes qui
m’avoient reçu et accueilli avec tant de bienveillance. A l’instant où je
m’éloignai personnellement de terre , le fort me salua de onze coups de
canon, et le navire le Parangon de trois. Je rendis ces salves en nombres
égaux, aussitôt que je fus sous voiles, circonstance qui ne put avoir lieu
qu’à une heure après midi. Je manoeuvrai aussitôt pour courir au Sud,
afin de m’éloigner promptement de terre ; mais le calme qui s’établit sur
le soir, et les courans qui me drossèrent avec force, ne me le permirent
pas ce jour-là.
S é jo u r
à Wahou ,
1 8 1 9 .
A oû t.