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Dé cembre .
traire à la dent redoutable de ses persécuteurs. Le terrain offroit une
pente peu rapide, et je fus très-surpris de voir courir ce kanguroo en
s’appuyant un peu sur ses pattes de devant ; d’après ce que j’avois remarqué
dans le parc du gouverneur à Sydney, je m’imaginois que son
allure habituelle à la course eût été par sauts et par bonds. Pour cette
fois ii disparut, et les chiens ne purent l’atteindre; mais peu de temps
après, ayant retrouvé la piste, iis le poursuivirent de plus belle. Nos
chevaux franchissoient au grand galop les arbustes et les ruisseaux
que nous rencontrions, et notre jeune Anglaise n’étoit pas la moins
intrépide. Arrivé sur les rivages de Botany-Bay, non loin du lieu connu
sous le nom de Jardin des Français, le malheureux kanguroo, toujours
pressé par la meute, et sur le point d’être atteint par elle, voulut
chercher un refuge dans les flots : mais ce fut en vain ; inhabile à la
nage, ii fut saisi et mis promptement à mort. On en coupa je ne sais
quelle partie, le bout de ia queue, peut-être, et on la plaça aussitôt sur
ie chapeau de notre jeune amazone, qui assistoit probablement à cette
chasse pour la première fois. Lorsque nous fûmes arrivés à Botany-Bay :
Comment trouvez-vous ce pays! me dit M. le commissaire aux enquêtes
Bigge. — J e trouve, lui répondis-je, que les jardins de M . Banks ne sont
pas aussi fertiles que je l’avais imaginé d’après le récit de ses aventures (i).
Il convint qu’en effet cet excellent observateur a dû être trompé par les
apparences.
Comblé d’attentions et de politesses par une foule de personnes de
la haute société de Sydney, je voulus à mon tour les réunir à bord de
l’Uranie, et faire preuve au moins de bonne volonté pour ieur témoigner
ma gratitude. A la suite d’une aussi longue navigation, dépourvu de
beaucoup de choses indispensables pour traiter dignement mes honorables
convives, j’osai compter sur leur indulgence. J ’avois espéré que
M. etM.™= Macquarie m’honoreroient de leur présence; mais ie mauvais
état de la santé du premier le retenant encore à Parramatta,
nous fûmes privés de cette faveur. Le 13 décembre, jour fixé pour
mon modeste festin, le gaillard d’arrière de la corvette se trouva décoré
avec élégance par les soins de MM. Requin, notre commis aux revues,
( i ) V o ye i la relation de B an k s , dans le premier vo y a g e de C o o k .
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . ¿3 3
et J.'’"“ Arago, dessinateur de l’expédition. La réunion, dont mon état-
major fit partie, fut nombreuse et très-animée: on se mit à table à quatre
heures. La musique du régiment de la colonie joua des fanfares, et au
dessert on porta plusieurs toats ; ceux des souverains respectifs de l’Angleterre
et de la France furent accompagnés chacun d’une salve de vingt-
un coups de canon. Des danses qui eurent lieu après le repas, embellirent
et remplirent la soirée.
Le 1 4 , M. Gaimard revint d’une course qu’ii avoit faite en commun
avec MM. Guérin, Ferrand, Fabré et Gabert, aux bourgades de Windsor
et de Richmond, bâties près de la rivière Hawkesbury. Je partis en
même temps pour me rendre à Elisabeth-Farm (1), près de Parramatta,
où m’avoit invité M. John Mac-Arthur, l’un des plus respectables et des
plus riches agronomes de la colonie. Cette jolie maison de campagne,
située à très-peu de distance de la ville, nous parut offrir tout ce qu’une
élégante et sage économie permettoit de réunir de plus convenable. Père
d’une famille nombreuse non moins remarquable par son urbanité que
par le ton d’excellente éducation qui la distingue, M, Mac-Arthur me fit
examiner avec beaucoup de détails i’étendue de ses cultures, leur diversité,
en un mot toute son exploitation agricole. Parmi beaucoup d’arbres
et de plantes d’Europe, je remarquai un obvier magnifique, déjà fort
grand et couvert de fruits ; le liège, le câprier, et une espèce particulière
de vigne qui n’a pas comme les autres l’inconvénient d’être piquée par
l’espèce d’insecte qui fait si souvent avorter ici l’espérance des vignerons.
Une seconde ferme nommée Camden, plus considérable que celle-ci, et
appartenant au même propriétaire, est située près des bords de la rivière
Nepean, dans les plaines de Cow-Pasture (pl. 9 3 ) , et contient la plus
grande partie des troupeaux de moutons mérinos élevés par ses soins et
par ceux de ses fils ; la totalité ne se montoit pas alors à moins de 6 6^6
de ces animaux, dont moitié étoit de race pure.
Avant de retourner à Sydney, où mes occupations obligées ne devoient
plus désormais me retenir long-temps, j’allai rendre visite à M. Hannibal
Mac-Arthur, dont la femme, soeur de M. le capitaine P. P. King,
( i ) Indiquée sous îe nom M . 'A r t h u r , sur notre planche 93 ; celle de M. H ann ib a l M a c -
A r th u r , nommée V in eyard, se trouve en fa c e , sur la rive gauche de la rivière de Parramatta.
S é jou r
1 P o rt-Ja ck son .
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D é cem bre .