
deux aiguilles prismatiques qui ia surmontent, et qui reposent, par leur
base, sur un sommet arrondi.
Désirant trouver un mouillage, je serrois la terre de fort près; mais ie
temps étoit si peu favorable à cette recherche, et nos cartes si imparfaites,
que nous ne pûmes rien apercevoir. A sept heures un quart nous
n’étions plus qu’à deux milles de distance de la côte; peu après nous
reconnûmes les îles Gilbert au milieu de la pluie et de la brume; mais
ayant tout à coup observé un changement notable dans la couieur de l’eau,
ce qui indiqiioit une hatture, nous laissâmes venir brusquement sur tribord,
pour éviter le danger qui nous menaçoit. La route fut dirigée de là
pour passer entre les îles Sant-Iidefonso et celles de Diego-Ramirez. Nous
eûmes connoissance des premières à cinq heures du soir, et des secondes
à sept heures un quart; ia brume dont elies étoient environnées nous
empêcha de ies bien voir ; toutefois eiles nous parurent basses et de forme
conique. Nous en déterminâmes la position géographique.
M. Duperrey et queiques autres personnes jugèrent qu’une clarté
aperçue dans le Sud provenoit d’une aurore australe.
Le 6, à minuit et demi, nous rangeâmes d’assez près l’île i’Hermite, et
peu de temps après le cap Horn, qu’un vent favorable nous fit doubler
vers les quatre heures du matin. Le temps alors étoit entièrement dégagé
de nuages et le ciel très-clair; aussi toutes les personnes de l’équipage
s empressèrent-elies de venir saluer, en quelque sorte, ce cap fameux, qui
a été pendant si longtemps la terreur des navigateurs. Il faisoit froid, et
une forte brise soufflant par rafales ne contribuoit pas peu à rendre
pour nous l’aspect de cette terre fort désagréable. Parvenus à la hauteur
des îles Barnevelt, qui sont au N. E. du cap que nous venions de
doubler, les vents changèrent brusquement, et s’établirent précisément
dans ia direction de notre route, ce qui nous força à louvoyer.
A une heure après midi, le vent s’étant de nouveau halé à i’Ouest,
nous en profitâmes pour nous diriger vers le détroit de le Maire. Bientôt
nous aperçûmes les îles Évouts, près desquelles je fis jeter la sonde,
qui nous rapporta 5 5 et 80 brasses, sur un fond de coraux et de polypiers
flexibles, vivans; «ce qui prouve, dit M. Quoy, l’existence de ces
animalcules par des latitudes aussi élevées. Ceci me fait souvenir que
LIVRE VI. — De P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . ’ = 1 5
dans une campagne que je fis à l’Iie-de-France, on trouva, en sondant
sur le banc des Aiguilles, de semblables polypiers façonnés, de couleur
blanche et rose. »
La nuit se passa sous petite voilure, dans le voisinage de l’île Nouvelle;
mais dès que ie jour put éclairer suffisamment notre route, nous continuâmes
à prolonger la Terre-de-Feu, pour nous rendre à son extrémité
orientale, où j’avois dessein de jeter l’ancre.
Depuis le cap de Bon-Succès, qui forme une des pointes méridionales
du détroit de ie Maire, en remontant au Nord jusqu’à la baie où nous voulions
nous arrêter, toute la terre du côté de l’Ouest est haute et escarpée.
Plusieurs anses peu profondes, que terminent en générai des plages de
sable sur lesquelles viennent se perdre de petits ruisseaux, se montrèrent
successivement à nos regards. Le temps étoit redevenu sombre et pluvieux,
et, comme nous côtoyions la terre de très-près, nous vîmes avec étonnement
que la portion du rivage qui s’étend du cap de Bon-Succès à ia baie
du même nom, étant garnie d’arbres de hante futaie, n’offioit pas cette nudité
repoussante que nous avions observée presque constamment depuis
l’île fHermite jusque-là. L’eau, qui, sur plusieurs points, s’élançoit en
cascades, ne contribuoit pas peu à donner à ce paysage, un air de fertilité
qui sembloit nous promettre une relâche moins désagréable que ia vue du
stérile cap Horn ne nous l’avoit fait préjuger.
A midi et demi nous entrâmes, la sonde à la main, jusqu’au fond de
la haie de Bon-Succès, et nous y laissâmes enfin tomber l’ancre par
i4 brasses sur un fond de sable gris.
Nous nous disposions à mettre nos embarcations à la mer pour
satisfaire à l’impatience de nos observateurs, qui desiroient aller visiter
une terre encore si peu connue; mais cette petite expédition ne put heureusement
avoir lieu: un vent furieux se déclara tout à coup, et, tombant
sur nous du sommet des montagnes voisines, nous apporta comme un
torrent de rafales, tellement violentes et pesantes, que la corvette,
quoique à l’ancre et ses voiles ployées, inclina sur ie côté autant que
si elle eût été à la mer. La fureur de i’ouragan étoit telle, que nous
chassâmes bientôt sur notre ancre ; tout notre empressement à filer
du câble ne put étaler le bâtiment, et nous allions eu dérive sur ies