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Février.
Mdévolutions.
Quelques-uns sont noirs, avec toute la partie antérieure
blanche; d’autres entièrement noirs. En raison du cercle blanc qu’iis ont
autour des yeux, ces manchots ont reçu ie nom de manchots à lunettes. »
[M. Gaudichaud.)
Vers les deux heures de i’après-midi la vigie annonça la terre : nous
nous étions attendus à la voir un peu plus tôt. Nous manoeuvrâmes pour
nous en approcher, dans i’intention d’en faire ia géographie. On apercevoit
sur la côte des anses peu profondes, dont les pointes étoient défendues
par des îlots ou de petits rochers; sur l’un de ceux-là se trouvoit
une quantité prodigieuse de plongeons, qui avoient entièrement blanchi
le soi avec leur fiente.
Les rivages étoient arides, et l’intérieur du pays n’offroit Iui-même
qu’une végétation herbacée, triste et à moitié jaunâtre, sans aucune
espèce d’arbres; dans l’éloignement, des montagnes peu élevées présen-
toient à nu leurs rochers grisâtres, et i’on voyoit çà et là quelques boeufs
et chevaux sauvages qui se montroient au sommet des falaises.
Pendant toute la journée du 13 , des brumes fort épaisses dérobèrent la
terre à nos regards. Une éclaircie jointe à une brise favorable nous permit
enfin de nous rapprocher de l’île Conti pour commencer nos opérations.
A midi l’entrée de la baie Marville se montroit sur tribord,
à deux lieues de distance, et le cap Duras un peu plus loin vers i’Est
(pl. 108). La sonde éclairoit notre route; mais la nature du fond ayant
subitement changé devant nous , et la brume ayant de nouveau couvert
l’atmosphère, nous prîmes pour quelques heures la bordée du large.
Les courans étoient ici très-variables, et portoient surtout à l’Ouest avec
beaucoup de rapidité, circonstance qui, pendant la nuit, faillit nous
devenir funeste. Nous courions en effet sur la terre, dont nous pensions
être encore loin, lorsque tout à coup on entendit la mer briser de l’avant
à nous; heureusement j’étois sur ie pont à cet instant, et je fis rapidement
changer de route; or, en exécutant cette manoeuvre, nous
vîmes tout le danger auquel nous venions d’échapper; une petite éclaircie
dans la brume, ayant eu lieu en ce moment, nous laissa apercevoir
que nous étions extrêmement près de terre; les hrisans que nous avions
entendus étoient ceux qui bordent le rivage; en sorte qu’une seuie mi-
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imte d’hésitation dans notre manoeuvre eût pu consommer la perte du
vaisseau.
Dans la nuit la corvette traversa un grand espace d’une blancheur remarquable,
sans que nous ayons pu nous rendre bien compte des causes qui
donnoient cette teinte à la mer: c’est apparemment ce dont les voyageurs
ont parlé sous le nom de mer de lait fi). M. Gaudichaud suppose que ce
phénomène est dû à la phosphorescence pâle des mollusques, dont les
feuilles de fucus spirformus sont quelquefois entièrement couvertes.
Le i 4 février au matin le temps étoit fort beau, et l’atmosphère ne conservoit
plus aucune trace du dangereux brouillard qui avoit failli, la veille,
nous devenir si funeste. La brise souffloit foiblement, mais comme eile
nous étoit favorable, nous en profitâmes pour continuer nos travaux de
géographie, tout en nous dirigeant sur la baie Française, lieu que j’avois
fixé pour notre prochaine relâche. L’existence des grands bestiaux qui
s’offrirent à nous sur ia côte Nord de l’île Conti nous fit espérer que
nous pourrions bientôt nous en procurer pour les repas de l’équipage, et
que par ià notre relâche deviendroit aussi agréable que salubre. Comptant
que ces îles étoient constamment habitées, nous comptions y trouver
des nouvelles de France, et ces idées occupoient agréablement nos esprits.
Nous nous considérions comme parvenus au terme de notre iong
voyage; nous venions de rentrer dans l’océan Atlantique, et d’achever
presque complètement notre circumnavigation; nous nous flattions du
doux espoir de revoir bientôt notre chère patrie et de lui faire hommage
des nombreux travaux et des magnifiques collections que nous
avions recueillies. En un mot, nous nous applaudissions de nos succès,
et nous étions fiers d’avoir accompli une aussi longue campagne sans
qu’aucun événement grave fût venu nous attrister, sans même avoir reçu
d'avaries. A nos yeux, ainsi que dit le poëte :
T h e worst w a s over, a n d the rest seemedsure (2).
Mais celui qui se joue de ia prudence des hommes et de leurs vains prof
1) C’est dans ies mêmes parages que tant de voyageurs ont rencontré ce qu’ils ont nommé
mer de sang; la surface des eaux étoit couverte, souvent à plusieurs lieues à la ronde, de
myriades de petits crustacés rouges qui, lorsqu’on les prenoit, sautoient comme des puces.
(2) Le plus pe'i'illeux étoit fini, et le reste paroissoit assuré. (Lord Byron, the Island.)
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