
Histoire En mars 1806 ie pays eut encore à gémir d’une épouvantable inon-
Port-.l.ickson. Jatioii qu’il n’étoit dans la puissance des hommes ni de prévoir, ni d’em-
18 0 6 . pêcher: l’Hawkesbury se déborda et couvrit de plusieurs pieds d’eau
tous ies champs cultivés des environs. Les colons nous ont laissé les
détails de ce déplorable fléau, qu’ils désignent sous le nom de mémorable
flood; les maisons furent emportées, les arbres déracinés, les
hommes et les troupeaux noyés; enfin, ies ravages furent si grands que
le froment se vendit jusqu’à 80 schellings le boisseau [ 2 7 5 ',! 2® l’hectolitre],
et le pain de 2 livres jusqu’à 5 schellings [6*,89“ le kilogramme];
encore avoit-on beaucoup de peine à s’en procurer : la colonie se vit par
là presque réduite à la famine. Deux inondations successives de South-
Creek , un tremblement de terre qui suivit, et un vaisseau colonial que
les convicts enlevèrent (i), furent les faits désastreux qui vinrent terminer
l’administration du capitaine King, d’ailleurs si remarquable par
la fermeté de ce gouverneur, par ses vues philanthropiques et les nombreuses
améliorations dont il a fait jouir la colonie. Son commandement
fut résigné, ie i 3 août, entre les mains du nouveau titulaire, le capitaine
William Bligh.
A ce nom de Bligh se rattachent, pour le Port-Jackson, des souvenirs
en général fort amers. Presque tous les écrivains dépeignent cet officier
comme un tyran cruel, d’une injustice intolérable; tandis que iui, au
contraire, a cherché à établir, devant les tribunaux de la métropole, que
toutes ses pensées, toutes les mesures qu’il avoit prises pendant son gouvernement,
n’avoient eu pour objet que le bien-être de ses administrés.
Mais il ne nous appartient pas de nous immiscer dans d’aussi importans
débats. Contentons-nous donc de rapporter l’événement qui le déposséda
violemment des hautes fonctions qu’il remplissoit et livra la direction
de la colonie aux mains mêmes de ceiui qui osa le renverser. Peut-être
est-il à propos de rappeler que ce même M. Bligh avoit déjà éprouvé en
mer une catastrophe analogue, sur ia corvette /a Bounty qu’il commandoit.
On sait, en effet, que l’équipage de ce navire, après s’être révolté et emparé
du bâtirnent, abandonna ie capitaine Bligh à la discrétion des flots dans
( I ) L e même événement se reproduisit encore en 1 808 , 1 B 1 3 , 1 8 1 6 , 1 8 1 7 et 1 8 2 3 , soit à
S yd n e y même , soit dans quelques-uns des ports voisins.
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 807
une frêle chaloupe, et qu’aidé d’un petit nombre de compagnons d’infortune
il parvint à gagner l’île Timor, après avoir parcouru une route
de plusieurs milliers de milles.
Un ancien officier du régiment de la Nouvelle-Galles, colon non moins
recommandable par sa fortune que par son caractère, M. John Mac-Arthur,
ayant été cité à comparoître, le 25 janvier 1 808 , devant une cour criminelle
composée du juge-avocat et de six officiers, pour répondre de quelques
légers délits politiques dont il étoit accusé, voulut récuser le juge-avocat,
qui, lui étant contraire, ne pouvoit par cette raison être un juge impartial,
et il fit à cet effet une protestation énergique; mais celui-ci l’ayant
menacé de le faire emprisonner, les six officiers qui faisoient partie du
tribunal prirent hautement le parti du plaignant, et refusèrent de prêter ie
serment requis, jusqu’à ce qu’on eût fait droit à la demande de leur ancien
camarade; donnant à entendre à son antagoniste qu’en cas de refus
il seroit lui-même envoyé en prison. Ce magistrat se retira à ces mots,
déclarant aux officiers qu’en son absence ils ne constituoient plus une
cour de justice, et se rendit chez le gouverneur pour lui communiquer
l’incident. Les six officiers s’y transportèrent eux-mêmes pour demander
la nomination d’un autre juge-avocat, mais ils ne purent ¡’obtenir. Après
ce refus positif, le gouverneur convoqua les autorités judiciaires et militaires
de la colonie pour le iendemain ; quelques-unes se présentèrent,
tandis que le plus grand nombre jugea à propos de s’abstenir.
Si i’on écoute M. George Johnstone, commandant de la force armée, et
principal auteur ostensible du mouvement dont il nous reste à rendre
compte, le gouverneur se seroit surtout rendu universellement odieux par
son intervention constante dans l’action de ia justice. Seion lui encore,
l’agaire dans laquelle M. Mac-Arthur se trouvoit impliqué n’avoit fait
que réveiller une indignation générale déjà portée à son comble; se
trouvant alors à Sydney, avec les troupes qu’il commandoit, il n’avoit vu
partout, chez les habitans comme parmi les soldats de la garnison, que
terreur et consternation; une foule immense, en se précipitant au-devant
de lui, i’avoit conjuré de .mettre sur-le-champ le gouverneur aux
arrêts; sans cette mesure une insurrection étoit imminente, et les violences
les plus graves étoient à craindre; enfin , il resta convaincu qu’aui
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