
D e l’homme
en société.
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Iles San dw ich, tion qui ieur vau t, de la part des parens, d’abondantes offrandes de
petits cochons, déracinés d’ava, de cocos, &c.
Jadis il y avoit six mois pendant lesquels il étoit défendu de pêcher
des bonites et quelques autres poissons dont nous n’avons pu connoitre
ie nom. Un mois lunaire est consacré aux amusemens qui précèdent le
commencement de i’année; les chefs et les prêtres n’ont, à cette époque ,
aucun devoir religieux à remplir; mais personne ne peut aller à la guerre
pendant que durent les fêtes du nouvel an, époque où tous les habitans
se rendent au morai, et reprennent le cours des exercices de leur
culte.
On adore alors trois espèces d’idoles. La principale, appelée Kékou-
Aroha, est promenée autour de l’île par un prêtre : tout ce que celui-ci
peut saisir de la main gauche est de bonne prise ; si c’est une personne
qu’il arrête de la sorte, elle est tenue de prêter assistance pour conduire
ou porter jusqu’au temple ies chiens, cochons, végétaux, et autres denrées
sur lesquelles la main-mise a été ou sera exercée durant ie trajet.
Tous les villages doivent un tribut au roi. Lorsque ces tributs ne
sont pas exactement payés, on fait sortir du temple une idoie par le Nord
et une autre par le Sud : cette dernière ne doit parcourir qu’une douzaine
de milles, après quoi on la rapporte au point d’où elle est partie;
l’autre fait une tournée plus longue, et tous les habitans des lieux quelle
parcourt sont astreints à payer un double tribut. Le dieu principal, nommé
Rono ké maka ihi [Rono ( 1 ) faisant une irruption soudaine pour se nourrir],
est porté par un prêtre, qui, étant tabou pendant qu’il remplit ces fonctions
, ne peut toucher à rien avec ses mains; il faut dès-lors que les chefs
des villages où il s’arrête, ou bien que le roi iui-même qui l’accompagne,
lui mettent dans ia bouche les morceaux qu’il doit manger. Le dieu est
ramené au temple le vingt-troisième jour après sa sortie; mais avant que
le roi pénètre dans son enceinte, deux hommes lui jettent leur lance,
( i ) R o n o éioit un ancien roi d’O w h yh i, q u i, sur le point de quitter cette île dans une
pirogue, promit de revenir. N e le voyant point rep aroître , les habitans l’adorèrent comme un
dieu ; et croyant plus ta rd , lorsque le capitaine C o o k arriva dans ces parages, que c’étoit leur
dieu R o n o qui re v en o it, ils se prosternèrent à ses pieds. L a mort de ce grand navigateur fut
occasionnée par une fatale méprise , dont les détails ayant été consignés dans plusieurs ouvrages
modernes, ne nous occuperont point ici.
D e i’hom.me
en société.
LIVRE IV. — De G o a m a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 597
qu’ii doit détourner avec la main sans bouger de place; l’entrée alors lui lie s San dw ich,
est permise , et la cérémonie se termine par des prières.
Tabou. — Le tabou est une institution à-Ia-fois civile et religieuse; sa
transgression est punie du dernier châtiment. Ce mot signifie prohibé ou
défendu, et désigne tout-à-Ia-fois la chose prohibée, la prohibition elle-
même, et la personne qui l’a enfreinte. Les temples, les idoles, les objets
de toute nature appartenant à leur cuite; les noms mêmes du roi et des
principaux chefs, et leurs propriétés; une pirogue destinée à faire une
iongue traversée, et pour laquelle on pense par-là obtenir une navigation
favorable ; une occupation, une action quelconque, dont on juge à
propos que certaines personnes s’abstiennent : toutes ces choses sont
soumises à la consécration du tabou , qui s’opère avec le concours de
i’autorité civile et de l’autorité sacerdotale. Des piquets garnis d’un
morceau d’étoffe blanche suffisent pour marquer les limites d’un tabou;
celui qui oseroit les franchir, se rendroit aussi coupable que s’il profanoit
ies attributs de ia divinité la plus révérée. Il y a des tabous qui sont
ou particuliers ou généraux, selon des cas déterminés.
La religion du roi et des chefs veut que toute personne qui mange
avec les hommes ne puisse manger avec les femmes, sous peine de la
vie. II est également défendu à toutes les femmes de manger du cochon,
des bananes, des cocos, des requins, des tortues, et une espèce de poisson
de couleur incarnate; mais elles ont ia faculté d’user comme aliment de
la chair des chiens rouges. L ’entrée dans les cases où mangent les hommes
leur est également interdite. « Chaque mois, à une certaine époque, dit
M. Gaimard, l’eau de ia mer est tabouée pour elles, ce qui les empêche
alors de s’y baigner. »
Moráis, héiaos ou temples. —Tous ne sont pas de la même grandeur ni
disposés de la même manière. Ceiui de Riorio, à Kayakakoua, étoit circonscrit
par une simple palissade quadrangulaire, au milieu de laquelle
on voyoit douze idoles à formes gigantesques et hideuses ; deux étoient
renversées, sans qu’on eût l’air de s’en inquiéter beaucoup (voyez pl. 87).
A côté s’éievoit i’obélisque en bois léger dont nous avons parlé plus
haut; une petite balustrade entouroit ensuite une plate-forme, aussi en
bois, supportée par deux piquets fichés en terre; c’est là qu’on immoloit