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1819.
Décembre.
IS20.
I " janvier.
près de la flottaison, sous les porte-haubans de misaine; à l’examen on
trouva que cette avarie n’étoit pas de conséquence ; eile ne donnoit en effet
qu’environ trois pouces d’eau à l’heure quand le navire étoit agité, et beaucoup
moins quand la brise étoit légère. Cet accident ne changea donc
en rien mes intentions, et, profitant des vents qui nous étoient favorables,
nous continuâmes à faire route.
Je n’avois depuis longtemps qu’à donner des éloges mérités à quatre
jeunes pilotins, MM. Jeanneret, Paquet, Fleury et Dubos , qui depuis le
commencement de la campagne non-seulement remplissoient avec zèle
les pénibles devoirs qui leur sont dévolus, mais qui, par des études
soutenues de théorie et de pratique d’astronomie nautique, s’étoient attiré
mon estime et celle de tout l’état-major; je profitai donc du premier jour
de i’année pour les éiever au grade provisoire à'aspirans-volontaires, et je
leur en fis aussitôt remplir les fonctions. J ’avois l’espoir qu’à ieur arrivée
en France j’obtiendrois du ministre la faveur qu’ils passassent leur examen
d’élèves de marine ; et cet espoir n’a pas été trompé. A l’exception
du dernier, M. Dubos, qui a désiré suivre la carrière du commerce, les
autres n’ont pas tarde à se voir mis au nombre des meilleurs officiers de
notre marine, et à se distinguer à la fois comme manoeuvriers et comme
observateurs.
Plusieurs de nos gabiers, qui avoient essayé de déserter aux îies Mariannes
, et qui, par cette raison , avoient été ôtés de leurs hunes, s’étoient
depuis iors si bien conduits, et avoient montré tant de regrets de leur
faute, que je jugeai à propos de leur accorder leur pardon, et de les
remettre à leur poste. Ce jour devint ainsi, pour tout l’équipage, une
époque de bonheur et de joie, et nous rappela plus vivement encore ies
instans fortunés où, à pareil moment, nous nous étions trouvés dans le
sein de nos familles, dont maintenant nous étions séparés par un diamètre
entier de la terre.
Le 4, l’observation nous piaçoit un peu à l’Ouest de ia partie Sud de la
Nouvelle-Zélande; ie temps étoit beau, et nous commencions à sentir
l’impression du froid, quoique le thermomètre se maintînt à lo'' centigrades
pendant le jour, et qu’il descendît à peine à 8‘’ pendant la nuit.
Trois jours après, par un temps sombre, nous eûmes connoissance de
LIVRE VI. — De P o r t - J a c k s o n en F r a n c e . 1 2 1 i
l’île Campbell à i i heures du matin : elle présente à l’oeil plusieurs
monts élevés, terminés en cône; celui du centre se fait remarquer par un
piton très-aigu, qui, reposant sur ie faîte, ne ressemble pas mal à une
petite pyramide qu’on y auroit élevée.
Cette île jteut avoir trois lieues du Nord au Sud, et sa plus grande
dimension nous a paru se diriger du S. S. E. au N. N. O. Deux îlots se
dessinent dans la partie méridionale : le plus Sud, qui est aussi le plus
grand, est taillé à pic; sa masse est quadrangulaire, et son sommet offre
un angle fort obtus. Près de ia pointe Nord de l’île principale se trouvent
aussi plusieurs rochers coniques. En général, l’aspect de stérilité de cette
terre est affreux; une roche de couieur blanchâtre s’y montre à nu, et
laisse voir sa disposition par couches horizontales ; c’est en vain que nos
yeux ont cherché à y découvrir des traces de végétation. Partout ia mer
brisoit avec force sur des côtes qui nous ont paru très-écores.
Un des convicts anglais que nous avions à bord, et qui prétendoit être
resté plusieurs mois sur cette île, pour y faire la pêche des phoques, nous
a assuré qu’il existoit, dans ia partie Sud-Est, un assez bon mouillage sur
un fond de terre glaise. Nous avons aperçu en effet une pointe basse
très-prolongée dans la partie orientale de l’île; mais ce même homme nous
ayant fait des contes d’une absurdité évidente sur les sauvages qui y habitent,
et l’espèce de tigre qu’on y trouve, ses mensonges nous ont mis
en doute sur toutes les parties de sa relation.
Malgré les soins que nous donnions à deux phaiangers de grosse es- 20.
pèce, à un phalanger-rat, à plusieurs petits écureuils volans, à des cygnes
noirs, à un gros casoar, à quantité de perruches, de kakatoès, etc., nous
avons eu le regret de perdre ces animaux, sans qu’on ait pu attribuer ieur
mort à d’autre cause que le grand abaissement de ia température.
La nuit du 2 1 nous sembla surtout très-froide, et le thermomètre 21.
descendit à-i-q'’ ,0 centigrades. Dans la matinée nous aperçûmes une île
de glace dont ia hauteur nous parut être d’environ 8 0 à 1 0 0 pieds [ 2 6 à
3 2 mètres], et la largeur d’un demi-mille; elle étoit couverte de neige
d’un éclat éblouissant, avec des points obscurs, causés sans doute par ies
ombres de quelques portions plus saillantes.
La plus grande partie de la journée du 2 2 se passa alternativement 22.