
D e l’homme
en société.
Usages sociaux.
affirmer que dans ce genre de comparaisons, ils aperçoivent des nuances
qui échapperoient à notre plus minutieuse attention.
Disposition À changer de demeure. — Le grand bonheur des aborigènes
consiste à errer continuellement dans l’enceinte de ieur province. Cette
disposition apporte d’invincibles difficultés à l’établissement des demeures
fixes , et ii ne faut point chercher ailleurs la raison pour laquelle on a
toujours échoué quand on a voulu ies astreindre à ia vie sédentaire. La
beauté du climat et l'exiguïté des bagages qu’iis traînent à leur suite, leur
facilitent beaucoup ces déplacemens perpétuels. Rarement voyagent-ils
la nuit, ou il faut qu’ils y soient forcés par d’impérieuses circonstances.
C ’est la crainte de Koe'n on du malin esprit, qui, disent-iis, les empêche
de se mettre en route pendant l’obscurité.
Cri pour se reconnoître. — Leur cri particulier pour se reconnoître de
loin, est kouhi, ou encore kouh ( i ) , auquel répondent de la même façon
ceux qui ont entendu le premier appel. A ce signal, qui n’est que d’avertissement,
succède, s’il s’agit de l’arrivée d’un étranger, la phrase interrogative
; qui êtes-vous! question à laquelle celui-ci doit s’empresser de
satisfaire. Le nom du visiteur répété alors de bouche en bouche, se répand
bientôt dans toute la peuplade (2) ; et la réception qu’on fait ensuite au
nouveau venu , est en raison de l’intérêt qu’il inspire.
Pre'cautions pour visiter les peuplades étrangères. — Lorsqu’un individu
absent depuis long-temps revient dans sa tribu, il doit commencer par
s’en approcher avec une contenance grave et sérieuse, s’arrêter à quelques
toises du foyer domestique et s’y asseoir (3). Aussitôt qu’il est reconnu,
son parent le plus proche iui offre un présent qui consiste en poisson et
autres aliments , sans que de part et d’autre on profère une seuie parole ;
et il le lui offre avec autant de crainte que si i’homme qui s’est absenté
étant mort, ce fût son ame qui revînt. Le nouvel arrivé reste pendant
environ une demi-heure sans bouger, jusqu’à ce qu’enfin on lui adresse
l’injonction de se rapprocher, et c’est alors que commencent les ques-
( I ) Voye^ plus bas Tarticle M u siqu e .
( 2 ) Clamore p e r agros regionesque s ig n ifica n t; hune a lii deinceps ex c ip iu n t, et proxiinis
tradunt. ( Cæs. de beilo G a llic o , 1. V I I . )
(3 ) S ’asseoir est aussi, pour les sauvages de l’inté rieur, ia demande d’une entrevue amicale.
LIVRE V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 7 4 5
tions multipliées qu’ils ont coutume de faire à tous les voyageurs.
Mais si celui-ci est absolument inconnu à tous les habitans de l’endroit,
il déclinera avec détail et précision les motifs qui l’amènent chez
.eux. Se présente-t-il un chasseur de kanguroos, qui, accompagné de
sa femme , loin de son gîte et courbé sous le poids du gibier, a besoin
de se reposer, il est toujours sûr d’être bien accueilli. A peine a -t-o n
répondu à son cri d’annonce, qu’il doit s’arrêter à une vingtaine de
toises du village et jeter par terre ie kanguroo dont il est chargé; sa femme
aiors, mais pas plus tôt, s’évertue à allumer son feu; et lorsqu’un des
hommes de la peuplade vient pour parlementer, le chasseur lui donne ,
'selon les règles de la politesse de ces contrées, tout le gibier qu’il a tué,
et ce cadeau n’est jamais refusé. Cependant l’étranger seul est invité à
venir prendre place au repas de la famille ; sa femme ne l’y accompagne
point, mais doit passer la nuit solitairement près du petit feu qu’elle
s’est allumé; s’il pleut, son mari lui apporte, par courtoisie, une pièce
d’écorce d’arbre pour se mettre à l’abri.
Allumer du feu, dans un district étranger, avant que d’avoir fait
les cris d’usage et reçu une réponse favorable , seroit considéré comme un
acte d’hostilité répréhensible.
A l’arrivée inopinée d'un ou plusieurs individus sur ie territoire d’une
peuplade, ies hommes qui la composent courent aussitôt à ieurs armes
qui ne sont jamais bien éloignées, et se tiennent prêts à agir selon l’occurrence.
L’étranger qui ne veut pas courir la chance d’une attaque à i’im-
proviste, se hâte, dès qu’il est aperçu, de faire le signe de paix, qui
consiste soit à tenir un rameau vert, soit à balancer sa main droite au-
dessus de la tête, puis à la diriger vers le soi. Toutefois avant que de
répondre à ce signal, on exige de lui des explications détaillées, et il
n’est accueilli que lorsqu’on les a jugées satisfaisantes.
Au contraire, la visite de plusieurs individus paroît-elle suspecte, avant
de répondre à leurs démonstrations pacifiques, un homtne de la tribu
se détache et, d’une voix forte, harangue dans ce sens les nouveaux
venus: Quels.intérêts vous attirentici! qu’avez-vous à y voir! qu'avez-vous à y
faire! ce n’est point ici votre place; pourquoi venir nous troubler! vous avons-
nous jamais fait du mal! allez-vous-en.Et ce n’est que lorsqu’un éclaircisse-
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