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Colonie
de
Port-Jackson.
Réflexions
générales.
1 192 VOYA G E AUTOUR DU MONDE,
et minutieuses investigations. Il nous a donc fallu passer successivement
en revue ies moyens de transport, ie classement et le régime des convicts,
l’emploi et l’entretien de cette masse d’hommes réprouvés., et parler
enfin des ordonnances qui les régissent, des punitions et des récompenses
qui les attendent.
11 étoit intéressant de comparer le régime corrupteur et funeste de nos
bagnes et de nos prisons avec celui de l’établissement pénal des Anglais:
nous nous sommes livré à quelques considérations sur cet important et
douloureux sujet. La vérité ressort du simple exposé des faits, et montre
à quel point sont destructeurs de toute morale et de tout bonheur public
ces établissemens que notre législation commande, que le gouvernement
entretient et perpétue, mais qui réagissent bien plutôt contre la paix
publique qu’ils ne sévissent contre les coupables qu’ils renferment. Nous
avons hasardé notre opinion sur les moyens qui devroient être mis en
oeuvre pour opposer une digue salutaire au torrent des criminelles doctrines
qui sont professées dans ces repaires du crime; et cette partie de
notre travail mérite, nous ne saurions trop le répéter, toutes les méditations
de i’homme d’état et de l’homme de bien.
§. II.
But et effets moraux.
Mais s’il est vrai que le but matériel des établissemens pénitentiaires
de l’Angleterre ait dépassé toutes les espérances, peut-on dire qu’il en ait
été de même du but moral et philosophique! Le malfaiteur déporté à
la Nouvelle-Hollande s’y trouve-t-il hors d’état de nuire! Est-on. parvenu
à comprimer ses vices, à amender son caractère, à modifier ses funestes
penchans! Enfin ia mère-patrie a-t-elle su profiter, pour son bien-être,
de l’absence des misérables qu’elle a expulsés de son sein!
On peut dire avec vérité que si les moeurs des convicts ne se sont
pas améliorées, du moins ieur corruption n’a pas fait de progrès sensibles.
Sans parler de la multitude des condamnés politiques, que la
nature même de leur délit devoit placer tout à fait hors de ligne, on a
LIVRE V.— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t , i 1 9 3
vu d’assez nombreux exemples de personnes qui, d’abord simplement
égarées, ont pris rang depuis, par un retour sincère vers le bien, parmi
les colons d’une honnêteté non équivoque. Une semblable amélioration
eût-elle pu s’opérer dans nos bagnes et dans nos prétendues prisons de
correction, là où une véritable putréfaction morale est le triste apanage
de tous ceux qui y sont renfermés! Une négation formelle est ia seule
réponse qu’on puisse faire à une telle demande.
Plusieurs obstacles ont empêché une amélioration morale plus complète
des convicts d’avoir lieu. Un des plus importans est, sans contredit,
la réunion en commun d’un grand nombre de criminels, et,
ce qui est pis encore, la réunion de gens appartenant à des divisions
différentes de condamnés. Cependant on a commencé à établir des
catégories à Port-Jackson, mais ces distinctions n’ont eu iieu que fort
tard, et n’ont jamais été ni assez muitipiiées, ni assez tranchées pour
produire un effet salutaire et vraiment digne d’attention. L’objet matériel
exigeoit qu’ii y eût, sur beaucoup de points, une grande réunion de
convicts, et l’on a sacrifié à cet avantage l’intérêt purement moral.
L’énorme disproportion qui existe entre les deux sexes a été et est
encore la source d’un libertinage excessif; aussi, malgré les efforts d’une
administration active, il est assez probable que le même inconvénient
subsistera encore longtemps. Enfin l’ivrognerie, à son tour, est venue
montrer par ses excès jusqu’où l’homme pouvoit se ravaler en s’abandonnant
à la fougue de ses passions honteuses.
Peut-être l’Angleterre a-t-elle cru qu’avec le temps les moeurs des
coions australiens se réformeroient d’elles-mêmes, sans qu’il fût indispensable
de s’en occuper d’une manière spéciale ; c’est du moins ce qu’on
est forcé d’admettre en voyant la nullité de ses efforts pour parvenir sous
ce rapport à une réforme satisfaisante. N’est-il pas à craindre qu’une
incurie aussi grave ne laisse des traces indélébiles, ou du moins bien
longues et bien difficiles à effacer, même en dépit de l’introduction moderne
d’une foule d’émigrans libres!
Sans vouloir soutenir que l’instruction religieuse des convicts ait été,
sur tous ies points, absolument négligée, il est au moins certain que
l’administration locale n’a pas tiré, à beaucoup près, tout le parti possible
Réflexions
générales.