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Août.
des ponts jetés sur la Tijouka; des corps de logis en plus grand nombre
et mieux entretenus ; l’élégance jointe à la commodité, tout donnoit l’idée
d un séjour de paix et de bonheur. Enfin i’air de santé et de satisfaction
des nègres fixés dans cette demeure charmante annonçoit à ia fois la
justice et la douceur du régime aucjuel ils étoient soumis.
Je ne revins de Tijouka que le 20 dans la matinée, et ie soir nous
allâmes àun bal auquel nous avoit invité M. le capitaine White à bord du
vaisseau le Vengeur. La réunion fut nombreuse et brillante; les dames
invitées étoient jolies, parées avec goût, et la fête fut aussi agréable
qu’on peut la donner sur un navire. On dansa des anglaises et des
contredanses françaises sur le gaillard d’arrière, qui avoit été décoré
avec élégance. Le souper fut servi sur la dunette.
Le matin du i®' août nous devions ailer, MM. Thornton, dal Borgo,
le capitaine Maitiand et moi, faire une course d’observation au sommet
du Corcovado; mais je me trouvai si souffrant ce jour-ià que je fus
obligé de renoncer à cette partie de plaisir. Ces messieurs mesurèrent la
hauteur de fa montagne avec le baromètre ; mais j’ai donné dans le premier
volume de cette histoire le résultat de la mesure que nous en avions
déjà faite nous-même à une antre époque.
Malgré toute l’activité de M. Lamarche, les réparations de la Physicienne
ne marchoient pas aussi vite que nous l’eussions désiré; on avoit
trouvé dans les parties basses du vaisseau beaucoup plus de travaux à faire
que d’abord on ne l’avoit jugé nécessaire; ii fallut changer cjueiques
membrures par le travers du mât de misaine : le reste de la corvette se
trouva en assez bon état. Lorsqu’on l’eut redressée, un mât de beaupré
neuf fut mis en place, le grand mât raccourci de 3 pieds et ie mât d’artimon
de 2 ; on répara le gréement en totalité, enfin on construisit cinq
chambres pour ies officiers, un poste pour les élèves, et des soutes poulies
vivres de l’équipage ; la chaloupe reçut aussi un radoub complet.
Le 18 une division de navires de guerre français, composée du vaisseau
le Colosse, monté par l’amirai Jurien, et commandé par M. de
Rosamel, son capitaine de pavillon, joint à la frégate la Galathée.
capitaine Collet, entrèrent en rade : la corvette l’Écho, sous les ordres
de M. de Kergrist, arriva quatre jours plus tard. Je m’empressai d’aller
LIVRE VI. — D e P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1 3 5 5
saluer l’amiral et défaire visite aux capitaines de la division. On me communiqua,
à bord du Colosse, les dernières listes de promotion des officiers
de la marine, et je fus très-mortifié de voir que les promesses qui
avoient été faites, au départ, à plusieurs d’entre nous, n’avoient pas été
accomplies. Je crus devoir témoigner au ministre, dans mes dépêches,
combien surtout j’éprouvois de chagrin de ce que MM. Lamarche et
Duperrey, officiers si recommandables par leurs talens et ieurs bons
services, n’eussent pas reçu de l’avancement. MM. Bérard, Peiiion et
Guerin, eleves de la marine, qui faisoient, presque depuis notre départ
de France, le service d’enseignes de vaisseau chefs de quart, eussent
bien mérité assurément d’être eux-mêmes confirmés dans un grade
dont ils étoient parfaitement dignes sous tous les rapports.
Dans une visite que je fis ie 22 au comte de Fiemming, j’eus occasion
de voir et d’étudier chez fui une harpe éoiienne, instrument dont
j avois souvent entendu parier, mais qui n’est pas encore fort connu en
France. Il consiste en un prisme triangulaire droit et réguiier, de 8
pouces de base sur 4 pieds -] de côté, construit en bois de sapin, de 2
à 3 lignes d’épaisseur. A l’intérieur se trouvent queiques languettes de
renfort, et, au milieu d’une des faces, une ouverture harmonique de
10 pouces de longueur, sur 2 pouces j environ de largeur, offrant dans
son évasement la forme d’un 8 ; enfin , sur ce même côté sont placées 4
cordes en boyau, exactement tendues à l’unisson. Dans cet état, lorsqu’il
existe une grande différence de température entre deux appartemens voisins,
si l’on place un des angles harmoniques de l'instrument dans l’ouverture
de la porte, légèrement entrouverte, le courant d’air très-actif qui
se produit alors met les cordes en vibration. Mais ce qui étonne c’est
que des cordes ainsi disposées puissent faire entendre une suite d’accords
non moins variés qu’agréables. Je ne sache pas que ies physiciens
aient donné jusqu’ici l’explication de ce curieux phénomène, ni que l’art
se soit encore emparé du principe, pour arriver à des compositions plus
savantes et plus parfaites.
Le 23 août fut tristement remarquable pour nous, par le vol des chronomètres
de notre observatoire. Un de nos messieurs couchoit dans un
cabinet attenant à la pièce où ils étoient placés, et les fenêtres en étoient
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