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Mai.
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le gouverneur, dont il étoit un des principaux aides de camp. M. le chevalier
deir Hoste, aussi distingué par ses manières aisées, sa galanterie
délicate auprès des dames, que par sa nohle politesse envers tout le
monde, rappelle l’idée que nous conservons des preux chevaliers du temps
passé. Ses nombreux voyages dans les pays les plus civilisés de i’Eiirope
fournissent sans cesse des sujets variés à sa conversation, qu’animent
toujours beaucoup d’esprit naturel et une grande vivacité. Il m’apporta son
album, dans lequel je vis inscrits les noms d’une foule d’illustres personnages,
ainsi que ies témoignages les plus flatteurs qu’ils lui donnoient de
leur estime. Cette espèce de passe-port moral me parut d’un genre aussi
curieux qu’original. Ayant traversé pour venir à Montévidéo la province
de Rio Grande, M. deil’ Hoste y avoit vu avec étonnement des familles
riches et bien élevées, qui habitoient des maisons construites en bois, et
recouvertes avec des peaux de hoeuf. Ii citoit encore parmi elles des demoiselles
bien au fait de la littérature, de la musique et possédant
plusieurs langues. Dans un repas qui lui fut donné, il avoit remarqué
non moins de 9 services, et surtout une véritable profusion de viandes.
Le gouverneur donna le 23 un grand dîner, auquel tout 1 état-major
de la Physicienne fut invité.
En se promenant dans la v ille , M. ie docteur Quoy aperçut une enseigne
sur laquelle se trouvoit peint l’espèce de tigre connu dans le pays
sous le nom de jaguar, et qu’on avoit placé là pour rappeler un fait très-
extraordinaire.
« En 1815 cinq de ces tigres s’introduisirent sur le soir dans la ville
de Montévidéo, entrèrent dans quelques maisons et déchirèrent plusieurs
personnes. Un d’eux pénétra dans l’appartement d’une mère qui ailaitoit
son fils. A ia vue de ia bête féroce, on peut juger de son effroi; mais le
danger n’affoiblit pas en eile l’instinct de i’amoiir maternel, et, tout en
jetant des cris pour chasser i’animal et attirer du monde, elle eut la présence
d’esprit d’envelopper son nourrisson et de ie lancer sur un iit. On
accourut et l’on eut le bonheur de tuer ia bête cruelle, qui avoit déjà
imprimé ses griffes sur le corps de cette pauvre femme. Des 5 tigres,
3 furent assommés, et les 2 autres s’échappèrent, après avoir, dit-on,
mis une personne à mort. On pourroit tirer de ce sujet tm tableau propre
à servir de pendant au fameux lion de Florence. » [M . Quoy. )
M. Juanico désirant me faire connoître une fort joiie maison de campagne
qu’il possède aux environs de Montévidéo, nous nous y rendîmes,
en société de sa femme, de ses enfans et du colonel portugais Frangini,
ami de Ja famille, et l’un des officiers supérieurs de la garnison ies plus
aimables et les mieux élevés.
Cette petite excursion fut extrêmement gaie. Nous partîmes, les uns
en voiture, les autres à cheval, et de bonne heure pour éviter la chaleur
du jour; car, dans les plaines dépourvues de bois que nous avions à
traverser, nous ne pouvions compter sur ie moindre ombrage. En général
nous fûmes frappés de l’état de stérilité qui se montroit à nous; mais,
parvenus sur les bords du ruisseau qui débouche au fond de la rade,
quel ne fut pas notre étonnement d’apercevoir la riante verdure d’un
groupe assez considérable d’arbres et d’arbustes de diverses sortes, qui
entouroient une maison agréable! c’étoit celle où nous devions nous
arrêter. En en parcourant ies appartemens, nous vîmes quelques dégradations,
suites malheureusement trop fréquentes de la guerre; on
s’occupoit à les réparer. Mais les allées, les bosquets, les douces pelouses,
étoient fort bien conservés et eurent pour nous un charme auquei
nous ue pûmes résister. Aussi fut-il décidé qu’après la promenade
le dîner seroit servi sur i’herbe, à l’ombre d’un bois charmant et parfumé.
On conçoit que la froide étiquette fut bannie de ce repas champêtre;
chacun au contraire s’efforça de payer le tribu d’une gaieté franche et
badine, et d’égayer ia compagnie par le récit de quelque histoire amusante,
ou par quelque plaisanterie de bon goût. Le soleil étoit déjà avancé
dans sa course, et nous vîmes avec regret arriver l’heure où il fallut nous
arracher de ces lieux enchantés. Nous repartîmes donc pour Montévidéo,
emportant dans notre âme des impressions et des souvenirs qui
ne s’en effaceront que bien difficilement.
J ’appris que depuis quelques jours le capitaine Galvin se trouvoit en
contestation avec ses armateurs; sur ies i 8 000 piastres portées sur notre
contrat, il en réclamoit 13 068 qu’il prétendoit lui être dues, et dont il
présentoit le compte. Je ne m’étois pas encore libéré de ia somme convenue
pour notre transfert des Malouines à Montévidéo et l’achat de
la Physicienne, parce je ne voyois pas clairement entre ies mains de qui
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2 7 M ai.
2 juin.