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-»âcreté et de son odeur; d’autres, que la nature de l’eau de mer varioit
» beaucoup suivant ies lieux; que, sous certaines latitudes, elle étoit très-
» salée, très-chargée de substances animales et même de bitume, et que
» dès iors on devoit s’attendre à obtenir des produits variables et trcs-
» souvent inutiles aux besoins de ia vie. Ils imaginoient d’ailleurs que
»la distillation offriroit des difficultés insurmontables sur ies vaisseaux;
» qu’elle consommeroit une si grande quantité de combustible, que l’é-
» conomie et le défaut de place s’opposeroient toujours à l’emploi de
» ce moyen.
» Cependant divers navigateurs en avoient fait l’essai; Cook, Bou-
» gain ville, Phipps, et piusieurs autres marins, avoient distillé de l’eau
» de mer dans leurs voyages et s’en étoient bien trouvés. Le procédé de
» la distillation étoit encore recommandé par les expériences de plusieurs
» savans, au nombre desquels on distingue ie célèbre Macquer (1). De
» tels témoignages étoient bien suffisans sans doute pour balancer les
» dénégation de quelques contradicteurs, qui du reste pouvoient avoir
» été induits en erreur par des causes accidentelles; » mais la raison la
plus puissante que nous eussions de croire à i’efficacité de ia distillation
pour rendre l’eau de mer potable résultoit de la propre expérience
qui s’étoit faite, sous les yeux de l’un de nous, à bord de la corvette
le Naturaliste, dans le voyage de Baudin aux Terres australes. Là, effectivement,
on avoit fait un usage assez proiongé de cette eau, sans le
moindre inconvénient pour ia santé de l’équipage (2); et plusieurs personnes
même l’avoient préférée à l’eau douce ordinaire, récente, qui fut
embarquée plus tard à Timor.
Toutefois cette eau distillée n’avoit été produite qu’en assez petite
quantité, et nous crûmes qu’il seroit d’un notable intérêt pour la marine
d’avoir un appareil qui, en donnant i’eau nécessaire à la consommation
de l’équipage d’un navire de guerre, pût le faire avec assez d’économie
pour que ce moyen d’hygiène navale ne restât pas illusoire. Nous devions
donc nous occuper, d’une part, de tout ce qui tenoit à ia disposition de
( 1) Dictionnaire de chimie, a rticle E a u de mer.
(2) V o y . le Voyage aux Terres australes, xomQ I , chap. x , édit. in-4®. L ’alambic donnoit
80 pinte s, ou quatre barils de galère par jo u r : c’est le tiers d’une barrique.
l’appareil, de l’emploi du calorique, ou de ce qui constituoit ia partie
scientifique du problème; et discuter, dè l’autre, ce qui regardoit i’éta-
hlissement de la machine à bord du vaisseau, en un mot tout ce qui se
rapportoit aux convenances maritimes.
« Nous n’avions aucun doute sur la bonne qualité de l’eau de mer
» distillée. Nous savions que la salure de la mer étoit partout la même,
» ou différoit trop peu pour nuire à notre objet. Nous ne croyions pas
» à l’existence du bitume dans ce liquide, et en cela nous nous en rap-
» portions aux meilleurs chimistes. Nous supposions que la petite quan-
» tiré de matière animale morte qui peut s’y rencontrer seroit imper-
» ceptible, surtout dans i’eau puisée à une certaine profondeur (i), et
n nous voyions dans un simple tamisage un moyen d’arrêter les ani-
» maux dont l’arrivée accidentelle dans i’alambic nuiroitsans doute beau-
» coup à la qualité de l’eau distillée.
» On voit que nous nous attendions à ne rencontrer aucune diffi-
» cuite inhérente à ia nature de l’opération. Ceiles que devoit présenter,
» à bord d’un vaisseau en mouvement, l’activité d’un alambic, nous
» sembloient très-faciles à vaincre; et quant à l’économie, nous pou-
» vions juger d’avance que le litre d’eau distillée ne devoir pas coû-
» ter plus d’un centime. Ainsi, en abordant cette question, nous fûmes
»étonnés de trouver qu’on l’avoit mai jugée, et il nous parut évident
» que la distillation seroit un moyen de faire de feau douce aussi com-
» mode à employer que celui de l’embarquement, et bien plus avan-
» tageux.
»Avec tant d’apparence d’un succès si facile, nous ne devions pas
» nous occuper de perfectionnemens éloignés, incertains, et qui ne pou-
» voient en aucune manière convenir à notre but, à cause du départ
» prochain de ÏUranie; nous nous sommes donc déterminés pour un
»appareil distillatoire très-simple, et dont toutes les parties avoient la
»sanction de 1 expérience. On verra, parles avantages numériques que
»nous indiquerons, que nos espérances étoient très-fondées.
» Notre appareil se compose [voy. fig. M et N ci-après) d’un foyer
,1 ) Voy. Bergmann, Opuscules chimiques [Yj'usenaxion sur l’eau de la mer).