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Août.
près d’arriver au mouillage dans la baie de Kohaïhaï, lorsqu’une grande
pirogue double arriva à bord ; elle étoit montée par Kiaïmoukou, surnommé
Cox, principal chef ou gouverneur de l’île Mowi, et frère de
Kouakini.
C ’étoit un homme de 5 pieds 6 pouces passés, très-gros, assez mus-
culeux, d’une physionomie grave mais agréable (voyez pl. 82 ). Un Français
de Bordeaux, appelé A/m, établi dans ces îles depuis douze ans,
l’accompagnoit, et porta la parole en qualité de compatriote : il me dit
que Kiaïmoukou étoit envoyé par le roi pour me complimenter sur mon
arrivée et me faire connoître que j’étois attendu avec grande impatience.
Sur les assurances qui me furent données, je saluai le pavillon sandwi-
chien de onze coups de canon , qui me furent rendus en nombre égal
par une batterie établie à terre près de la résidence royale.
M. Rives étoit un homme de petite stature et d’une constitution grèle ;
il étoit en bottes, et assez propre, mais vêtu d’un habit de soie dont
l’excessive ampleur révéloit qu’il n’avoit point été taillé sur le patron
de celui qui le poi'toit. II s’exprimoit en français avec assez de difficulté,
et ne paroissoit pas d’ailleurs avoir reçu une éducation fort soignée.
Kiaïmoukou et sa suite , M. Lamarche et moi, nous descendîmes
ensemble dans mon canot, avec l’intention de faire visite au roi (i) ;
le monarque m’attendoit déjà sur la plage, vêtu d’un grand costume
de capitaine de vaisseau anglais, et entouré de toute sa cour. Malgré
l’aridité épouvantable de cette partie de l’île , le spectacle qu’offrit cette
réunion bizarre d’hommes et de femmes nous parut majestueux et vraiment
pittoresque. Le ro i, posté en avant, avoit ses principaux officiers
à quelque distance derrière lui ; les uns portoient de magnifiques manteaux
de plumes rouges et jaunes (pl. 85) ou bien en drap écarlate (2) ;
d’autres de simples pèlerines dans le même genre, mais où les deux couleurs
tranchantes étoient parfois nuées de noir : quelques-uns étoient
coiffés de casques (pl. 8 5 , 8p et po ). Un nombre assez considérable
de soldats, çà et là dispersés, répandoient, par la bizarrerie et i’irrégu-
( 1 ) K io r io ; il paroissoit avoir de vingt-quatre à vingt-cinq ans.
( 2 ) On me fit remarquer un manteau de ce genre qui avoit été donné par le capitaine
C o o k , et un autre pa r le capitaine V an co u ve r.
LIVRE IV. — D e G û a m a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 5 2 ^
larité de leur costume , une grande diversité sur cet étrange tableau : nul
ordre, nul ensemble de tenue et de mouvemens ne régnoient parmi eux ;
chacun portoit son fusil comme il lui convenoit ou selon qu’il le trouvoit
plus commode. Tous étoient ceints d’un langouti (i); mais la plupart
avoient en outre une énorme houppelande d’un calmouk brunâtre et
grossier; fiers de ce baroque accoutrement, ils se pavanoient devant
nous avec complaisance, sans se douter le moins du monde que leur tournure
fût à nos yeux une chose fort grotesque.
Près du rivage, une espèce de hangar léger avoit été construit pour la
circonstance : là , les femmes du ro i, toutes resplendissantes de jeunesse
, parées avec goût et même avec élégance , et se faisant distinguer
par l’expression de douceur qui se peignoit sur leur physionomie, com-
posoient un groupe gracieux et ravissant, auquel le jeu continuel des
émouchoirs, agités autour d’elles par leur gens , sembloit en quelque
sorte imprimer le mouvement et la vie.
Je m’avançai vers le roi, qui me toucha la main avec cordialité,'et
me fit dire, par M. Rives, qu’il alloit me saluer de sept coups de
canon. Je commençois à lui répondre , lorsqu’il me tourna brusquement
le dos, pour veiller, je pense, à l’exécution de sa promesse.
L’interprète me demanda pardon pour sa majesté, qui, quoique vêtue
à l’européenne , n’entendoit rien à ce que nous appelons complimens
ou étiquette de cour : je m’en étois bien aperçu moi-même, et j’avois
résolu de me mettre plus à l’aise à l’avenir. Dès que la salve fut finie,
Riorio revint à moi, et me fit une petite inclination de tête, à laquelle
je répondis de la même façon. 11 m’engagea ensuite à venir me reposer
et prendre le frais dans la maison royale; mais je lui demandai la permission
d’aller d’abord saluer les reines ses femmes : sur son consentement
, je m’avançai vers elles et leur touchai la main , qu’elles me
tendirent cordialement. Je remarquai sur-tout la haute taille (2) et la
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Août.
( 1 ) N o u s avons souvent parlé de cette espèce de ceinture portée par les sauv a ges; notre
planche 85 donnera une idée très-exacte de ce v ê tem en t, et de la manière dont il%st placé et
maintenu autour du corps. On le nomme ici maro, ainsi que dans plusieurs autres archipels de
rO c é an ie .
( 2 ) E lle n’avoit pas moins, en effe t, de 5 pieds 5 pouces 8 lignes