
C o lo n ie
de
F o i t - J a c k s o n .
T r a n s p o r t
d e s co n d am n é s .
pense qu’il conviendroit de tenir ces derniers dans une enceinte séparée,
et qu’il faudroit aussi une division entre les convicts dont ia conduite à
bord n’a rien de répréhensible et ceux qui sont le plus turbulens. Cette
pensée est bonne; toutefois on ne peut se flatter que les réunions impudiques
et les excès qu’on veut éviter n’aient point déjà eu lieu dans les
prisons avant ie départ. Au reste, quelque incomplet que puisse être l’effet
de la mesure proposée, sous le rapport des bonnes moeurs, nous croyons
qu’elle ne doit pas être négligée.
Mais ce qui n’auroit pas moins d’utilité, ce seroit de séparer les personnes
saines de celies atteintes de maladies contagieuses, circonstance
très-rare du reste, en raison de l’inspection attentive qui se fait toujours
avant de mettre sous voile.
Depuis quelques années, lorsque le gouverneur de Port-Jackson en lait
la demande et même quelquefois sans cette formalité, le ministère anglais
permet que les femmes et les enfans des convicts condamnés à vie
ou à long terme aillent rejoindre leurs maris (i) et leurs pères. Un passage
sans frais leur est en conséquence accordé ; et à cet effet on les embarque
sur les navires de transport de femmes, en ayant soin de ies
loger à part de celles qui sont convictes. Une telle disposition est inspirée
par des vues fort sages, puisque dans la colonie ies personnes du
sexe sont en nombre très - disproportionné relativement aux hommes.
L’ignorance où i’on étoit d’abord qne cette permission pût être obtenue
a porté plusieurs femmes à se rendre volontairement coupables de délits
entraînant peine de déportation, uniquement pour aller retrouver leurs
époux. Aussi, afin d’empêcher un tei abus pour l’avenir, le gouvernement
local a-t-il pris la résolution, quelque cruelle d’ailleurs qu’elle puisse
paroître, de séparer de leurs maris ies femmes déportées par suite d’un
tel calcul. On permet ie passage gratuit des femmes et des enfans des
déportés libérés, toutes les fois que ces derniers sont jugés dignes par
leur conduite de remplir les devoirs de chefs de famille.
Inconvéniens à vaincre. — Pendant les traversées on a principalement
à vaincre trois sortes d’inconvéniens : le libertinage, le désoeuvrement et
( i ) Q u a n t it é d e fem m e s lib re s o n t a c c om p a g n é ieur s ma ris c o n d am n é s à la d é p o r t a t io n ; je
ne s a ch e pas qu’ il y a it eu b e a u c o u p d ’e x em p le s du ré c ip ro q u e .
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 1 123
l'ignorance. Sur ies vaisseaux-transporîs de femmes convictes, la prostitution
étoit autrefois presque habiluelle, et l’on assure même que ies officiers
ne s’en défendoient pas toujours. De graves désordres étoient la
conséquence dé cette conduite immorale (i). On est parvenu à remédier
au mal, dans le plus grand nombre de cas, par de sages règlemens et
surtout par un choix approprié de chirurgiens-surintendans fermes et
bien intentionnés.
Le désoeuvrement n’est pas l’inconvénient auquel il soit ie plus facile
d’obvier. Pour le combattre on permet aux hommes de prendre
part à la manoeuvre, ou bien on les fait travailler à ces petits ouvrages
en bois et en paille qui occupent souvent les détenus dans les prisons.
Les femmes ont pour elles le tricot et la couture, qu’on leur fournit les
moyens d’utiliser.
On a proposé l’établissement d’écoles élémentaires à bord pour remédier
à l’ignorance des convicts, et la lecture des livres religieux pour
leur inspirer l’amour de l’ordre et de leurs devoirs; mais ces moyens,
mai mis en oeuvre, n’ont pas produit de grands résultats (2).
Route suivie. — La direction de la route pour les navires qui veulent se
rendre de la Grande-Bretagne à Port-Jackson n’est point indifférente, en
raison du plus ou moins de longueur des traversées. La durée moyenne de
44 voyages, faits directement, sans aucune relâche intermédiaire, a été de
1 27 jours. En ne faisant qu’une seule relâche à Rio de Janeiro, ia moyenne
de 38 voyages a été de 156 jours; et, en relâchant an Cap de Bonne-
Espérance seulement, on a eu 14 6 jours pour la moyenne de i i voyages.
La combinaison la plus avantageuse , sous le rapport de la durée du trajet,
seroit donc la traversée directe, et celle en relâchant à Rio de Janeiro
la plus défavorable. Toutefois cette dernière est celle que les capitaines
de navires prélèrent, parce que, ayant occasion de se procurer au Brésil
du sucre et du tabac, ils sont sûrs, en ies revendant aux convicts, de réaliser
des profits assez notables. 11 conviendroit donc de suivre de préférence
ia route directe, si l’on ne devoit pas tenir compte aussi de la
T r a n s p o r t
des c o n d am n é s .
( 1 ) Q u e lq u e s m a te lo t s a u d a c ie u x on t p lus d ’u n e fo is em p lo y é les fausses c le fs p o u r s’ in t ro d
u ire la n u it d an s le d o r to ir des fem m e s .
(2) V o y e -^ sur c e su je t le 6® p a r a g ra p h e d e ce ch ap itre .