
P o n - Ja c k s o n .
D e l’ homme
en société.
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Keligion.
» riages solennels, toutes ensevelissent leurs morts. Chez les nations les plus
» sauvages et les plus barbares, nul acte de la vie n’est entouré de céré-
» monies plus augustes, de solennités plus saintes, que ceux qui ont rapport
» à. la religion, aixmariage, aux sépultures [i].,. Voyons si àla Nouvelle-Hollande
nous trouverons quelques traces de ces coutumes, que le savant
napolitain assure se rencontrer par-tout.
Croyance. G est une opinion depuis longtemps enracinée chez ies
aborigènes de ces contrées, qu’après leur mort ils iront d’abord au
sommet des plus grands arbres et de là dans les nuages, où iis arriveront
sous la forme de petits enfans, et que dans ces paradis aériens ils
auront une grande abondance de vivres et sur-tout de poissons. Mais
depuis 1 arrivée des colons anglais leur superstition s’est un peu modifiée;
ils pensent aujourd hui qn ils deviendront blancs après leur mort, et qu’ils
iront habiter des pays éloignés. Ils croient même que les âmes de ieurs
aieux, dans ce nouvel état, se montrent quelquefois au milieu d’eux. Pleins
de ces imaginations, ils considèrent les Européens comme autant de leurs
ancêtres, qui ayant péri dans les combats sont revenus par mer pour les
visiter. Quand on leur parle des peuples divers répandus sur la surface de
la terre et dont jusque-là ils n’ont eu aucune idée,' ils disent que ce sont
leurs concitoyens décédés qui peuplent ces contrées lointaines ; et cette
croyance est si fortement imprimée dans leur esprit, que s’il leur arrive de
découvrir quelque ressemblance de fîgure entre iin Anglais et un de leurs
amis défunt, ils ne manquent pas de s’écrier aussitôt : A h ! voilà un tel,
mort il y a tant de temps, et qui, devenu homme blanc, reparaît aujourd’hui.
vSturt (2) a trouvé la même opinion établie chez ies indigènes des bords
de la rivière Murray (par i 39“ de longitude E. P. ), qui n’avoient encore
eu de communication avec aucun Européen.
Ils sont pérsuadés que le malin esprit, toujours disposé à leur nuire,
épie sans cesse l’occasion de les enlever, et avec eux ieurs femmes
et leurs enfans, pour les faire mourir. Koén est le nom qu’ils lui
donnent; et ce qui est fort remarquable, c’est qu’ils appellent de même
m
( I ) Prin c ip es de la philosophie de ^histoire.
( 2 ) E x péd ition s in Southern Au s traU a, r. IJ .
LIVRE V. — D e s S a n d w ic h à P o r t - J a c k s o n in c lu s iv e m e n t . 76 i
ie soleil et la fondre. Celle-ci pour eux, c’est Koén qui, étant en colère, P o n - Ja c k so n .
produit les orages effrayans; ce personnage, disent-ils, a la figure d’un
nègre.
Souvent on leur a fait des questions pour savoir s’ils avoient
quelque notion d’un être suprême, dont on tâchoit de leur démontrer
la nécessité; ils se sont toujours obstinés à répondre que ce qu’on leur
disoit pouvoit bien être vrai pour les Européens, mais que chez eux ils ne
connoissoient rien de ce genre. On a pensé, d’après cela, que les Nouveaux
Hollandais n’avoient aucune idée d’une puissance surnaturelle et
bienveillante; toutefois, si nous examinons attentivement certaines
pratiques qui ieur sont familières, il nous sera difficile de ne pas reconnoître
qu’ils croient à la puissance bienfaisante des âmes de leurs aïeux,
ainsi qu’on y croyoit jadis aux îles Mariannes.
Une baleine se jette-t-elie à la côte, et leur sert-elle de pâture, iis
n’attribuent point au hasard un tel événement (i), mais bien à la bonté
de ieurs aïeux dont ies âmes étant passées, après leur mort, dans le corps
des marsouins, forcent, sous cette forme, les baleines à dériver vers la côre.
Plusieurs d’entre eux assurent avoir été témoins de l’apparition de
spectres ou revenans, mahn ou manè (2), qui, s’avançant lentement avec
un bruit extraordinaire, le corps courbé et les mains tendues en avant,
finissent par les saisir à la gorge et leur brûler la barbe et les cheveux.
Une idée fort commune chez eux, c’est que lorsqu’on a osé dormir
sur un tombeau, on n’a plus rien à craindre des spectres pour l’avenir.
Durant ce redoutable sommeil, disent-ils, l’esprit du mort arrive sans faire
de bruit, ouvre le corps du dormeur, en enlève les entrailles qu’il remer
ensuite, et ferme la blessure. On conçoit, d’après cela, qu’ils ne doivent
point aimer à s’approcher des tombeaux et encore moins à s’endormir
dessus; ceiui toutefois qui a eu la hardiesse de tenter cette formidable
épreuve devient immédiatement karrahdi.
Culte. — II ne faut pas s’attendre à retrouver ici ce culte épure
de la divinité qui brille chez les nations les plus civilisées de l’Europe ;
( I ) Voyez F ie ld ’ s Geograpliical Memo irs.
( 2 ) A u P o r t- Ja c k so n , ils appliquent encore ce nom de mn/in aux femmes qui s’adonnent
à la p ê ch e; et ils désignent sous celui de mû/ini les hommes qui se livrent à la même occupation.