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1820.
Janvier.
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12 12 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
en caimes et en rafales assez fortes, mais de peu de durée; dans la matinée
on vit deux bancs de glace, qui étoient peu élevés sur l’eau. La mer,
phosphorescente pendant la plus grande partie de ia nuit, rouloit des mollusques
énormes. Deux autres bancs de glace furent encore aperçus ie 23.
Depuis notre départ du Port-Jackson nous avions toujours eu un temps
couvert ou brumeux, mêlé de grains de pluie, et, depuis le 5 janvier,
souvent accompagné de neige ou de grêle; mais le 25 nous eûmes une
belle journée. Les marins accoutumés à naviguer dans ies hautes latitudes
se forment seuls une juste idée du plaisir qu’on éprouve dans ces momens
où la nature, débarrassée de son cortège humide, se revêt de ses
brillans atours. La matinée surtout fut magnifique. Notre navire, poussé
par une brise légère, filoit six noeuds sur une mer aussi unie que l’est
celle des tropiques dans ses pius beaux jours; l’air éloit agréable, et le
soleil, qui ne s’étoit pas montré à nous depuis longtemps, ne contribua
pas peu, en nous faisant sentir ses rayons pénétrans, à nous inspirer des
idées douces et riantes. Cependant, comme ie ciel brumeux est celui
qu’accompagnent les vents favorables, nous nous vîmes réduits à souhaiter
le retour de ces bourrasques qui nous faisoient avancer vers le terme
de notre voyage.
Elles revinrent enfin, et jusqu’à notre atterrissage à la Terre-de-Feu,
nous continuâmes à être favorisés par une forte brise d’Ouest. Pendant
toute ia traversée, qui a été singulièrement rapide, nous n’avons point dépassé,
vers ie Sud, le parallèle de 58° 1/2 ; nous étions par cetle latitude
le 29 janvier, et sous le méridien de 102° à i’O. de Paris. Le plus grand
froid que nous ayons éprouvé eut iieu le 26 janvier, à-t-i/ 8 centigrades,
mais il avoit tombé beaucoup de neige ce jour-là. Pendant notre route
nous eûmes continuellement près de nous des albatros et des pétrels. Il
est vraiment admirable devoir avec quelle rapidité volent ces oiseaux:
iis nous suivoient en se jouant autour de la corvette alors même que
nous filions de neuf à dix noeuds.
Etant par 120° de longitude O. P., nous aperçûmes deux ou trois
grands manchots ; nous passâmes assez près d’eux pour bien les reconnoître
à ieur cri et à la manière dont ils s’enfoncent sous l’eau. La présence
de ces oiseaux nageurs, à une distance des terres connues aussi
LIVRE VI. — D e P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 12 1 3
considérable que celle où nous nous trouvions, ne sembleroit-elie pas
annoncer que des rochers ou îlots, non découverts jusqu’alors, se trouvoient
peu éloignés de nous!
Aussitôt que nous eûmes atteint la latitude de 5 5° et au delà, un phénomène
assez singulier se fit remarquer parmi nous; ce fut une insomnie
presque générale, dont la présence d’un jour pour ainsi dire perpétuel,
étoit la cause. Ainsi, du 9 au 12 janvier, par exemple, le soleil se levant
à 3'“4 5 rilu matin, et se couchant à 8’‘ i j j i l enrésultoit un crépuscule d’une
fort longue durée; car il n’avoit pas encore cessé au couchant, que nous
le voyions reparoître du côté de l’Est. Or l’habitude, contractée dans nos
climats, de ne nous coucher qu’après la nuit close, ne pouvoit se concilier
avec une clarté continuelle du jour. La fatigue finit cependant par l’emporter
sur l’habitude.
Les nombreux oiseaux que nous voyions voler autour de nous concoururent,
avec nos observations astronomiques journalières, à nous
annoncer la rencontre prochaine de la terre. Les côtes de ia Terre-de-
Feu étant encore fort incomplètement connues, je crus de la prudence
de ne pas y atterrir durant la nuit; nous restâmes donc en travers pendant
la nuit du 4 au 5 février, et à 3 heures du matin nous remîmes
en route.
Deux heures pius tard , ia vigie annonça la terre, que nous reconnûmes
pour être le cap de la Désolation. On n’apercevoit encore suria côte qu’un
petit nombre de caps plus élevés, et queiques îlots au large, Je manoeuvrai
pour la prolonger parallèlement de l’Ouest à l’Est.
Malgré une atmosphère couverte et pluvieuse, accompagnée de grains
fréquens, nous distinguâmes diverses pointes avancées, et d’autres détails
fort hachés , entièrement dépourvus de végétation. Les montagnes de l’intérieur
nous paroissoient d’une hauteur prodigieuse, et les rivages d’une
teinte en générai si sombre et si noirâtre, qu’on eût pu véritablement les
prendre pour ies murailles de l’enfer. La neige se montroit sur les cimes
les plus élevées.
Le même jour, à six heures du matin, nous nous trouvâmes à l’ouverture
de deux baies dont la brume nous empêcha de distinguer ies détails.
Une montagne voisine, cependant, nous parut très-remarquable par les
4 ié\ rier.