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1 820.
Novembre.
1384 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
annuler d’une manière fâcheuse ce qu’une bienveillante et sage prévoyance
avoit fait établir à grands frais pour ie salut des navigateurs.
Le temps, toujours mauvais, s’éclaircit enfin un peu. Je désirois entrer
à Cherbourg pour y prendre un pratique du port du Havre ; mais c’est
en vain que je louvoyai dans le voisinage du premier de ces ports pour
chercher un de leurs bateaux, nous n’en aperçûmes aucun, et il
fallut, de guerre lasse, que je me décidasse à entrer, pour ainsi dire à
tâtons, dans la rade de Cherbourg, ce que j’exécutai le 10 novembre
à 2 heures du soir. J ’étois sur ie point de laisser tomber l’ancre, lorsqu’un
pilote accosta le bord. En le voyant arriver tout juste à l’instant
où sa présence m’étoit complètement inutile, je fus outré à tel point
que si je me fusse laissé aller à mon premier mouvement, je l’eusse
immédiatement renvoyé à terre. Toutefois je lui témoignai vertement ma
surprise de son incurie ou de sa paresse; mais ce pauvre homme me
désarma tout à fait en me disant d’un air contrit que les bateaux de Cherbourg,
dont ses confrères et iui disposoient, étoient trop petits pour
tenir le large, et que par cette raison ils ne pouvoient faire ieur service
qu’en rade. « Autant vaudroit, lui dis-je, que vous et vos confrères vous
restassiez tranquillement couchés chez vous. »
J ’envoyai un officier pour saluer de ma part le commandant de la
marine, lui parler de la mission de ÏUranie, et iui dire l’objet de notre
relâche à Cherbourg, qui étoit uniquement de prendre un pilote pour
nous conduire au port du Havre. Je fis demander en même temps des
vivres frais pour l’équipage, et m’excusai, sur mon état de souffrance, de
ne pas descendre moi-même à terre.
Ii étoit important que je fisse promptement connoître au ministre de
la marine ies dernières circonstances de notre circumnavigation. J ’expédiai
en conséquence M. Lamarche à Paris, avec des dépêches où
j’exposois à S. Exc. que j’allois me rendre au Havre, et que je la priois
de vouloir bien m’y transmettre ses ordres, tant pour ie débarquement
des collections d’histoire naturelle, des instrumens et des journaux de
l’expédition, que pour le transport de ces divers objets à Paris, où'je désirois
être autorisé à me rendre moi-même sans délai.
Dans une lettre spéciale, je mis également sous ses yeux la belle
LIVRE VI. — D e P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1385
conduite de l’équipage de ÏUranie depuis le naufrage de cette corvette jusqu’à
l’armement de la Physicienne, et lui demandai que, contrairement
au règlement existant, ia solde des marins sous mes ordres ne fût point
interrompue durant les 2 mois et 25 jours qui s’étoient écoulés dans
cet intervalle.
Je me hâte de dire que ie ministre, prenant en considération les
circonstances particulières dans lesquelles nous nous étions trouvés, accorda
sur-le-champ ma demande, et donna ordre que le j'ôle d’équipage
de ÏUranie seroit continué jusqu’à l’ouverture de celui d e /« Physicienne.
A l’instant de notre attérissage sur les côtes de France, j’avois exigé
des personnes de i’état-major la remise de toutes les notes, cartes, dessins
et journaux qu’elles avoient faits ou recueillis pendant l’expédition;
ces matériaux, destinés à former plus tard la relation générale du voyage
que le gouvernement feroit publier, devoient lui être scrupuleusement
rendus. MM. Lamarche, Duperrey, Fabré, Guérin, Quoy, Gaimard,
Gaudichaud, Raiiliard, Gabert, de Quélen et Jacques Arago me donnèrent
tous par écrit leur parole d’honneur que cette remise avoit été
pleine et entière.
Il me restoit encore quelques médailles de l’expédition ; j ’en offris
une en argent à chacun des membres de l’état-major, et une en bronze
à tous les maîtres, seconds maîtres et autres officiers mariniers du bord.
Le 1 1 novembre, jour du départ de M. Lamarche pour Paris, M. de
Quélen, notre aumônier, et M. Jacques Arago, dessinateur de l’expédition
, m’ayant témoigné le désir de retourner promptement dans la capitale,
je leur accordai sans difficulté leur débarquement.
On ne m’envoya que le i 3 ie pratique que j’avois demandé au commandant
de la marine; j’appareillai ce même jour à i heure 45 nri-
nutes du soir, instant convenable de la marée, pour me rendre au Havre ,
où la corvette enmi enfin le 13 , à 1 1 heures 50 minutes du matin.
Ainsi se termina une navigation de 3 ans et 2 mois, moins 4 jours,
pendant laquelle nous avions parcouru 18 862 lieues marines, équivalentes
3 2 3 577 lieues moyennes de France. Ma santé étoit aiors tellement
altérée que je me hâtai de descendre à terre, où je fus assez heureux pour
trouver dans une maison amie toutes les prévenances et les soins déii-
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N o v em b re .