
Commerce.
connoître ceiles qui ont pris leur source clans la cupidité et l’ignorance
de quelques marchands français.
Des hommes, pour la plupart anciens capitaines du commerce, mais
visant au titre pompeux d’armateurs, frétèrent des navires et composèrent
leurs cargaisons sans avoir aucune connoissance de l’étendue et de la nature
des besoins du pays vers lequel ils se dirigeoient. Prenant à crédit
ies marchandises qu’iis exportoient de France, et d’ailleurs peu difficiles
sur le choix, ils recevoient sans examen tout ce qu’on leur livroit. Ainsi
ils transportèrent des vins, ies uns travaillés, falsifiés, nuisibles, auxquels
ils donnoient les noms de nos meilleurs crus du midi; d’autres, qu’ils
présentoient sous des dénominations inconnues, telles que vins du jour,
de la garde, &c. &c. A ces cargaisons ils réunissoient les fonds de magasins,
les rebuts des fabriques, qu’ils arrachoient aux pacotilleurs sous le
grossier appât d’un bénéfice assuré. Ces hommes avides, et qui savent
toujours bien se tirer d’affaire aux dépens de ceux dont ils ont surpris la
confiance, arrivoient dans ces contrées, vendoient à des prix inférieurs à
ceux d’achat, payoient le fret sur ies premiers produits, faisoient des
retours qui ne représentoient pas ie tiers ou ie quart de la cargaison,
renvoyoient le bâtiment, et restoient eux-mêmes à Rio de la Piata, sous
le prétexte de liquider l’expédition, mais réellement pour dissiper d’une
manière ignominieuse ce qu’ils avoient enlevé à des personnes trop confiantes.
Là ils bravolent tous les efforts qu’on pouvoit tenter pour ieur faire
rendre des comptes. Aux premiers soupçons de recherches, iis partoient de
Montévidéo pour Buenos-Ayres, ou de Buenos-Ayres pour Montévidéo,
déjouant ainsi toute espèce de perquisition, et comptant sur les lenteurs
et les frais énormes qu’eussent entraînés des poursuites judiciaires
C’est de Marseille seulement que sont parties les frauduleuses expéditions
dont je viens de rendre compte, tandis que celles qui se sont
faites à Bordeaux et au Havre se sont toujours distinguées par le bon
choix et l’excellente qualité des marchandises.
Les négocians de Montévidéo que j’ai consultés pensoient qu’il seroit
facile de' parer à ces inconvéniens par i’un des deux moyens suivans :
Le premier seroit de forcer à se rembarquer, sur le navire même qui
les auroit amenés, ies subrécargues qui dissiperoient ainsi follement le
LIVRE VI. — De P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1343
produit de leur cargaison , afin de les obliger à rendre compte de leur ges- Rema rque s
tion aux intéressés. Quelques exemples sévères, en cas de culpabilité, M ontévidéo.
couperoient ie mal dans sa racine; mais il faudroit pour cela qu’il y eût C om m erc e,
.sur les lieux un agetit consulaire quelconque.
Par le second , on investiroit le tribunal de commerce du port de départ
d’assez d’autorité pour se faire rendre compte des expéditions qui seroient
entreprises par des hommes qui ne pourroient offrir par eux-memes, ou
par des personnes honorablement connues, une garantie suffisante pour
assurer les droits de tous ceux qui seroient intéressés à i’armement.
De tels abus tendent évidemment à répandre de ia défaveur sur notre
bonne foi et à nous discréditer dans l’opinion avantageuse que les étrangers
ont des Français. Les populations de l’Amérique espagnole du Sud
s’honorent de quelque conformité de goûts et de caractère quelles ont
ou prétendent avoir avec nous; et ce sentiment, qui, dans tout état de
choses et de vues, mériteroit d’étre entretenu, seroit bientôt remplacé par
ia défiance, si d’aussi funestes et d’aussi coupables spéculations pouvoient
impunément continuer.
Les principaux objets d’exportation qu’en temps de paix nous pourrions
recevoir ici, en échange des produits de notre soi et de notre industrie
manufacturière, seroient ia viande de boeuf séchée, le suif, les cuirs en vert,
le crin, ia laine, ies métaux d’or, d’argent et de cuivre, à quoi il faudroit
ajouter les mules vivantes, qui sont à fort bon marché à Montévidéo, et
que i’on va vendre à très-haut prix, soit aux Antilles, soit à Bourbon ou
à l’Ile-de-France.
Pendant notre séjour à Montévidéo, une mule coûtoit 2 piastres
[ 1 0 / 8 0 ' ] , et l’on pouvoit espérer de la vendre 1 5 0 à 2 0 0 piastres
[ 8 1 0 ' à I 0 8 0 ' ] dans nos colonies. Parmi celies qui ont été portées à
l’IIe-de-France, ies plus belles se sont vendues jusqu’à 4 oo piastres
[2 I ô o / la pièce. II faut ajouter au prix d’achat primitif environ 2 piastres
pour frais d’embarquement (droits de douanes compris) et en sus la
nourriture de ia hête, le fret de transport et la mortalité pendant ie
voyage. On assure qu’en 1819, toutes ces choses calculées, le prix d'une
mule rendue à l’IIe-de-France pouvoit être évalué à environ 36 piastres
[ 194/ 40'].
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