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Dé cembre
est doublement intéressante par ses qualités personnelles et par une
famille charmante élevée par ses soins; je vis aussi le respectable
M. Palmer, ancien commissaire général de la colonie. Enfin j’allai
prendre congé de mes honorables amis M. et M™*^ Macquarie; je ne
pus voir que cette dame, son mari étant retenu au lit par ses souffrances.
Après avoir reçu avec affabilité et modestie la vive expression
de mes remerciemens, elle s’empressa de me parler, à ma grande surprise,
du vol de mon argenterie. M. le gouverneur, me dit-elle, regar-
doit comme juste que j’en fusse indemnisé sur la caisse de l’administration,
soit en effets de même nature, soit en une somme équivalente;
attendu, selon iu i, que c’étoit à la négligence de la poiice qu’on
devoit imputer cette perte. Malgré son insistance, je refusai de me
laisser convaincre, mais ne m’en montrai pas moins sensible à tant de
délicatesse et de générosité. Ce ne fut pas sans un sentiment profond de
regret que je quittai cette maison respectable, où tant de motifs eussent
pu me retenir encore, mais que de trop impérieux devoirs m’obligeoient
d’abandonner promptement.
De retour à Sydney, mes officiers et moi nous allâmes dîner le i 5 chez
M. Bigge. Nous assistâmes, aussi en commun, le lendemain, à un second
grand bal donné par M. Wylde.
M. Field, dont l’active obligeance ne pouvoit se démentir un seui
instant, voulut bien m’accompagner dans tous les établissemens publics
où des explications m’étoient nécessaires. C’est ainsi que nous vîmes
ensemble le bagne des convicts, la banque de Sydney , le magasin des
vivres et effets du gouvernement, les ateliers généraux, et quelques
autres monumens non moins dignes d’intérêt. La course que nous fîmes
ensemble au phare de l’entrée du port, en admirant les effets pittoresques
et bizarres du paysage qui bordoit ia route qui y conduit, course suivie
d’une promenade jusqu’à Camp-Cove, qui en est voisin, me permit
encore, à la veille de notre séparation, de passer près de lui quelques
heures profitables, de même que toutes celles qu’il m’avoit consacrées,
et que j’aimerai toujours à me rappeler comme les plus douces dont j’aie
joui durant mon voyage.
Cependant on disposoit tout à bord pour notre prochain départ ;
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n in c l u s i v e m e n t . ¿ 3 5
j’avois fait mes visites d’adieu; la maison du bon M. Field étoit la seule
que je fréquentasse encore, quand je reçus du secrétaire générai de la
colonie, M. Campbell, une lettre écrite par ordre dn gouverneur. Elle
contenoit de nouvelles et pressantes instances pour me faire accepter
un paquet d’argenterie qui l’accompagnoit, en dédommagement du voi
de la mienne. Je rendis le paquet sans l’ouvrir; et motivant un refus
que m’imposoit ma propre conviction, je m’efforçai, dans ma réponse,
d’exprimer avec chaleur combien je savois, au reste, apprécier la noblesse
du procédé dont j’étois l’objet.
Parmi les nombreux articles de ravitaillement qui furent embarqués,
se trouvoient une vache laitière et son veau, deux chèvres et douze
moutons, dont M. le gouverneur voulut bien me faire présent pour ma
table; de plus, six caisses de jus de limon destinées à-la-fois pour l’état-
major et pour l’équipage de la corvette.
L’expédition dut, en outre, aux bontés de M. John Mac-Arthur, un
couple de béliers mérinos de larace perfectionnée de la Nouvelie-Fîoliande,
que je lui avois demandés, dans l’espoir de l’introduire en France. Pour
i’immeiise avantage qu’il nous faisoit en nous concédant un aussi précieux
trésor, il ne voulut recevoir aucune espèce de dédommagement. « J ’espère,
» m’écrivoit-il en me les adressant, que ces animaux pourront être en
» France d’un aussi grand prix qu’ils paroissent devoir le devenir dans
» cette colonie naissante. Si ce voeu se réalise un jour, je me croirai fort
» dédommagé du sacrifice momentané que je fais en ce moment, et je
» m’estimerai heureux d’avoir pu reconnoître par-là quelques-unes des
» politesses et des prévenances dont mes fils et moi nous fûmes l’objet
» lorsque nous visitâmes votre belle patrie. »
Le 2 5 , à peine la marée fut-elle favorable, que nous en profitâmes
pour mettre à la voile : la brise nous étoit contraire ; en sorte qu’obligés
de louvoyer pendant une grande partie de la journée, nous ne pûmes
doubler les pointes extérieures de l’entrée du port qu’à deux heures et
demie du soir.
J ’avois été prévenu que des convicts déserteurs chercheroient probablement
à se cacher à bord, et à s’échapper ainsi de la colonie. Je fis
faire en conséquence des recherches minutieuses , et l’on parvint en
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D é c em b re .