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P o rt-Ja ck son . On ne rencontre point de bossirs, et les nains sont très-peu nombreux.
D e l’homme Les cas d’obe'sité sont encore plus rares : il ne s’en est présenté qu’un
comme individu. ' ^ i
seul à M. Gaimard, chez une femme qui, vivant depuis long-temps avec
des pêcheurs anglais, faisoit habituellement usage d’une nourriture substantielle
et abondante. II n’y a ni sourds ni muets; la cécité complète
offre peu d’exemples ; mais on voit au contraire assez fréquemment des
borgnes, dont l’inltrmité ne paroît pas être toujours la suite de blessures
faites à la guerre ou de sévices.
§. II.
De l ’homme vivant en famille.
No u rn tu re . La base de la nourriture des indigènes voisins de la mer et des grandes
rivières, est le poisson, ainsi que les huîtres et d’autres coquillages. La
répugnance singulière qu’ils ont pour ies raies et les requins est remarquable;
mais une baleine échone-t-elle sur la côte, un nombre considérable
de sauvages accourent sur le iieu de l’événement pour se partager
la curée, et ils célèbrent par des fêtes, que nous décrirons plus bas, la
joie qui les anime. Les naturels qui, demeurant loin de la mer et des
eaux courantes, ne peuvent pas profiter des avantages de la pêche, vivent
de chasse dans les forêts, et mangent en général de tous ies animaux
qu’iis peuvent prendre. Ils recherchent sur-tout les opossums, les kanguroos,
les lézards, entre autres celui qu’on appelle guana, dont ils
aiment passionnément la chair blanche et plus délicate, dit-on, que
ceile du poulet; les serpents, les vers qui naissent dans le bois pourri
et dans la tige du xanthorrhéa; enfin les fourmis, qu’ils mêlent à une pâte
de racine de fougère, dans laquelle iis font entrer volontiers ies oeufs
mêmes de ces insectes , qu’ils regardent comme un excellent mets.
Outre la racine de fougère, ils ont encore la tige du lys géant, ainsi
qu’un petit nombre de baies et de bulbes indigènes de peu d’importance;
et, parmi les productions exotiques, le maïs, qui leur plaît beaucoup, et
qu’ils mangent soit bouilli, soit grillé sur les charbons, ainsi que le blé.
Le goût particulier qu’iis ont pour le sucre et pour toutes les substances
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 725
sucrées paroît sur-tout dans les recherches assidues qu’ils font du miel P o r t-Ja c k so n .
sauvage; et l’on peut dire que, pendant leurs marches au milieu des De l’homme
torets, ils tiennent leurs yeux presque toujours hxes sur la cime des
arbres, dans l’espoir qu’ils ont d’apercevoir quelque indice de cette substance.
L’abeille renfermée dans les alvéoles devient elle-même leur proie;
car cet insecte, sans aiguillon, est aussi sans danger pour eux.
L’aversion singulière qu’ils manifestent pour la viande de quadrupède
crue n’est pas moins digne d’attention ; on eu peut dire autant de leur
dégoût pour les animaux putréfiés ; le sang sur-tout ieur est en horreur; et
à cet égard ils montrent une délicatesse qui nous paroît excessive.
Boissons. — L’eau la plus pure est celle dont ils font usage et qu’ils
recherchent, car ils ne fabriquent aucune liqueur fermentée ; cependant
ils doivent aux Anglais la connoissance perfide de ces boissons enivrantes,
source pour eux de tant de misères et de maux.
Art culinaire. — L’art culinaire, chez ces peuples, consiste à faire
cuire le poisson ou la viande sur ia cendre chaude ou sur les charbons
ardens. Si l’animal n’est pas très-gros, on le jette sur le feu, sans en ôter
la peau, et à l’instant même de la capture; toutefois les grands quadrupèdes,
tels que les kanguroos, sont dépouillés et vidés préalablement ; on
met cuire les entrailles à part, avec la seuie précaution de retourner les
boyaux, car on ne-Ies lave jamais , circonstance toujours choquante pour
les Européens. Cette espèce particulière de mets demande plus de cuisson
qu’aucune autre. Dès que les entrailles sont apprêtées, on les dévore
sans délai, puis l’animal lui-même est mis sur le feu et rôti à son
tour; les convives mangent autant qu’ils le peuvent, après quoi ils s’endorment
en place, laissant le reste du festin devant le feu, pour qu’en
se réveillant, ce qui arrive trois ou quatre fois dans la nuit, ils puissent
de nouveau s’en repaître; on ste les voit jamais quitter la ^lace que
tout ne soit consommé, à moins qu’une force majeure ne ies y oblige;
ia digestion qui suit cet excès de gloutonnerie, les jette dans un état
d’hébétude presque complet.
En allant à la pêche, ils ne manquent point d’avoir avec eux un
tison allume, afin qu’aussitôt pris, leur poisson soit mis sur le feu et
mangé immédiatement. Lorsqu’ils se sont convenablement gorgés de