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Course
au Nouveau-
Fribourg.
que nous rencontrions avoient une chajielle, ordinairement placée à
l'extrémité de la galerie qui est en face des appartemens; on y fait tous
les soirs la prière, à laquelle les maîtres et les esclaves ne manquent
Jamais d’assister. Quelques propriétaires riches, comme le colonel Eerrera
par exemple, ont chez eux un aumônier à l’année pour y dire la messe:
nous assistâmes chez lui aux chants religieux du soir.
>• M. Ferrera paroît prendre heaucoup de soin de ses esclaves. Ses négrillons
sont très-bien vêtus, et vivent familièrement dans la maison du
maître. En général il nous a semblé que les nègres étoient traités dans ies
campagnes avec plus de bonté qu’à la ville. Dans celles-ci, souvent abandonnés
à enx-mêmes, il faut qu’ils trouvent à tout prix la somme qu’ils
doivent rapporter chaque soir à ieur maître, sous peine des plus rudes
châtimens : aussi y en trouve-t-on souvent d’insolens, de voleurs, quelquefois
même d’assassins, et faut-il constamment se tenir sur ses gardes.
» Après avoir pris congé du colonei Ferrera et de sa famille,
nous traversâmes, devant sa porte même, la rivière Batatal, qui est un
prolongement de celle de Macacu, et nous commençâmes à nous
avancer dans l’épaisseur des montagnes. Des arbres majestueux omhra-
geoient l’un et l’autre côté de notre route; mais comme nous ne pouvions
pas espérer, tout en continuant nos observations et nos recherches
d’histoire naturelle, d’arriver le même jour chez les Suisses, nous nous
contentâmes de faire seulement deux lieues de plus, et nous nous arrêtâmes
à la ferme de M. Lorenzo, située dans ia position ia plus heureuse,
au milieu des montagnes. Cette habitation, remarquable par des
cultures très-soignées, possède, surtout en café, des plantations d’une
magnifique venue.
» Ici l’hospitalité la plus cordiale est accordée à tous les voyageurs sans
exception; et, comme cette maison est bâtie sur ia seule route qui conduit
au Nouveau-Fribourg, il n’y a pas non plus de jour où, depuis l’établissement
des Suisses au Brésil, on n’y reçoive quelque étranger. Cette
hospitalité si désintéressée est une chose admirable, louchante, et qui
étonne toujours ies Européens. M. Lorenzo, sa femme el sa famille ont
tant de douceur et de bonté, qu’on s’attache d’abord à eux en les voyant,
et qu’ensuite on ne peut les quitter sans regret. Quant à moi le peu de
LIVRE VI. — D e P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1365
temps que j’ai séjourné dans cette belle et profonde solitude, le calme
qui régnoit autour de moi, la paix et le bonheur dont sembloient jouir
mes respectables hôtes, me firent oublier pour quelques instans la vie
aventureuse que je menois depuis plusieurs années. J ’aurois voulu ne pas
être forcé d’aller plus loin, borner là ma route, et passer chez M. Lorenzo
tout ie temps qui m’avoit été accordé pour remplir ma courte
mission.
» Ce respectable habitant avoit été très-malade et l’étoit encore. On peut
deviner toute la satisfaction que j’éprouvai à pouvoir iui donner quelques
conseils sur sa santé, car je n’avois que des conseils à offrir, et aucun
autre moyen d’acquitter, du moins en partie, la dette de la reconnoi.s-
sance.
» Notre hôte et son fils m’aidèrent dans mes collections : ils chassèrent
pour me procurer de beaux caciques à queue jaune, qui, le soir, venoient
se percher sur les orangers. Ils eurent enfin pour nous toutes les complaisances
possibles, et détruisirent une partie des préventions peu favorables
que diverses circonstances nous avoient fait concevoir contre les
Portugais du Brésil, préventions probablement réciproques.
» Nous quittâmes d’assez bon matin cet agréable lieu, qui se nomme
Agoas-Compridas, ne chargeant que très-peu notre mulet, à cause des
mauvais chemins que nous savions devoir rencontrer. Bientôt en effet il
nous fallut gravir une très-haute montagne, où notre monture enfonçoit
dans une espèce de vase rougeâtre, très-tenace, et sur laquelle nous glissions
nous-mêmes à chaque pas. Une circonstance qui prouve la difficulté
de ces passages, c’est que nous vîmes sur la route une grande quantité de
mulets morts.
» Nous ne tardâmes pas à nous trouver au premier poste militaire, nommé
Registo da Serra, qui est éloigné d’un peu plus de deux lieues de chez
M. Lorenzo; puis, en suivant de nombreux détours et des sentiers dont
les bords ne sont souvent soutenus que par des troncs d’arbres placés
sur d’affreux précipices, nous arrivâmes au Registo da Boa Vista, distant
du premier d’une grande lieue; là notre portaria fut examinée pour la
troisième et dernière fois depuis notre départ de Rio de Janeiro. Nous
étions à peu près alors au point le plus élevé de la montagne qu’on
Voyage de l ’Uranie. — Historique. T . II. L 1 1 i i 11 1
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au Nouveau-
Fribourg.