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Considérations
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bagnes, etc.
I I 72 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Colonie II étoit intéressant de connoître les nombres de forçats et de prison-
Port-Jackson libérés qui rentrent annuellement dans la société (i) : notre tablean
n.° 6 donne ces nombres depuis i 8 16 jusqua 1833 pour les bagnes, et
montre en outre qu’après avoir augmenté jusqu’à 1822, époque du maximum
, iis ont été depuis iors en diminuant, quoique parfois avec intermittence.
Pour ies prisons centrales, nous ne donnons ces documens
que depuis 1830; mais ici la série a une marche décroissante, quoique
les nombres groupés en intervalles de dix années suivent bien évidemment
un ordre inverse. Le rapport du nombre de femmes condamnées
aux travaux forcés pendant 10 ans, comparé au nombre des hommes
provenant des mêmes prisons et des bagnes, pendant la meme peiiode ,
est invariablement celui de i : 3, 6; je lai trouvé de 1 : 3 , 3 I»
seule année 1830; mais il faut remarquer que ie bagne de Lorient,
destiné aux soldats détenus pour délits militaires, avoit été supprimé
pendant cette même année, et que les coupables qu’il contenoit avoient été
graciés en totalité. Sans cette circonstance, le rapport des femmes aux
hommes, à l’époque particulière dont il s’agit, eût été nécessairement un
peu plus fort. Je n’ai pu me procurer des éléments de comparaison pour
d’autres années.
Dans les questions de statistique judiciaire, on est souvent étonné de
la constance de certains rapports, qui semblent être en opposition avec
ia liberté de l’homme. « S i nous considérons, dit M. Guerry (2), le
» nombre infini de circonstances qui peuvent faire commettre un crime,
» les influences extérieures ou purement personnelles qui en détermi-
'■ nent le caractère, nous ne saurons comment concevoir qu’en dernier
.. résuitat leur concours amène des effets si constans; que ies actes d’une
» volonté libre (3) viennent ainsi se développer dans un ordre fixe, se
» resserrer dans des limites si étroites. Nous serons forcés de reconnoître
(1) En 1827 le nombre total des forçats libérés qui existoient dans tout le royaume s’élevoit
à 11 464, et celui des condamnés libérés de la réclusion à 7 896. (Voyez Comptes rendus de la
justice criminelle en France, pour l’année 1827). Il n’est pas question dans cet ouvrage des libérés
des autres prisons.
(2) Essai sur la statistique morale de la trance.
(3) On ne peut pas dire qu’une masse d’individus, ou un individu moyen, ait une volonté libre.
Tout homme considéré isolément a une volonté libre sans doute , mais c’est à l’individu seul et
non à un être moyen ou fictif que cette qualité s’applique.
LIVRE V. — D es S a n dw ic h à P o r t - J a c k so n in c l u s iv em e n t , i i 7 3
» que les faits de l’ordre moral sont soumis, comme ceux de l’ordre phy-
» sique, à des lois invariables, et qu’à piusieurs égards la statistique port-Ja/kson.
■> judiciaire présente une certitude complète. » Considérations
On sait içaeï individualité de T homme moral agw, dans de certaines |g5 ¡,3™/ etc.
limites, par ia volonté qui lui est propre , mais que d’ailleurs tout ce qui
existe est dépendant des lois suprêmes qui régissent le monde. Cette vérité
se montre dans tout son jour lors des perturbations des empires; une
force invisible pousse alors les hommes, à ieur insu, dans la route
qu’ils doivent suivre; et il est curieux d’étudier comment cette espèce
de fitalisme s’allie avec la liberté individuelle de l’homme.
Celui-ci, comme être intellectuel, peut toujours se décider dans le
sens qui lui plaît; mais il ne produit pas, à beaucoup près, l’effet qu’il
imagine : le levier sur lequel ii porte la main s’allonge ou se raccourcit
suivant que l’a réglé k divin architecte [i).
Ne pas envisager les choses ainsi, ce seroit ne voir qu’un côte de la
question; et, en bonne philosophie, et surtout en philosophie morale,
on doit chercher à étudier les faits sous toutes leurs faces, tant les
problèmes relatifs à i’homme sont difficiles et compliqués! Notre pouvoir
est immense, sans doute, pris dans les limites du cercle qui nous
a été circonscrit ; mais au delà notre nullité est complète.
Notre tableau n.° 6 contient encore , pour chaque année : i i e nombre
total des forçats renfermés dans les bagnes : la série en est actueliement
décroissante; 2.° celui des hommes qui y sont condamnés à vie, et dont
la progression au contraire va en augmentant; 3.° le nombre de ceux
qui y entrent chaque année : l’ordre intermittent des diminutions est
évident; enfin, il contient de plus celui des prisonniers qui s’en évadent:
ces derniers nombres, quoique très-variables entre eux, paroissent avoir
cependant une tendance à la diminution.
Mais dans quels rapports les forçats se sauvent-ils de nos divers bagnes?
(i) « S i l’on imagine une montre dont tous les ressorts varieroient continuellement de force,
» de poids, de dimension, de forme et de position, et qui montreroit cependant l’heure inva-
» riablement, on se formera quelque idée de l’action des êtres libres relativement aux plans du
» Créateur. » (J. de Maistre, Considérations sur la France.)