
Colonie nances, marchant dans toute la corruption de son coeur et s’en prévalant.
Port-.Iackson. C’est là que vous verrez toute la morale travestie : le crime, vertu; la
Considérations cruauté, courage ; l’entêtement dans ievice, fermeté de caractère; l’adresse
les faa«n/ etc ^ fih'e le mal, talent heureux; et la résolution dans le crime, grandeur
d’âme et dernier période de la vertu des méchans; enfin c’est là que vous
verrez la considération augmenter en raison du nombre e f de l’énormité
des forfaits.
» Telle est l’idée qu’on doit se faire d’une maison de force où sont
entassés confusément 4 000 individus plus ou moins criminels, repoussés
de la société; d’une maison confiée à ia direction d’un seul homme,
dont la responsabilité ne repose que sur le matériel; d’une maison enfin
créée pour la punition et la correction des coupables, et où les hommes
sont seulement donnés en compte, avec le soin unique pour l’administrateur
de veiller à ce qu’ils ne s’évadent point, et ne commettent rien
qui puisse ostensiblement nuire à la tranquillité publique.
» Quel est i’homme tant soit peu sensé qui ne regardera pas ces maisons
ainsi organisées comme un établissement immoral, barbare, insuffisant
et funeste?
» Avant la révolution, l’organisation des chiourmes étoit loin d’être
aussi vicieuse quelle l’est actuellement. Alors les forçats n’étoient point
confondus; on en avoit formé des classes séparées, selon la nature des
crimes (i). Ces classes portoient un vêtement différent et ne commu-
niquoient jamais entre elles. Rien de pius philosophique que cette distinction.
Ah! qu’if connoissoit bien ie coeur humain ceiui qui, pour
diminuer l’infamie, en nuança les signes; qui pour conserver dans ie
coupable une espèce de dignité, de conscience, qui fui servît de digue
contre une plus grande corruption , attacha de grandes idées à de petites
choses, établit un système de moralité dans fe séjour de l’immoralité,
isola certain crime d’un autre, et interposa ainsi entre les criminels mêmes
des préjugés de délicatesse et d’honneur!
■> Pourquoi ce système a-t-ii été abandonné? Auroit-on voulu intro-
(l) M. Huerne de Pommeuse, dans son ouvrage Sur les colonies agricoles, dit que dans le
bagne d’Anvers il y a quatre classes de détenus, celle de grâce comprise. Nous verrons bientôt
ce qui a été fait en France à cet égard.
Colonie
de
sur
les bagnes, etc.
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t , i i 4 p
duire parmi les criminels une égalité de fait, un nivellement de conditions?
Si telle a été l’intention, quel affreux succès n’a-t-on pas obtenu! Pon-jTckson
» Maintenant tous les condamnés sont confondus : le scélérat incor- Consid érations
rigible, l’homme seulement égaré, ia victime de l’erreur, de l’opinion,
ie bigame, enfin tous les délits qui graduent ie crime, sont entassés au
hasard dans la même salle. Les droits du crime sont proclamés, et chaque
condamné peut opter entre tous ies forfaits. Que dis-je! des moyens
d’instruction dans chacun lui sont offerts! Le faussaire pourra apprendre
du voleur comment se fait une fausse clef, comment se crochète une
porte; le voleur à son tour apprendra du faussaire à calquer une signature,
à faire des compositions chimiques qui enlèvent l’écriture, en même
temps qu’elles collent le papier et lui conservent sa couleur; l’insubordonné
pourra devenir faux-monnoyeur et le bigame empoisonneur.
» Quoi de plus monstrueux qu’un tel mélange! Il rend funeste l’action
des lois, qui n’est plus pour la société que comme un ressort qui, trop
tendu, réagit sur lui-même, et se brise en déchirant la main qui le
comprimoit. Il fa it, d’une maison instituée pour corriger les hommes en
le.s châtiant, un moyen de perversité, une école de crimes, d’où ils sortent
presque toujours des monstres, quoiqu’ils n’y soient souvent entrés
qn’égarés. En effet, si le crime, qui dans la société est obligé de s’isoler,
de se couvrir des ombres du mystère, parvient cependant à augmenter
ses prosélytes et ses victimes, combien son action ne doit-elle pas être
plus puissante dans un lieu où il marche audacieusement, où il augmente
ses forces par le désespoir; ses lumières, ses moyens, par la communication;
et ses facultés par les liaisons!
» Dans les bagnes, comme dans le monde, on voit des êtres dominans,
qui donnent le ton, font la loi et sont comme les régulateurs de ces
lieux. Ces êtres sont les voleurs avec fausses clefs, espèce la pius dangereuse
de tous ies malfaiteurs.
>> Dans le monde, brillans caméléons, par des dehors aimables, un
grand usage de ia société, et au moyen d’un luxe fastueux, ils se ménagent
des entrées dans ies meilleures maisons, et des inlelligences dans
toutes; corrompent les domestiques, et, à force de perfidie, de souplesse,
de patience et de discrétion, parviennent à ruiner cent familles, à corn-
Voyage de l ’Uranie. — Historicjue. T . II.