
D é l’homme
en société.
Cérémonies
aux grandes
époques
de la vie.
assuroit que si l’étoile Sirius venoit à disparoître, tout seroit bouleversé
sur la terre. Us se garderoient bien de siffler sous une roche
escarpée surplombant au-dessus de leur tête; car selon eux, la roche
ne manqueroit pas de tomber et de les écraser dans sa chute. Un naturel,
après une course, se trouva fortement indisposé; on en attribua la cause
à ce que des femmes d’une tribu voisine avoient pissé sur son chemin,
circonstance regardée toujours comme du pius mauvais augure.
Quelques matelots anglais retenus par les vents contraires dans
une partie éloignée du Port - Jackson, se mirent en devoir d’apprêter
du poisson pour leur souper ; les sauvages les voyant faire, hochèrent la
tete en assurant que les vents favorables qu’ils desiroient ne viendroient
point, puisqu’ils osoient faire cuire du poisson pendant ia nuit. Le temps
fut en effet très - mauvais, ce qui confirma ces pauvres gens dans ieur
idée superstitieuse.
Naissance des enfans. — Après un mois ou six semaines , l’enfant nouveau
né reçoit son nom, presque toujours emprunté à quelques-uns des
objets qui sont le plus ordinairement sous leurs yeux, tels qu’un oiseau,
un quadrupède, un poisson, &c. Depuis la présence des Européens sur
ces bords, lés naturels aiment beaucoup à imposer des noms anglais à
leurs enfans; aussi les voit-on souvent prier les colons de leur en assigner
un de ieur choix.
Aucune cérémonie particulière n’accompagne ici la naissance des enfans
; mais il ne paroît pas qu’il en soit de même sur la côte occidentale
du golfe de Carpentarie, où le capitaine Fiinders (i) a vu, avec éton-
- nement, que tous les hommes étoient circoncis. On ignore à quel âge se
fait cette opération, de quelle manière elle se pratique, et la cause qui a
pu introduire cette singulière coutume chez des peuplades aussi peu fréquentées
par les étrangers; mais il est bon d’observer que rien de semblable
ne se rencontre à ia Terre de Witt ni à celle d’Arnheim, au Nord de la
Nouvelle-Hollande, où les pêcheurs de tripang viennent annuellement
de l’archipel d’Asie pour y former des cargaisons de ce précieux mollusque.
Espérons qu’une étude plus assidue et plus approfondie soulèvera
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n in c l u s i v e m e n t . 765
uh jour ie voile qui dérobe encore à nos yeux cette partie intéressante
de l’histoire des peuples du continent austral.
Nous eussions dû peut-être renvoyer ici les détails qui concernent les
mutilations auxquelles on assujettit, dans le jeune âge, tant ies filles que
les garçons; mais nous n’étions pas sûrs qu’il y eût une idée religieuse
attachée à ces pratiques ; c’est pourquoi nous avons mieux aimé en
parler ci-dessus à propos des usages du pays.
Mariage. — Toujours ies indigènes prennent leurs femmes dans des
tribus différentes de la leur, d’où l’on peut inférer que ies alliances entre
proches parens sont interdites. C’est un usage digne d’être constaté.
Quelquefois le père iui-même promet de bonne heure sa fille au jeune
homme qui l’affectionne; d’autres fois, quand la paix règne entre des
tribus voisines, on se fait, de part et d’autre, des visites amicales; et
alors les filles en âge d’être pourvues sont emmenées par les garçons qui
viennent les demander et les chercher. Jamais les amis de la famille
ni les parens ne s’interposent dans cette affaire; et si la prétendue fait
quelque résistance, ce qui arrive souvent, soit que la belle ait le coeur
engagé ailleurs, soit par tout autre motif, le galant ne manque pas
de iui imposer silence par un violent coup de waddy sur la tête, et
l’oblige ainsi à le suivre. Mais si la jeune fille n’a aucun éloignement
pour l’homme qui la choisit, le départ est alors bénévole et ne donne
lien à aucun mauvais traitement. Toutefois i’usage le plus général
consiste à voler des femmes dans les tribus ennemies; ce moyen a
quelque chose de plus piquant, et i’on emmène aussi, quand on le
peut, les femmes qui sont en puissance de mari; circonstance qui
occasionne trop souvent des assassinats et même des batailles meurtrières.
II n’est pas sans exemple que le ravisseur change de pays pour se
mettre à i’abri des poursuites.
Mais comment, sans blesser les oreilles chastes, parler delà courtoisie
des aborigènes en pareil cas! N’est-il pas choquant en effet queie prélude
de l’amour, dans ces contrées, soit presque toujours souillé par les plus
horribles e-^ès ! De 1 amour, ai-je dit! il faudroit inventer un mot nouveau
pour peindre chez ces sauvages toute la rudesse d’un sentiment qui est
si doux chez ies peuples civilisés. La malheureuse victime de la férocité
D e i’ homme
en société.