
P o rt-Ja ck son . se munit aussi d’un tronçon de womera (i), iong de 8 à lo pouces, qu’on
D e Fhomme
en société.
emploie en guise de coin. Pour couper ce tronçon , on pose l’instrument
contre la tige d’un arbre, et avant de frapper avec la hache, on fait trois
feintes préalables, ce qui s’observe à chaque nouveau coup. La gencive
étant convenablement déchaussée , on applique sous un angle aigu,
près de la racine de la dent et aussi haut que possible, ia petite extrémité
du coin de bois, qu’un des karrahdis cogne ensuite avec une pierre.
Mais leur prédilection pour le nombre trois se montre encore ici d’une
manière manifeste, car ils ne donnent aucun coup de hache cjue trois
feintes n’aient précédé.
Dès que la dent est extraite, les amis de l’enfant le prennent à part,
resserrent ses gencives avec ies doigts, et s’occupent à l’équiper d’une façon
convenable à sa dignité nouvelle, c’est-à-dire qu’après l’avoir ceint d’une
cordelette de poil d’opossum, dans laquelle ils passent un bomerang, ils
lui entourent la tête d’un cordon destiné à maintenir les fragmens de
feuille de xanthorrhéa dont elle doit être ornée : l’effet de cette coiffure est
assez pittoresque. Ils le contraignent enfiq à garder pendant toute la
journée la main gauche sur sa bouche fermée, sans lui permettre de
parler ni de manger.
Les mêmes opérations se renouvellent sur chacun des individus qui
doivent ce jour-ià passer dans ia classe des hommes. Pendant qu’on y
procède, les assistans font un bruit épouvantable, afin, disent-ils, de distraire
l’attention du patient et de couvrir même ses cris, dans le cas où ia
douleur lui en arracheroit quelques-uns; mais en général ces jeunes gens
se font un point d’honneur de souffrir sans se plaindre. On cite cependant
le trait d’un enfant d’une dizaine d’années qui, dès le premier coup,
ne pouvant supporter l’effet de l’instrument, se sauva au milieu des bois.
Il est de précepte que ie sang qui s’échappe de la bouche de l’initié
doit tomber sur sa poitrine, ainsi que sur la tête de l’homme qui lui sert
de siège; qu’il s’y sèche, et qu’on l’y garde pendant plusieurs jours sans le
laver. L’enfant doit aussi ajouter à son nom celui de ce même homme,
qui est pour lui une sorte de parrain.
Faut-il voir dans cette cérémonie une espèce de circoncision ou d’ex-
( I ) L e v ie r qui sert à lancer la saga ie, et qui sera décrit plus tard.
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 7 5 5
piation (i) religieuse! C’est une question sur laquelle nous aurions dé- Port-Jacksorr.
siré pouvoir donner des renseignemens positifs ; mais puisque personne D e l’homme
n’a eu la curiosité ou ia possibilité de fouiller plus avant dans cette
mine importante de l’histoire de l’homme sauvage, il faut bien nous
renfermer dans le champ des conjectures.
Le soir du jour où toutes ces épreuves sont finies, les jeunes initiés
vont s’asseoir sur un même tronc d’arbre; puis à un signal donné, ils
partent soudain, s’élancent vers un point qui a été déterminé, en chassant
rudement devant eux les hommes, les femmes et les enfans qu’ils rencontrent
: c’est ainsi qu’ils commencent à user des nouveaux privilèges dont ils
ont été investis, privilèges qui consistent dans le maniement de la sagaie
et du casse-tête; dans le droit de défier un ennemi et de se présenter au
combat, de s’emparer des fiiies des tribus étrangères, &c.
Les dents extirpées appartiennent en toute propriété aux Kammerra-
gals qui ont fait l’opération. Les Européens, dans l’origine, ont cru que
c’étoit une sorte de tribut, levé par cette peuplade puissante sur les tribus
voisines; mais ce qui sembleroit en opposition avec cette idée, c’est que
l’extirpation d’une dent incisive a lieu également chez les Kammerra-gals
eux-mêmes.
Percement du nez. — C’est de huit à seize ans que les garçons subissent
la perforation de la cloison nasale; on l’exécute avec un os pointu.
Aussitôt que cet os est retiré du trou, on y introduit une mèche faite
avec la tige arrondie et bien nettoyée d’une certaine espèce d’h erbf,
et dont tous les jours on augmente le volume, jusqu’à ce que l’ouverture
ait acquis la dimension nécessaire. L’opération et ses suites paroissent
non-seulement très-donloureuses, mais encore fort incommodes, puisque
pendant plusieurs semaines le patient ne peut respirer qu’en tenant la
bouche continuellement ouverte; ses narines en effet sont entièrement
bouchées, d’abord par la touffe d’herbes qui traverse la cloison du nez,
et plus tard par l’os ou ie morceau de bois qu’on passe comme ornement
dans ce cartilage.
( ! ) et Aucun ep ia tion n’a douté qu’il n’y eût dans l’effusion du sang une vertu e x p i a to i r e .»
{ D e M a is tre , Eclaircissemens sur les sacrifices, chap. i.'**’)