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failli devenirles victimes, et je me plais à rendre justice à tous. Du reste
on conçoit cette fermeté et ce courage chez ies personnes robustes , accoutumées
aux dangers comme aux fatigues de ia mer; mais combien
u’auroit-on pas lieu d’en être étonné chez les êtres foibles et délicats, si
la dernière et funeste campagne des Français en Russie n’en avoit offert
de nombreux et merveilleux exemples, et si l’on ne savoit d ailleurs tout
ce qu’une piété calme, douce et résignée peut ajouter de force à une
âme généreuse !
11 étoit douteux que, réduits aux seuls moyens que nous avions a notre
disposition , nous pussions parvenir à mettre ia corvette sur le coté, poui
réparer la plaie énorme qu’eile avoit dans sa carène : nous devions toutefois
l’essayer; mais la suite de cette opération n’appartenant pius à cette
division de notre histoire, nous allons passer au chapitre suivant.
C H A P I T R E XLI I .
Séjour aux îles Malouines.
Le naufrage de/’ê/m/Hc, arrivé d’une manière si inattendue, répandit
dans notre âme une sombre tristesse; et quand le jour vint éclairer le paysage
qui nous environnoit, notre oeil inquiet contempla avec une sorte
d’effroi l’aridité générale qui se déceloit à nous ; partout c’étoient des dunes
de sable, des montagnes pelées, un sol privé même des moindres arbrisseaux.
Sous beaucoup de rapports on eût pu comparer cette aridité à
celle qui tant de fois avoit affligé nos regards à la baie des Chiens-
Marins. Mais cette espèce de découragement momentané fit bientôt place
aux sentimens plus doux de notre reconnoissance envers cette Puissance
suprême qui, en tenant notre vaisseau comme suspendu au-dessus des
gouffres de l’océan, nous avoit préservés d’une perte totale ! Nous tournâmes
donc vers le ciel notre coeur consterné, et, nous sentant animés alors
d’une nouvelle force, nous commençâmes sans retard l’oeuvre du sauvetage
de ce que nous avions à bord de plus précieux.
II étoit surtout essentiel de mettre immédiatement en sûreté les journaux
et les autres papiers de l’expédition. Quelle n’eût pas été notre douleur,
s i, par ia perte de tant de documens précieux , notre long voyage eût été
rendu inutile, et s’il nous eût été impossible d’en constater les résultats et
d’en démontrer l’importance! Nous sauvâmes généralement tous nos travaux
de physique, d’astronomie, d’hydrographie, d’anthropologie, de linguistique,
ainsi que tous nos journaux et notes d’histoire naturelle; mais
nous ne fûmes pas aussi heureux pour la totalité de nos collections ; plusieurs
caisses d’échantillons qui se trouvoient dans ia cale furent perdues,
et ie contenu de quelques autres fut avarié par l’eau de mer ; ii faut compter
dans ce nombre quelques oiseaux, des papillons, etc., qui ainsi nepurent
plus offrir qu'un foible intérêt pour la science. L ’herbier considérable de
notre savant collaborateur M. Gaudichaud eut surtout à souffrir de notre
désastre; quoique par son activité et ses soins ce laborieux botaniste ait
pu venir à bout de conserver un grand nombre de plantes, ce qu’il a
perdu mérite à juste titre tous nos regrets.