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P o it-J.ick so n . sur leurs épaules, et en peu d’instans l’eurent conduit lui-même au milieu
^en so d é tr "^ peuplade, composée d’une trentaine d’individus. Les questions
d usage commencèrent alors, et un murmure de satisfaction ayantaccom-
pagné ses réponses, on s’empressa bientôt de lui dresser une belle hutte
d écorce, et de lui servir pour son souper un magnifique poisson qu’on
avoit fait cuire à son intention.
Des Anglais, naufragés près de la baie Moreton (pl. p i ), eurent également
occasion d’éprouver l’humanité de ces peuples : tous les égards
et toutes les attentions que le malheur obtient des coeurs généreux, leur
furent prodigués.
Les lois de l’hospitalité sont sacrées parmi eux. Un chef ennemi qui
venoit choisir, de concert avec ses adversaires, te lieu où devoit se
donner 1e prochain combat, prit part à un festin que lui avoient préparé
ceux-là mêmes avec lesquels il étoit en guerre.
Moeurs, — Quand rien n’obfige les naturels au travail , ils passent des
heures entières dans la pius incroyable oisiveté. Quelqu’un d’entre eux
est-il malade? ses parentes se rendent auprès de lui après s’être munies
d un filament d écorce flexible, dont eiles se frottent les gencives jusqu’au
sang, ainsi que nous l’avons dit en parlant des maladies : elles croient
par cette pratique alléger ses souffrances.
Us savent mettre queiquefois dans leurs procédés une politesse bienveillante,
comme par exemple quand ils éclairent avec une torche les
pas dun ami qui arrive ou qui part de nuit. Ils laissent paroître en toute
occasion une curiosité extrême, et quelquefois une grande gaieté. Le
rire est facilement excité chez eux par tout objet intéressant, et pius
encore par des choses plaisantes, telles qu’une chute inattendue, ou
une scène de mimerie, genre d’amusement dans lequel ils excellent.
Ils ont un goût si passionné pour les nouvelles, qu’ils adressent
mille questions à tous ceux qui arrivent auprès d’eux: D'où venez-vous!
où allez-vous! ou avez-vous passe' la dernière nuit! où passerez-vous la nuit
prochaine! combien de temps resterez-vous avec nous! quel fd ii curieux pouvez-
vous nous apprendre! quelle anecdote pouvez-vous nous raconter! qu avez-vous
appris des personnes avec lesquelles vous avez communiqué! &c. &c. Cette
disposition questionneuse fait qu’ils sont toujours au courant des événe-
D e l’homme
en société.
L I V R E V . — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 7 4 1
mens qu'ils desirent connoître et de tout ce qui se passe autour d’eux, P o r t-Ja c k so n .
même à une distance assez considérable. A ce compte on pourroit leur
appliquer tout-à-fait ce que César dit des Gaulois(i) : «qu’ils ont i’usage
» d’arrêter jusqu’aux passans, pour leur demander des nouvelles ; et que
” le peuple environne ies voyageurs et les marchands dans les places
» publiques, en les contraignant de leur dire d’où ils viennent et ce qu’ils
» ont appris. »
Quoique ia dissimulation et la tromperie, lorsque leur intérêt les y porte,
ne soient pas chez eux chose inconnue, ils se montrent pourtant fidèles
à ieurs promesses et probes dans les marchés qu’on fait avec eux; non
pas que les vols soient sans exemple, mais ils sont rares. A i’origine de
l’établissement anglais , on eut souvent à se plaindre de leurs larcins , et
l’on fut obligé de veiller sur-tout aux provisions de bouche et aux objets
qui excitoient ieur curiosité ; mais bientôt ces délits devinrent moins
fréquens, et déjà Flinders remarquoit, en i8 o j , au sujet des sauvages
de ia baie Calédon ( au golfe de Carpentarie ) généralement adonnés au
v o l, que cette disposition contrastoit avec celle des naturels du Port-
Jackson et des autres points de ia Nouvelle-Hollande qu’il avoit eu occasion
de visiter. Le capitaine King a fait, en i 8 i 8 , la même observation.
Dans une foule de circonstances on a pu se convaincre du courage et de
la mâle fermeté des naturels en présence de l’ennemi. La joie avec laquelle
ils reçoivent un cartel est encore un indice non douteux de leur bravoure.
A cet égard ils se font un point d’honneur de ne jamais refuser; ils crain-
droient en agissant autrement d'être regardés comme des lâches et flétris
comme tels par leurs compatrioies. Nul n’oseroit non plus attaquer
son adversaire d’une manière déloyale, et l’on a pu s’assurer qu’une sorte
de droit des gens étoit observé chez eux, si ce n’est toujours, du moins
dans ia plupart des circonstances. Cette attention rigoureuse à ne point
manquer à l’honneur, lorsqu’ils sont en état de guerre ou d'inimidé,
paroît d’abord difficile à concilier avec les assassinats nocuirnes et per-
( 1 ) E s t autem hoc gnllicæ consuetudinis, m et viatores etiam invites consistere cognnt; et
quod qinsque eoruni de quâque re au dieri t , aut cognoverit, quærant ; et mercatores in oppidis viilgus
circumsistat ; quïbusque ex regionibus v enian î, quasque ïbi res cognoverinî, proniinriare cogant.
( Cæs. de bello G a llic o , 1. IV . )
Voyage de l’ Uranie. — Historique. T . II. B b I) Ì) b